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Manon Massé: «Il faut prendre le train quand il passe»

Photo: Chantal Levesque/Métro

La députée de Sainte-Marie–Saint-Jacques, Manon Massé, a commencé l’année 2017 en lion. Après avoir vu sa collègue et amie Françoise David quitter la vie politique, elle a dû batailler pour la sauvegarde de sa circonscription, tout en continuant son train-train quotidien d’élue du parti de la troisième opposition à l’Assemblée nationale.

Est-ce que la députée de Québec solidaire est à bout? «Je commence à être fatiguée, mais en même il faut prendre le train quand il passe», lance-t-elle tout de go. Et son rythme de vie effréné, dicté par un agenda aussi rempli que celui d’un ministre, se poursuivra si elle devient officiellement la co-porte-parole de son parti en mai prochain.

Mme Massé avoue candidement ne pas avoir trouvé un équilibre dans sa vie partagée entre Québec et Montréal depuis le début de l’année, mais elle est confiante de le trouver dans un avenir rapproché, même si ses responsabilités risquent de s’alourdir.

Assise dans le parc voisin de la Grande bibliothèque – sur un «banc anti-itinérant», a-t-elle rapidement remarqué, «mais pas le pire» –, Manon Massé a fait le bilan des deux premiers mois de l’année où son quotidien a été aussi rempli qu’une année pour le commun des mortels. Elle a discuté avec Métro tout en prenant le temps de hocher la tête et de saluer les citoyens qui la reconnaissaient.

Le départ de sa complice Françoise David, en janvier dernier, l’a émue puisqu’elle voyait partir son alliée des 22 dernières années, mais aussi en raison de la franchise dont elle a fait preuve au moment de ses adieux à la vie politique.

«Comme féministe, je trouve cela important de voir des femmes qui ont fait partie de notre imaginaire collectif durant toutes ces années être capables de dire en toute humilité « j’ai fait un burn-out dans ma vie et je ne veux pas en faire un deuxième », mentionne-t-elle. Ça me rendait encore plus fière de ma chum.»

Prenant le relais naturellement de la députée démissionnaire, Manon Massé admet avoir été préparée à cette éventualité. Elle a été formée «en mode fast-forward», pour reprendre ses paroles, étant donné le nombre restreint d’élus de son parti et de ses ressources limitées. Elle était ainsi habituée à monter au front et de s’enflammer pour dénoncer les injustices et les inégalités.

Gerry Sklavounos, contre lequel aucune accusation d’agression sexuelle n’a été déposée à la suite du témoignage d’Alice Paquet, fait partie des sujets qui ont soulevé l’ire de Manon Massé ces derniers mois. Et encore aujourd’hui.

«Quand une situation nous choque profondément, on s’indigne. Et la classe politique dit « c’est dégueulasse et il faut qu’on fasse quelque chose ». Quand ça se passe dans notre cour, on dit qu’il faut faire attention», fulmine-t-elle. Elle rejette encore aujourd’hui les excuses du député de Laurier-Dorion, les qualifiant de nouveau de «discours de vieux mononcle cochon». «J’en veux à Gerry, dit-elle. Il avait une belle opportunité de faire amende honorable et de dire « oui, les propos que j’ai tenus ont agressé des personnes » plutôt que de dire « je suis un joker et j’aime cela détendre l’atmosphère. »» Elle n’hésite pas à souligner l’existence «d’une culture du viol» mais aussi «d’une banalisation des rapports inégalitaires entre hommes et femmes».

Même si elle est dure dans ses propos, Manon Massé entretient un espoir. Une politique interne a été adoptée à l’Assemblée nationale sur les rapports égalitaires entre hommes et femmes. Elle manque de mordant, souligne-t-elle, mais c’est un début. Mme Massé aimerait aussi que les règles de destitution d’un député soient modifiées. Pour le moment, elles prévoient le départ forcé d’un député seulement s’il est accusé d’un acte criminel et s’il doit purger une sentence en prison de plus de deux ans.

«Chaque matin que le Bon Dieu amène, je me dis que l’humain mérite mieux que ce qu’on lui offre. C’est ma motivation. Chaque être humain est né égal en droit et en dignité. En droit, c’est biaisé. Et en dignité, on a ben de la job à faire.» – Manon Massé, députée de Québec solidaire

Dans la foulé de la bataille pour la sauvegarde de la circonscription de Sainte-Marie–Saint-Jacques, Manon Massé a remis de l’avant la réforme du mode de scrutin réclamée par les trois partis d’opposition à l’Assemblée nationale. Ceux-ci souhaitent qu’il devienne proportionnel mixte avec une compensation pour les régions. «On est sur le point de s’entendre sur un mécanisme pour aller consulter la population», dit Mme Massé. Cette dernière veut que le projet de loi de cette réforme soit écrit avant les prochaines élections afin qu’il soit déposé le plus rapidement possible après l’élection du prochain gouvernement en 2018.

«Ce n’est pas de la politique qu’on veut faire, c’est de la démocratie, insiste la députée de Sainte-Marie–Saint-Jacques. Ça nous prend un outil qui est représentatif des gens. [Le mode de scrutin réclamé] serait très respectueux des traditions démocratiques du Québec.»

Avec ce nouveau mode de scrutin, Manon Massé croit aussi qu’on diversifierait la composition de l’Assemblée nationale. Elle déplore la chasse aux «vedettes» qui précède les campagnes électorales, soulignant du même coup ses difficultés à se faire accepter dans les milieux politiques, elle qui vient du milieu communautaire.

«Ça prend du guts en torrieu pour dire que je ne suis pas attendue dans ce milieu et je ne suis même pas reconnue dans ce milieu, lance-t-elle. Ma parole est tout aussi intelligente même si elle ne plaide pas comme un avocat ou et qu’elle ne fait pas partie de l’élite. C’est pas parce que je ne fais pas partie de l’élite que je ne comprends pas la game. Au contraire. Je la comprends en maudit.»

 

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