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Se réapproprier le patrimoine religieux

Photo: Philippe-Vincent Foisy/Métro
Philippe-Vincent Foisy - Métro

Le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) a rénové l’église Erskine et American pour en faire un nouveau pavillon accueillant une salle de concert. L’Université Concordia utilise le couvent des Sœurs Grises pour héberger des étudiants. Tout en préservant l’intégrité architecturale de ces bâtiments, on les arrange au goût du jour. Des initiatives qui atténuent la «crise» que la religion catholique vivra au Québec dans quelques années.

«Des dizaines, voire des centaines d’églises seront menacées dans les prochaines années», lance d’entrée de jeu Clarence Epstein, directeur des projets spéciaux et des affaires culturelles de l’Université Concordia. Pas moins de 86 paroisses ont été supprimées au cours des 15 dernières années. Et le déclin de la popularité
des communautés religieuses continue. «On se demande comment traverser les étapes difficiles du temps», s’inquiète Hélène Sicotte, de la communauté religieuse de Saint-Sulpice, qui est consciente du vieillissement de la communauté et du manque de relève.

La reconversion des établissements du patrimoine immobilier religieux est un moindre mal, puisque les lieux naguère consacrés au culte profitent toujours à la collectivité. «Ce sont les Mont­réalais qui ont payé pour les églises par le biais de leur communauté; elles doivent donc rester dans la collectivité», raconte-t-elle.

Ces paroisses sont intrinsèquement liées à l’éducation, la santé et l’aide communautaire qu’on connaît au Québec. «À ce que nous sommes», précise Mme Sicotte.

Les cas de pédophilie ou l’ingérence des curés dans les familles ont toutefois terni l’image d’une Église qui doit maintenant réparer les dégâts de la Révolution tranquille. Un travail d’éducation est à faire afin de transformer les symboles religieux en histoire à promouvoir plutôt qu’à détruire. «On comprend d’une certaine manière la frustration des baby-boomers qui s’est trans­mise à leurs enfants», explique Martina de Vries, de la Corporation du patrimoine et du tourisme religieux de Québec.

L’organisme tient des colloques et des conférences pour éliminer les idées négatives «préconçues» et mettre l’accent sur les réalisations passées et actuelles des communautés religieuses, comme le travail des sœurs augustines à l’Hôpital général de Québec.

Les problèmes auxquels est confrontée l’Église ne sont toutefois pas propres au Québec. D’ici 10 ans, tous les couvents néerlandais fermeront, prédit Marc de Bayer, conservateur du Catharijneconvent Museum d’Utrecht, aux Pays-Bas, qui était de passage à Montréal la semaine dernière. «Pour conserver leur rôle, les églises doivent retourner à la communauté sous toutes les formes imaginables et ne plus uniquement être transformées en centres culturels», affirme-t-il.

Il cite l’exemple d’une église transformée en skate park. «Les gens ne vont plus à l’église, mais ils se rassemblent avec leurs planches à roulettes, mentionne M. de Bayer. Le lieu de culte retrouve donc sa fonction rassembleuse.»

D’anciennes églises ont d’ailleurs été reconverties un peu partout au Québec en bibliothèque, en école de cirque et même en centre d’escalade. Marc de Bayer estime que des balises dans la reconver­sion des biens et des immeu­bles sont primordiales et ont fait leurs preuves. Les Pays-Bas se sont dotés d’un guide qui facilite la vie à ceux qui vendent les immeubles pour mieux disposer de leurs biens, sans détruire ce qui a de la valeur. Une mesure qui pourrait être importée ici vu le grand héritage légué par l’Église. Le MBAM a d’ailleurs restauré, grâce à de nombreux dons, les vitraux Tiffany qui rehaussent l’expérience des spectateurs dans sa nouvelle salle de concert.

Clarence Epstein demande pour sa part plus de «leadership», tant des différents gouvernements que des organismes et des institutions, pour coordonner les transformations et éviter de perdre des éléments importants de l’histoire. «Je vois mal comment le gouvernement pourrait ne pas jouer un rôle de leader puisque son histoire est intimement liée à la religion», explique-t-il.

Préserver l’histoire religieuse québécoise suppose ainsi la conversion de ses immeubles et de ses objets, et non plus celle des citoyens.

Le mythe des condos
«Les églises font de très mauvais condos, affirme Clarence Epstein, directeur des projets spéciaux et des affaires culturelles de l’Université Concordia. Certains sont pris avec une superbe pièce où se trouve la verrière, les autres, avec une sorte de sous-sol.»

Les couvents sont bien meilleurs, précise-t-il, puisqu’ils ont été construits dans l’optique d’y accueillir des gens. L’Université Concordia reconvertira d’ailleurs le couvent des Sœurs Grises, dans le centre-ville de Montréal, en résidences pour étudiants.

Leur loyer servira à entretenir la structure. «Il serait plus intéressant que les couvents soient remplacés en HLM plutôt qu’en condos», estime pour sa part Martina de Vries, de la Corporation du patrimoine et du tourisme religieux de Québec.

Quelques chiffres

  • 203 paroisses sont toujours vivantes et entre les mains des communautés religieuses à Montréal.
  • 83 paroisses montréalaises ont été supprimées depuis 2000.
  • Depuis 75 ans, plus de 700 églises ont été démolies ou ont changé de vocation au Québec.
  • Depuis 1995, le gouvernement injecte en moyenne 20 M$ par année pour res­taurer le patrimoine religieux.

 

Les vitraux Tiffany de l’église Erskine et American:


Philippe-Vincent Foisy/Métro

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