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La fructueuse industrie de la nostalgie

Photo: Getty

bandeau nostalgieFaire appel à la nostalgie dans une publicité ou pour conceptualiser un produit, c’est non seulement efficace, selon les chercheurs, mais ça peut aussi être payant pour les entreprises.

Damien Hallegatte, professeur à l’Université du Québec à Chicoutimi, connaît bien le sujet, ayant dédié sa thèse de doctorat à la notion du «rétromarketing».

On peut facilement se remémorer toutes ces publicités qui font appel à nos souvenirs d’enfance, ou encore aux produits qui ont marqué notre jeunesse.

«On voit assez souvent l’utopie des années 1960 [dans les publicités]. À cette époque, on pensait que tout était possible, qu’on allait vers le meilleur, qu’on allait régler tous les problèmes de l’humanité. C’est l’apogée de l’optimisme, avec Woodstock et l’homme sur la Lune», illustre M. Hallegatte.

Selon les récentes recherches faites sur le sujet, les compagnies auraient raison d’y faire référence. «Il y a une série d’études qui démontrent que susciter la nostalgie dans les publicités, c’est efficace. Les gens aiment davantage la publicité, le produit ou la marque, ils s’en souviennent davantage», soutient M. Hallegatte.

Selon lui, l’attrait de cet outil marketing vient du fait que «voyager dans le futur, c’est assez angoissant, alors que voyager dans le passé, c’est à la fois rassurant et étrangement familier.»

Surtout en contexte d’austérité, reconnaît-il, ces références sont bel et bien une manière de capter l’attention et les émotions du consommateur. «Plus le présent est déprimant, plus l’avenir est angoissant, plus le passé devient attirant», affirme le chercheur.

«Plus le présent est déprimant, plus l’avenir est angoissant, plus le passé devient attirant.» – Damien Hallegatte, professeur à l’Université du Québec à Chicoutimi

Les entreprises flairent la bonne affaire, et leurs chiffres leur donneraient raison de fonctionner ainsi. Pour étudier la situation, Damien Hallegatte s’est penché spécifiquement sur le marché de la musique populaire. Sur une période de 10 ans, à la fin des années 1990, les recettes du marché mondial des concerts de musique populaire ont plus que doublé, passant de 1,7G$ à 3,2G$. La cause: l’augmentation du prix des billets. «Qui est-ce qui vend les billets beaucoup plus cher? Ce sont les vieux groupes de rock des années 1960-70», a observé le chercheur, citant en exemple Paul McCartney et les Rolling Stones, qui peuvent demander plus de 125$ pour un billet.

Stratégiquement, c’est également moins risqué de miser sur des produits du passé, puisqu’«on ne part pas de zéro. Il y a déjà un bassin de gens qui connaissent et aiment le produit», renchérit M. Hallegatte.

Et les gens sont prêts à payer le prix, puisque plus le présent est déprimant, plus «on a tendance à dire qu’avant, c’était mieux, c’était le party», illustre le professeur.

La trilogie des années 1990
C’est dans les années 1990 qu’on a vu se développer les produits rétros. Trois aspects ont favorisé leur arrivée sur les tablettes.

  • C’est la fin du siècle, on a tendance à vouloir faire une rétrospective.
  • Les bébé-boumeurs ont 40 ans et plus, ils ont tendance à regarder en arrière, à évoquer leur jeunesse. «C’est l’effet de l’âge», dit M. Hallegatte.
  • L’actualité sociopolitique: chute du mur de Berlin, chute de l’empire soviétique. «Le monde tel qu’on le connaît explose, c’est donc l’arrivée de l’anxiété par rapport à l’avenir», indique M. Hallegatte pour expliquer cette tendance à la nostalgie.

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