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Distribuer du bonheur, en boîte de pizza

Photo: Josie Desmarais/Métro

«Ça a l’air que je suis en mission, même si moi, je ne le vois pas comme ça», blague Jean-René Bernier. Cet ancien itinérant s’applique depuis près de trois ans à aider les gens de la rue. La semaine prochaine, il invite les citoyens à le suivre dans une distribution de pizzas.

Chaque mercredi, Jean-René Bernier se rend dans les quartiers Villeray et La Petite-Patrie pour y distribuer des sandwichs, mais récemment, une visite au centre-ville l’a profondément bouleversé.

«Tu regardes un gars dans les yeux et tu vois qu’il n’y a même plus de fond, il n’y a rien, rapporte-t-il. La lumière dans leurs yeux est éteinte. J’ai des frissons à chaque fois que j’en parle. Qu’est-ce que je peux faire pour aider? Je ne sais pas pantoute.»

À l’approche de Noël, M. Bernier veut non seulement aider les sans-abri, mais aussi «démystifier l’itinérance». Le 16 décembre, en fin d’après-midi, il invite 20 groupes de 4 personnes à arpenter le centre-ville pour distribuer de la pizza aux personnes itinérantes.

«Ils vont avoir moins peur d’approcher un itinérant, pense M. Bernier. Si tu lui dis salut, tu vas casser son isolement, et il va reprendre confiance en lui à force de se faire dire bonjour. Il ne sera pas marginalisé.» Chaque équipe sera accompagnée d’un travailleur de rue.

Amélie Gobeil-Riverin compte y participer avec son conjoint et leurs fils âgés de trois et six ans. «On croise souvent des itinérants sur notre chemin, et mon fils de six ans pose beaucoup de questions, raconte-t-elle. Alors, on voulait leur montrer cette réalité et ce qu’on peut faire pour aider. Même moi, je me demande quelles bonnes actions on peut faire pour réellement aider les itinérants.»

L’ergothérapeute de profession dit avoir été «touchée» par la démarche de Jean-René Bernier, son voisin. «La vie va vite et on ne prend pas nécessairement le temps de s’arrêter», dit-elle.

Souvent, on ne voit même pas les itinérants, souligne M. Bernier. «Il y en a aussi qui s’arrange pour pas qu’on les voit, dit-il Je rencontre souvent un itinérant trans. Il passerait à côté de toi, tu t’en rendrais pas compte; il se tourne d’un bord et de l’autre pour se cacher.»

«Avant, je ne trouvais pas valorisant de parler avec des gens dans la m*****. Mais j’ai pris du recul, et quand les itinérants me regardent dans les yeux, même sans parler,  je comprends que j’ai fait une différence.» – Jean-René Bernier

S’il souhaite tant aider, c’est que M. Bernier ne veut pas «laisser mourir» un itinérant dans la rue. «J’ai été confronté à deux gars qui voulaient mourir dans la rue. Je vais pour chercher de l’aide dans un organisme, et on me dit que, s’ils n’en veulent pas, on ne leur en donnera pas, déplore-t-il. Si quelqu’un me regarde dans les yeux et me dit : “Laisse-moi mourir”, il n’y a pas un être humain qui est capable d’accepter ça.»

M. Bernier est d’autant plus émotif, car Réal, l’itinérant qui l’a fait sortir de la rue il y a environ trois ans, est décédé cette année, tout comme un autre homme qu’il connaissait bien. «Je me suis occupé de l’enterrement de Réal. C’était une journée triste pour moi, raconte-t-il. J’ai raté un rendez-vous médical et le médecin m’a engueulé, mais je trouvais que c’était plus important de m’occuper de l’enterrement de deux personnes que de moi.»

Parmi les dizaines idées qu’il a pour aider les gens de la rue, M. Bernier dit espérer que le plan d’action en itinérance, qui est actuellement en cours d’élaboration à Québec et auquel il collabore avec des élus de l’Assemblée nationale, comprendra un volet sur le décès des personnes itinérantes, dont les corps et les cendres demeurent souvent non réclamés.

Des soupers pour itinérants et réfugiés
En plus de sa distribution de pizzas, Jean-René Bernier organise cette année deux soupers de Noël pour les personnes dans le besoin. Pour une troisième année, une quarantaine d’invités seront ainsi accueillis au Café Mystérium dimanche, puis une centaine d’autres au restaurant l’Enchanteur le lendemain.

En plus d’y recevoir des gens de la rue, l’ex-itinérant a voulu accueillir des réfugiés cette année. «Je n’aide plus juste des itinérants. J’aide des personnes handicapées et des gens qui ont de l’argent, mais ne savent pas comment s’administrer», ajoute-t-il pour illustrer son idée.

Récemment, il est même venu en aide à un homme retraité relativement nanti, mais démuni, car sa femme venait de décéder. «C’est elle qui s’occupait de payer les factures, de l’habiller, de faire la bouffe. Il a un appartement; il était assis sur le coin de la rue et se demandait quoi faire», raconte M. Bernier. Il lui a offert à manger et lui a trouvé une ressource pour l’aider, car «c’est un gars qui peut potentiellement être dans la rue». C’est une des routes possibles vers l’itinérance que M. Bernier essaie de barrer.

Que faire?

  • Si vous vous demandez quoi faire pour venir en aide à un itinérant, Jean-René Bernier vous suggère de lui donner une carte-cadeau d’un restaurant ouvert 24 heures, comme McDonald’s. «Avec une carte-cadeau, un gars peut entrer pour passer la nuit parce qu’il a acheté un café et a une carte-cadeau, mais s’il n’a pas une cenne, on va le mettre à la porte», explique M. Bernier.
  • Pour participer à la distribution de pizzas du 16 décembre, il faut s’inscrire sur le groupe Facebook le Bazar de Villeray.

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