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Où vont les gros profits?

Pour créer de l’emploi et de la richesse, stimuler les investissements en machinerie et en recherche, faut absolument baisser les impôts des compagnies, qu’ils vous disent. Et vous les croyez. Effectivement, baisses d’impôts riment avec gros profits: «Canada : La santé financière des entreprises n’a jamais été aussi bonne depuis 40 ans, a constaté Statistique Canada» (La Presse, 18 novembre 2009). Crise financière, vous dites? Pour qui? Baisses d’impôts des sociétés va naturellement de pair avec hausses de taxes, d’impôts et de tarification des particuliers.

Toute cette rhétorique primaire sur les vertus des baisses d’impôts n’est que mensonge. Premièrement, avec leurs profits records, elles augmentent leurs dividendes et rachètent leurs actions afin de diminuer leur nombre en circulation et ainsi doper leur valeur au marché. Racheter ses propres actions est l’antithèse de l’investissement. Voici quelques preuves qui décramponnent leurs prétentions: «Les rachats d’actions se multiplient» (Les Affaires, 25 septembre 2010); «Rachat d’actions: une manne pour les actionnaires» (Les Affaires, 14 août 2010) et «Rachat massif d’actions: Une bonne nouvelle pour Wall Street» (La Presse, 7 septembre 2006). Trop, c’est trop, comme l’indique le titre de cet article du Journal de Montréal : «Le déluge de dividendes et de rachat d’actions inquiètent les économistes.»

Imaginez, même les économistes américains s’inquiètent mais pas nos zinzins d’ici. Tiens, pas plus tard que la semaine dernière, le CN, contrôlé maintenant par des Américains, a haussé son dividende de 20%. Il s’agit de la 15e hausse de dividende depuis 1995. Et Intel, qui va racheter pour 10 G$ de ses propres actions. Allô investissement et emploi! Création de richesse pour qui au juste M. Harper?

Deuxièmement, elles en profitent pour acquérir des compétiteurs. Ainsi, en réduisant la concurrence, elles augmentent les prix à leur guise, et, synergie oblige, elles ferment des usines et «flushent» des travailleurs. Elles n’investissement pas, elles désinvestissent. Tiens, prenons des faits : «Fusions et acquisitions: Les grandes entreprises profitent de leurs liquidités abondantes pour mettre la main sur un concurrent» (La Presse, 24 août 2010) et «L’été des fusions et des acquisitions à coups de milliards de dollars» (Le Devoir, 24 août 2010).

Il y a même Don Drummond de la Banque TD qui a dit, dans La Presse du 4 juin 2010 : «Les entreprises canadiennes, malgré des mesures d’incitations (fiscales et subventions) importantes des gouvernements, ne suivent pas le rythme en matière d’investissements et d’innovations. En fait, de 2002 à 2007, les entreprises canadiennes ont sous investi dans les équipements clé et n’ont pas suivi la cadence des autres pays de l’OCDE.» Oh, oh! Là où ça fait pas du bien! Les banques canadiennes sont loin d’être des modèles en innovation et en recherche ancrées qu’elles sont dans leur confortable oligopole, dit The Economist» (Les Affaires, 22 mai 2010). En fait, de 2004 à 2009, la CIBC a racheté des actions et versé des dividendes pour 11,7 G$ sur des profits de 7,1 G$ et la Banque de Montréal du lucide Jacques Ménard a retourné à ses actionnaires pour 3,7 G$ sur des bénéfices de 3,9 G$ en 2007 et 2008.

Terminons par un peu d’humour: «L’explosion des profits n’annonce pas la fin de la crise. Les grandes entreprises engrangent pendant qu’on s’émeut du taux de chômage élevé et de la faible croissance» (Le Devoir, 4 septembre 2010). Le show de la dérision «must go on».

Sur ordre de mes thérapeutes Pancho et Igor, je dois absolument finir mon texte par une note très positive, sinon gare à moi, m’ont-ils dit sur un ton vraiment menaçant. J’ai peur. Bon, d’accord, voici ma bonne nouvelle.

Il y a quatre mois, la Banque Scotia a effectivement fait un gros investissement qui a enthousiasmé leurs actionnaires et fait bondir la valeur au marché de l’action. Investissement, oui il y a eu, mais à l’étranger et dans les paradis fiscaux des Ïles Caïmans et Panama afin de payer encore moins d’impôt pour elle et ses gros clients (Le Devoir, 7 octobre 2010). Sur ordre du président français Sarkozy, la Banque nationale de Paris (BNP) a été contrainte de vendre ses filiales dans les pires paradis fiscaux de la planète. Et qui les achète? Notre très chère Banque Scotia très portée au Canada, comme vous le savez, sur l’éthique, la gouvernance et la responsabilité sociale de l’entreprise. Où y’a de la gêne, y’a pas de plaisir, comme ils disent! Par ici la bonne soupe…

– Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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