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Une épopée polonaise

Photo: Chantal Levesque

Cet été, les différentes communautés de Montréal convient la métropole à célébrer avec elles leur culture. Métro a décidé de souligner tout au long de l’été leur histoire et leur apport à la vitalité de la ville. Cette fin de semaine, la Pologne sera à l’honneur, alors que le Festival polonais de Montréal battra son plein, demain et dimanche, pour partager la riche culture d’un peuple qui a su garder le sens de la fête, malgré une histoire souvent douloureuse. Nazdrowie!

Les premières communautés polonaises qui sont arrivées au Canada provenaient d’une nation qui n’existait pas. La Pologne avait en effet été partagée entre trois puissances à la fin du XIXe siècle, pour ne retrouver sa souveraineté que 123 ans plus tard, au lendemain d’une Première Guerre mondiale qui sonna le glas des empires germaniques, austro-hongroises et russes.

La première vague migratoire issue de Pologne vint aider à poser le pharaonique chemin de fer transcanadien. «Ces hommes étaient recrutés par des agents canadiens en quête d’une main-d’œuvre travaillante et bon marché capable de paver la voie au cheval de fer qui devait cimenter la Confédération canadienne», a expliqué la professeure de science politique à l’Université de Montréal, Magdalena Dembinska, lors d’une rencontre à la BaNQ. D’autres partaient aussi parfois abattre les forêts ou creuser les entrailles de l’ouest canadien, dans les camps de bûcherons et les mines de charbon. Autant de travaux éreintants et mal rémunérés, mais qui offraient un avenir meilleur à ces Polonais souvent démunis dans leur pays natal.

Ces apatrides, qui n’avaient d’État que le souvenir, seront alors «un peu plus de 100 000 à venir s’établir ici», selon Mme Dembinska.

La souveraineté retrouvée de la Pologne, en 1918, ralentit l’arrivée de nouveaux immigrants au Canada. À cela s’ajouta l’effondrement boursier de 1929, qui laissa Ottawa à bout de ressources. Devant les difficultés économiques, le réflexe des dirigeants fut de fermer la porte aux nouveaux arrivants, et ce, même si le nazisme et Adolf Hitler émergeaint lentement mais sûrement en Europe.

Puis arrive 1939 et, avec elle, l’envahissement de la Pologne par la Wehrmacht, élément déclencheur de la Deuxième Guerre mondiale. Le pays est alors divisée entre le IIIe Reich et l’empire soviétique, conformément au traité de non-agression conclu entre les deux puissances. Seulement 20 ans après avoir retrouvé sa place sur la mappemonde, donc, la Pologne est de nouveau sous occupation, sa population écartelée entre les camps de concentration allemands et les goulags soviétiques. Elle le restera jusqu’à la fin des années 1980…

«Les Polonais étaient retirés de la vie sociale, tout se passait dans les sous-sols des églises. Le festival, c’était pour partager ce qu’on est avec Montréal.» Leszek Kaczor, qui a fondé le Festival polonais de Montréal il y a 6 ans

«Une armée de résistance polonaise se mobilise pour faire front à Hitler depuis l’extérieur de la Pologne occupée, d’abord autour de Paris, puis à Londres», explique la professeure Dembinska. Mais alors que la défaite des nazis laisse l’Europe en ruines, le rideau de fer de Staline tombe sur les frontières polonaises, en accord avec la partition du continent prévue par le plan Morgenthau, adopté au Château Frontenac de Québec en 1944. Les résistants polonais ne peuvent retourner dans leur terre natale et le Canada, en cruel manque de travailleurs agricoles, après avoir envoyé ses fils sur le front, en accueille 4 500.

Cette seconde vague migratoire se distingue de la première en ce sens qu’elle est fort instruite et s’établit autour des grands centres que sont déjà Toronto, Vancouver et Mont­réal. L’arrivée d’immigrants polonais au Canada se fera par la suite au compte-gouttes, tant la chape de plomb imposée par l’Union soviétique sur ses sujets prive ceux-ci de leurs libertés fondamentales, dont celle de fuir l’empire.

ACTU - ponki polonais
Les paczkis, copieux beignets polonais, sont «la meilleure chose du monde», selon plusieurs membres de la rédaction de Métro.

À l’aube des années 1980, l’URSS est en crise, et les Polonais, fatigués d’être sous un joug étranger, se mobilisent autour de Solidarnosc, un syndicat autorisé pendant un temps par les autorités soviétiques et qui revendiquera bientôt 10 millions de membres, soit le tiers de la population polonaise à l’époque. La brèche qui s’ouvre alors dans le rideau de fer permet à des milliers de personnes de fuir la Pologne… jusqu’à ce que la loi martiale soit imposée. C’est à cette époque, soit en 1981, que la mère du petit Bernard Adamus, alors âgé de quatre ans, posera notamment ses valises et celles de ses deux fils à Montréal. La famille du compositeur salué aux quatre coins du Québec fera partie d’un contingent important d’activistes opposés au régime soviétique, qui fuient la répression pour des pays où leur liberté puisse s’épanouir.

Alors que l’URSS périclite lentement jusqu’à l’éclatement, environ 80 000 Polonais s’enracinent au Canada, dont quelque 52 000 à Montréal. Malgré leur histoire tumultueuse faite d’exil et de déracinement, cette communauté convie la métropole cette fin de semaine au parc des Faubourgs, situé sous le pont Jacques-Cartier, pour célébrer leur culture, vivante malgré des siècles d’hiver qui peuvent, comme le chante M. Adamus, parfois tuer… mais seulement «jusqu’au printemps».

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