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Voix de Montréal: Côte-des-Neiges et ses identités plurielles

Dans le cadre du 375e anniversaire de la Ville de Montréal, Métro s’est associé avec l’Université Concordia pour vous faire découvrir des quartiers fascinants à travers leur passé et leur présent. Ce mois-ci: Côtes-des-Neiges.

Géographie

  • Côte-des-Neiges occupe le versant nord-est du Mont-Royal. Il est jouxté par les quartiers Westmount et Notre-Dame-de-Grâce au sud, Outremont à l’est, Ville-Mont-Royal au nord et Hampstead à l’ouest.
  • De façon approximative, on peut dire que Côte-des-Neiges est bordé par la rue Jean-Talon au nord, par l’avenue de Vimy à l’est, par l’avenue Macdonald à l’ouest et une ligne très sinueuse au sud qui va du Chemin Remembrance à chemin de la Côte-Saint-Luc. En outre, le «Triangle» s’étend au nord de la rue Jean-Talon, entre le boulevard Décarie et la rue de la Savane.

Hier

  • Le nom de Côte-des-Neiges ne vient pas, comme on le croit souvent à tort, du fait que le chemin serpente à travers le mont Royal. La côte en question rappelle en réalité la forme de développement privilégié au temps de la Nouvelle-France: à l’époque, on découpe les terres en bandes étroites et profondes le long des côtes afin de permettre au plus grand nombre d’habitants d’avoir accès à l’eau. C’est ainsi que, en 1698, l’ingénieur du roi, Gédéon de Catalogne, procède au partage des terres le long du ruisseau qui court depuis le haut de la montagne. Gédéon de Catalogne s’exclame alors: «L’endroit choisi était non seulement d’idéale beauté au point de vue paysage avec ses terrasses successives qui, en s’abaissant, laissaient apercevoir au loin le profil des Laurentides, mais il offrait des chances de réussites, en diverses sortes.»
  • Un petit hameau se crée progressivement, peuplé à l’origine par des cultivateurs, des maraîchers et des tanneurs. Les vergers produisent des pommes, des poires, des prunes, des cerises, des fraises, des framboises et des groseilles que l’on destine au marché de Montréal ou d’ailleurs. Apparues en 1730, les tanneries se multiplient quant à elles rapidement. On en compte pas moins d’une cinquantaine le long du ruisseau, en 1831. Côte-des-Neiges reçoit alors le surnom de «village des tanneurs» jusqu’à la fermeture de la dernière tannerie, celle de la société Gauthier et Prévost, en 1912. Parmi les autres industries, notons celle des tailleurs de pierre, lesquels fabriquent des monuments funéraires pour le cimetière de la Fabrique Notre-Dame, ouvert en 1855.
  • La construction du chemin de la Côte-Sainte-Catherine rend la circulation fluide avec la ville de Montréal et encourage la construction de maisons de villégiature. En 1840, des clubs de raquettes font leur apparition et assurent la fortune de plusieurs hôtels où l’on va se réchauffer, se désaltérer et socialiser. À partir de 1889, le ski alpin fait même des adeptes. On se retrouve sur les pentes du Montreal Ski Club pour des compétitions internationales de ski en longueur. En 1896, le Montreal Hunt Club s’établit lui aussi sur le chemin de la Côte-Sainte-Catherine. Équipage et meute poursuivent le renard à travers la campagne environnante! Quant aux touristes et aux vacanciers, ils apprécient les promenades à cheval, en voitures ou, plus tard, en tramway autour de la montagne.
  • En 1862, le territoire est officiellement incorporé sous le nom de Village de Côte-des-Neiges. Les hôpitaux et les écoles sont attirés par la disponibilité des terrains et l’air salubre de la montagne. Entre 1928 et 1934, ouvrent leurs portes l’institut Nazareth (aujourd’hui Institut universitaire de gériatrie de Montréal), l’Hôpital général juif, l’hôpital Saint Mary et l’hôpital des Convalescents.
  • Côte-des-Neiges ressemble de plus en plus à une banlieue, la Première Guerre mondiale marquant la fin du caractère rural et bucolique de l’endroit. C’est le début d’un processus d’urbanisation qui se complète véritablement après la Deuxième Guerre mondiale. En 1941, la population atteint 20 000 habitants.
  • Les Canadiens d’origine française et les Canadiens d’origine britannique forment des groupes à peu près égaux et représentent alors environ 80% de la population du quartier. Côte-des-Neiges devient à cette époque un haut-lieu de la bourgeoise francophone: on y construit le collège Brébeuf (1928, fondé par les jésuites), l’Université de Montréal (qui ouvre officiellement ses portes dans ses nouveaux bâtiments en 1943), l’oratoire Saint-Joseph (construit sur 50 ans, de 1904 à 1956). Fondé en 1935, le musée de cire de Montréal est le troisième au monde, après celui de Paris (musée Grévin) et de Londres (Mme Tussaud).
  • À côté des Anglais et des Canadiens français, les Juifs forment l’autre groupe le plus nombreux. Fuyant la Russie, la Lituanie, l’Ukraine et la Pologne, la communauté juive est en forte croissance, car si l’établissement des Juifs à Montréal a d’abord suivi l’axe de la rue Saint-Laurent, ce groupe s’est ensuite déplacé vers l’ouest, le long de l’axe Van Horne et Côte-Sainte-Catherine. En 1971, les Juifs représentent 32,5% de la population de l’ensemble du quartier Côte-des-Neiges, soit plus que tous les autres groupes allophones réunis. Parmi eux, les Juifs ashkénazes sont encore très largement majoritaires.
  • Historiquement, Côte-des-Neiges semble ainsi couper pour ainsi dire en trois. Les Montréalais francophones sont davantage concentrés dans le secteur sud-est du quartier, tandis que les anglophones se retrouvent davantage dans le secteur sud-ouest. Pour sa part, le secteur nord est davantage habité par les allophones.

Aujourd’hui

  • Dans les années 1970, Côte-des-Neiges devient le quartier pluriethnique de Montréal par excellence. On y trouve la plus forte concentration d’allophones. Plus de la moitié de la population, soit 51,3%, n’a pas le français ou l’anglais comme langue maternelle. C’est le double de la moyenne relevée dans l’ensemble de la ville de Montréal. En 1991, la proportion de la population allophone grimpe à 71,8%.
  • La composition ethnique du quartier change aussi progressivement. Pendant que le groupe francophone se maintient dans Côte-des-Neiges, le groupe anglophone, migrant dans l’ouest de l’île ou carrément dans d’autres provinces, se réduit pour sa part comme une peau de chagrin et ne représente plus que 5,8% de la population du secteur en 1991. Côte-des-Neiges accueille désormais une population vietnamienne, laotienne et cambodgienne, avec l’arrivée de «Boat People» et de réfugiés politiques. La Société Bouddhique Quan-âm s’installe sur l’avenue De Courtrai. De plus, Côte-des-Neiges accueille des gens venus du Sri Lanka, des Philippines, de Chine, d’Algérie, de Russie, etc. Habiter le quartier, c’est un peu côtoyer le monde entier tout en restant chez soi. Inaugurée en 2005, la bibliothèque interculturelle permet de consulter des œuvres dans une multitude de langues, dont l’arabe, le vietnamien, l’hindi, l’ourdou, le tamoul et le tagalog.
  • Si les gens aiment s’établir en si grand nombre dans Côte-des-Neiges, c’est d’abord que l’endroit est bien desservi en transport en commun et qu’il est situé à proximité du centre-ville. On y trouve tous les services essentiels. Les logements y sont généralement abordables, bien que des disparités importantes existent à l’intérieur du quartier. Les secteurs qui touchent à Westmount (au sud), à Outremont (à l’est) et à Hamstead (à l’ouest) sont plus riches. Mais au nord, la coupe avec la ville de Mont-Royal est nette. De là l’impression persistante que l’on monte la Côte pour aller chez les riches, et qu’on la descend pour aller chez les pauvres. D’ailleurs, pendant longtemps, le bas de Côte-des-Neiges a été perçu comme le «Bronx de Montréal». On le voyait comme une «zone chaude». Les logements y auraient été envahis par les rats et les coquerelles. Le fait que plusieurs membres issus des minorités visibles s’y soient installés n’est sans doute pas étranger à la réputation du secteur. «Dès qu’il y a plus de dix Noirs dans une zone, écrivait Dany Laferrière, on appelle à un ghetto. Dès qu’il y a plus de dix mille Blancs dans une zone, on appelle ça une ville.»

  • Les parents de Sugar Sammy (Samir Khullar, de son vrai nom) ont immigré de l’Inde vers la fin des années 1960. C’est à Côte-des-Neiges qu’ils se sont établis, où ils sont devenus propriétaires d’un dépanneur. Sugar Sammy a toujours apprécié la diversité du milieu dans lequel il a grandi. Il confiait dans une entrevue: «Ce n’est pas une coïncidence si je voyage avec mon humour. Je le dois beaucoup à mon quartier, j’ai absorbé ces cultures-là, c’est dans mon ADN.»
  • Aujourd’hui, la majorité des personnes sur le territoire Côte-des-Neiges est née hors du Canada. En 2011, par exemple, 77,4% des ménages du secteur de la Savane avaient pour soutien principal une personne née à l’extérieur du Canada, ce qui était également le cas de 45,8% des ménages du secteur Édouard-Montpetit. Près de deux fois plus d’habitants du quartier sont issus des minorités visibles par rapport à la moyenne de l’île de Montréal. Mais la croissance des effectifs des immigrants et des personnes issues des minorités visibles est faible par rapport au territoire de l’île de Montréal, et a même tendance à diminuer.
  • Depuis quelques années, des initiatives citoyennes visent à discipliner les «marchands de sommeil» (les fameux «slumlords») afin de faire respecter des standards minimaux de salubrité. En même temps, le quartier est pris d’assaut par les promoteurs qui en devinent le grand potentiel. Dans le secteur nord de l’arrondissement, en particulier, on construit des condos là où se trouvaient naguère des concessionnaires automobiles. D’ici 2025, 3300 logements seront construits entre les stations Namur et De la Savane. Un parc sera aménagé dans le secteur Le Triangle entre les rues Buchan et Paré. C’est ainsi que, fidèle à son passé à la fois agricole, industriel, vacancier et banlieusard, le quartier continue d’évoluer sans perdre son identité… plurielle!

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