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Un pesticide interdit en Europe trouvé dans l’eau des Montréalais?

Photo: Archives

Un pesticide sous surveillance aurait été retrouvé dans l’eau potable des Montréalais dans des quantités inquiétantes, selon des écologistes et des chercheurs. La Ville assure n’en avoir jamais détecté depuis 2009.

Selon la cinquantaine de prélèvements effectués par des chercheurs montréalais, entre mars 2015 et décembre 2016, la concentration de l’atrazine a atteint 0,25 microgrammes par litre d’eau durant l’été 2016. Si ces prélèvements se situent nettement en-dessous de la norme québécoise de 3,5 microgrammes par litre, ils dépassaient fréquemment la norme européenne d’acceptabilité qui s’élève à 0,1 microgramme par litre.

«À des concentrations dans l’eau avoisinant celles de la norme européenne, on constate notamment des problèmes de reproduction et de développement sur les amphibiens et les animaux, particulièrement des malformations chez les grenouilles» a indiqué Maryse Bouchard, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

«Quelques études chez l’humain suggèrent également des effets perturbateurs sur le cycle menstruel et la qualité des spermatozoïdes quand les concentrations dans l’eau sont similaires à celles mesurées à Montréal et Toronto», a-t-elle ajouté en précisant que ces études ne faisaient pas encore consensus compte tenu du fait que les effets du produit étant encore peu étudié chez l’Homme.

Du côté de la Ville on se veut rassurant. «La Ville effectue la mesure du paramètre Atrazine quatre fois par année au milieu de ses différents réseaux de distribution. Depuis 2009, nous n’avons décelé aucune trace de ce produit dans l’eau potable de la Ville de Montréal», répond Noémie Brière-Marquez, porte-parole de la Ville. Elle précise que la limite de détection est de la Ville est de 0,1 microgramme/L. La Ville assure en outre que son eau respecte les exigences gouvernementales.

Malgré tout, Sidney Ribaux, directeur général d’Équiterre juge qu’«il est alarmant que les Canadiens boivent de l’eau qui contient des pesticides, à des niveaux jugés dangereux par d’autres pays. L’Union européenne a interdit l’atrazine il y a 13 ans. Pourquoi Santé Canada n’adopte-t-il pas le même principe de précaution pour protéger l’environnement et la santé des Canadiens?». L’organisme écologiste a mis en ligne une pétition demandant l’interdiction de l’atrazine qui a déjà reçu plus de 32500 signatures.

L’Union européenne a d’ailleurs interdit cet herbicide en 2003. Comme tout produit proscrit par l’Europe, le gouvernement fédéral était donc tenu d’en évaluer les risques. Santé Canada s’apprêterait d’ailleurs à remettre son rapport sur la question.

Toutefois les écologistes s’inquiètent de la méthodologie utilisé par l’organisme gouvernemental. «L’évaluation de l’atrazine faite par la ministre de la Santé fédérale est fondée sur une analyse qui se base uniquement sur les concentrations d’atrazine dans les eaux souterraines», a déploré Tim Gray, directeur général d’Environmental Defence dans un communiqué de presse émis mardi. Or, au Québec, l’eau potable de près de 70% de la population provient d’eaux de surface (fleuve, lacs et rivières) qui ne sont pas couvertes par l’étude.

De son côté, Sylvain Ouellet, élu de Projet Montréal clame «on ne va pas arrêter de boire l’eau du robinet. Mais on est en droit de se demander si la Ville en fait assez pour détecter les contaminants émergents, ou si elle s’en tient bêtement aux normes actuelles qui ne sont pas toujours à jour».

Cette sortie survient la semaine suivant la publication d’un rapport du Conseil des droits de l’homme des Nations unies qui dénonçait l’abus de pesticides sur la planète. L’utilisation excessive de pesticides est très dangereuse pour la santé humaine et l’environnement et il est faux de croire que les pesticides sont vitaux pour assurer la sécurité alimentaire», déclaraient les auteurs du rapport.

Qui a raison?

-Des chercheurs ont trouvé jusqu’à 0,25 microgrammes d’atrazine par litre dans l’eau montréalaise

-La Ville prétend ne pas avoir trouvé d’atrazine, même si sa limite de détection est de 0,1 microgrammes/L

-Mathieu Sauvé le chercheur de l’UdeM à l’origine des échantillonnages ayant trouvé de l’atrazine émet une hypothèse:

-Que la différence entre les résultats de la Ville et ceux qu’il a mené peut notamment s’expliquer par le fait qu’il a mesuré l’atrazine mais aussi ses sous-produits apparentés tels que le déséthylatrazine qui a une concentration parfois supérieure et des propriétés comparables.

 

AJOUT: Par courriel, un autre chercheur est venu mettre un bémol à la nouvelle. «Les niveaux révélés à grande pompe par Equiterre n’ont rien de nouveau ou de particulièrement alarmant pour les sources d’eau potable», a écrit dans un courriel au médias Michelle Prévot, titulaire de la Chaire industrielle en eau potable de Polytechnique Montréal. Elle souligne que la norme européenne n’est pas fondée sur des risques pour la santé humaine et qu’un  dépassement n’augmente pas significativement les risques, comme cela peut l’être pour le plomb. Elle conclut que ce type d’annonce peut avoir pour conséquence néfaste de détourner les gens verre l’eau en bouteille dont la qualité est moins bien contrôlée et dont le plastique est néfaste pour l’environnement.

 

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