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Place aux indignés «pragmatiques»

Après le libéralisme social de Jean Charest, l’éthique capitaliste de Lucien Bouchard, le capitalisme de compassion de George W. Bush, la gauche efficace de Jean-François Lisée, voilà maintenant les indignés «pragmatiques», tel que titré en grande pompe dans Le Devoir du 25 novembre. Tous des thèmes creux véhiculés par des adeptes du statut quo fondé sur le capitalisme débridé et l’individualisme. Même les indignés doivent dorénavant cesser d’être révoltés, rêveurs, revendicateurs, critiqueurs et dénonciateurs. Ils doivent se convertir, rentrer dans les rangs, s’intégrer harmonieusement au système afin de devenir plus pragmatiques et adeptes du consensus, c’est-à-dire suggérer des modifications cosmétiques au modèle actuel sans rien changer d’important. Ils doivent mettre de côté leur négativisme pour plutôt être positifs, sinon on va les traiter de communistes frustrés et envieux. Bientôt, les maîtres économiques, politiques et leurs commandités de tout acabit lanceront et financeront la mise sur pied de l’Association des indignés lucides, l’ADIL. Oui, il faut mettre fin à l’immobilisme, mais pas n’importe comment. Le patronat va leur suggérer des idées pour contrer de la bonne façon l’immobilisme. Que les indignés se le tiennent pour dit.  

Ces pseudos indignés «pragmatiques» comprennent l’Institut du Nouveau Monde, Équiterre, Génération d’idées, Les Dégriseurs, Sortie 13 et j’en passe. Ces groupes financés généreusement par le privé surfent toujours sur les mêmes thèmes insignifiants et les mêmes vœux pieux : contrer l’immobilisme, le développement durable, le vieillissement de la population, la responsabilité sociale des entreprises, l’achat équitable, l’économie sociale, l’environnement, les conflits intergénérationnels, les accommodements raisonnables, etc. Voilà pourquoi les banques, les multinationales de l’alimentation, les papetières, les minières, les pétrolières, les pharmaceutiques, les gouvernements et autres financent abondamment ces groupes qui font leur affaire et qui jouent leur jeu. Ces organismes ne sont en fait que des pantins de l’establishment économique et politique qui leurrent et trompent la population. Aucune mesure qu’ils proposent ne vient véritablement perturber et bouleverser le «désordre» établi afin de rétablir le bien commun et atténuer profondément les inégalités économiques comme mettre de l’avant la réappropriation collective de nos services publics et de nos ressources naturelles et instaurer des politiques fiscales distributives nécessaires au financement adéquat de nos services publics.

Les dirigeants de ces organismes doucereux sont biens vus et honorés par le patronat et les gouvernements et ont une très bonne couverture de presse jumelée à un enthousiasme exalté des éditorialistes et des chroniqueurs. Prenons par exemple le groupe Génération d’idées, nom assez pompeux merci, qui a «une approche plus axée sur la recherche de résultats que sur la dénonciation» (Le Devoir, 25 novembre) et qui compte comme mentors des «révolutionnaires tranquilles» comme Jacques Ménard de la Banque de Montréal, Éric Prud’homme de la Chambre de commerce de Montréal, le sénateur libéral Francis Fox et le journaliste Jean-François Lépine de Radio-Canada. Assuré qu’avec ses «sages» on va changer le monde en profondeur.

Puis, il y a l’Institut du Nouveau Monde financé par la Fondation Chagnon, les anciens propriétaires de Vidéotron, qui loge au 10e étage d’un somptueux bureau de la rue Sherbrooke avec vue sur le campus de l’université McGill. C’est mieux que d’être logé dans un demi sous-sol à Saint-Henri. Le dit institut veut «changer le monde… une entreprise à la fois» (Le Devoir, 29 mai 2010). Ça va être long mes amis. Soyez patients! Ils viennent d’initier une «conversation publique sur les mines financée par le lobby minier» (Le Devoir, 8 décembre 2011) et ils ont lancé «une consultaton sur le vieillissement» (Le Devoir, 29 août 2009). Ça sent le réchauffé, n’est-ce pas? Y’a pas de mal à travailler avec le bon lobby minier, contrairement à ce qu’en pense le poète Richard Desjardins et d’autres groupes dotés d’une attitude jugée négative à leurs yeux et à leurs oreilles.

Il y a aussi l’organisme Sortie 13, qui regroupe des représentants des générations X et Y et autant de gens issus, selon eux, de la gauche que de la droite et qui veut «sortir le Québec du cynisme et de l’inertie» (Le Devoir, 12 septembre 2011). La gauche et la droite travaillant ensemble à l’unisson. C’est y pas beau ça! Ça vient vraiment me chercher et ça m’arrache quelques larmes. Soit dit en passant, le patronat aussi veut en finir avec l’immobilisme au Québec. Que dire des jeunes Dégriseurs qui vont faire appel à la «créativité et à l’imagination» pour nous sortir du pétrin (Le Devoir, 21 juin 2011). Des jeunes lucides en herbe qui vont enfin nous éclairer de leurs lanternes. Que dire aussi de la Coalition priorité cancer, principalement financée par l’industrie pharmaceutique (Le Devoir, 3 décembre 2011), qui milite pour l’introduction de nouveaux médicaments brevetés très onéreux financés par l’État. Et de Canards illimités qui a émis un reçu déductible d’impôts de 10 M$ – donc financé par des fonds publics – à un entrepreneur proche de Jean Charest, qui a dit que «ça ne nuit pas d’avoir de bons contacts en politique» (Le Devoir, 25 novembre 2011). Entièrement d’accord avec le faiseux. Il y a également l’écologiste David Suzuki qui s’allie avec le Mouvement Desjardins afin de promouvoir le développement durable (Le Devoir, 25 mars 2010) ainsi que la vertueuse Laure Waridel qui fait de la publicité pour cette institution financière. J’en aurais plein d’autres comme ça à énumérer.

Toute cette propagande et tous ces groupes supposément communautaires et sociaux (des ONG) financés par le patronat fait partie intégrante de leur stratégie afin d’aliéner la population. En effet, quoi de mieux que de récupérer ces organismes et ces individus qui prétendent être indépendants et être au service du monde ordinaire afin de nous «brainwasher» encore plus. Déjà que les maîtres économiques du monde détiennent de nombreux organismes de recherche, embauchent des universitaires de service, financent abondamment les partis politiques et possèdent la vaste majorité des médias écrits et parlés. Il ne manquait plus que de s’approprier à leur compte les pseudos organisations non gouvernementales afin de continuer de plus belle leur entière domination hégémonique sur le monde. La seule et unique façon d’aboutir à une société plus égalitaire et plus démocratique passe par le socialisme. On a le devoir de dénoncer l’hypocrisie notoire de ces organismes supposément sociaux, écologiques, communautaires, etc. qui sont avant tout au service de la classe dominante.

– Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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