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Les fleurs et le pot de la nouvelle entrée de ville de Montréal

Photo: Josie Desmarais

Il y a un an, Montréal se dotait d’une nouvelle entrée de ville avec la mise à terre d’une partie de l’autoroute Bonaventure. Si le nouveau parc linéaire n’attire pas les foules, le meilleur reste à venir, selon l’urbaniste Richard Bergeron. Ce dernier avait suggéré dès 2013 de réaliser un parc au milieu inspiré de la «rambla» de Barcelone, n’a rien perdu de sa verve depuis sa défaite aux élections municipales. Voici en six facettes de l’art de redévelopper un secteur urbain.

1-Histoire. En 2009, l’administration de Gérald Tremblay décide de mettre au sol 850 mètres de l’autoroute construite sur pilotis afin d’offrir une entrée «prestigieuse, fonctionnelle et conviviale» à Montréal. Le chantier débute en 2011 par la reconstruction d’un égout collecteur et se poursuit sous l’administration Coderre. Il ne reste que quelques travaux de rénovation à proximité du canal de Lachine à achever. Outre le désenclavement de deux quartiers (Cité de Multimédia et Griffintown), le projet a permis de créer un grand parc linéaire et, surtout, de favoriser, en bordure, la construction de tours à condos et à bureaux, dans un secteur jusqu’ici délaissé. «Ça aura coûté 140M$, soit sensiblement la même chose que pour le Quartier des spectacles. En termes d’occasions futures, c’est un très bon prix», souligne M. Bergeron.

2-Appropriation. Des six zones que compte le nouveau parc linéaire, seule deux semblent attirer quelques visiteurs: la zone d’exercice physique et celle des chaises longues. Le parc pour enfants est vide lors de la visite de Métro, de même que le secteur des Dendrites qui offrent pourtant d’intéressantes occasions de selfies grâce aux points de vue en hauteur. Même constat autour de l’œuvre d’art majestueuse offerte par la famille Desmarais, Source, qui n’attire visiblement pas les touristes, contrairement à The Bean, à Chicago. «Petit à petit, le coin va être plus dynamique: la Banque nationale a un projet de tour, qui pourrait finalement atteindre 210 mètres de haut, qui devrait débuter en 2019. Broccolini devrait suivre avec une tour à condos de la même hauteur juste à côté. En plus, deux autres projets sont à l’étude au sud de la Place Bonaventure», mentionne l’urbaniste.

 

3-Requalification. Outre le grand boulevard qui comprend désormais quatre voies de chaque côté, le secteur est enclavé en raison de la ligne de chemin de fer qui mène à la gare Centrale. Mais depuis que les voies ont été vendues à la Caisse de dépôt et placement du Québec, dans le cadre du projet de Réseau express métropolitain (REM), tout va changer, selon M. Bergeron. «Sous les rails, il y a des espaces actuellement utilisés par des entrepôts ou des stands de tir. Je suis sûr que le bras immobilier de la Caisse voudra mieux les rentabiliser en y créant, par exemple, des petites boutiques, comme des cafés et des restaurants, sachant que quand le REM sera terminé, les voies réservées aux autobus qui seront devenues inutiles pourront facilement héberger des pistes cyclables protégées par un mail planté. D’autant plus que de l’autre côté de l’emprise ferroviaire un parc sera bientôt construit».

 

4-Autopsie d’un trou. Le Duke, un immeuble résidentiel de 25 étages sera le premier projet à être réalisé dans la foulée du réaménagement du secteur Bonaventure. On y trouvera, au rez-de-chaussée, une épicerie IGA qui permettra aux habitants du quartier de disposer enfin d’une offre alimentaire. En analysant le trou, M. Bergeron constate avec plaisir que le promoteur a décidé de garder la vieille banque. Il analyse aussi la profondeur dudit trou. «Si l’on ne creuse pas plus, le stationnement souterrain fera deux étages, soit 200 places. Ça signifie que le promoteur est vraisemblablement arrivé à négocier à la baisse la taille du stationnement. Mais dans 20 ans, avec l’avènement de véhicules autonomes partagés, ce sera 200 places inutiles qui serviront comme espace de rangement», ironise-t-il.

 

5-Couac. Quand le parc linéaire débouche à une intersection de rue, un avertissement peinturé sur le sol avertit le marcheur qu’il ne doit pas traverser au milieu de la rue mais bien rejoindre le passage protégé au feu. «Pour moi, c’est le signe que la culture de l’auto est encore très présente, car on aurait très bien pu faire des zones partagées piétons-auto avec priorité aux premiers, où le traitement du sol aurait été fait en continuité de la promenade plutôt qu’en continuité de la rue». Ceci dit, rien n’empêche dans quelques années de réaliser ce changement, selon lui.

 

6-Un stade avec ça? Quand il s’est joint à l’Équipe Coderre, Richard Bergeron avait une vision encore plus large du projet Bonaventure. Il l’avait déjà présentée lors d’une consultation publique avec l’architecte Étienne Coutu. Techniquement, il aurait été possible de prolonger le boulevard urbain en ligne droite pour passer au-dessus du canal de Lachine un peu plus à l’est qu’aujourd’hui. Cela aurait permis de détruire une portion plus grande de l’autoroute Bonaventure et de désenclaver trois autres hectares de terrains à 88% municipaux, soit suffisamment pour construire un stade de baseball ou plusieurs milliers de logements. «Il aurait fallu que l’administration Coderre décide de convaincre le gouvernement fédéral de stopper les travaux de rénovation, malheureusement ça ne s’est pas fait», note M. Bergeron.

«Pour de grands projets urbains, qui mettent du temps à se concrétiser, il faut souvent au moins trois maires: un pour le rêver, un pour le démarrer et un pour le compléter.» – Jean-Robert Choquet au sujet de l’ancien maire Jean Doré qui voulait dès 1994 réaménager le secteur Bonaventure.

Richard Bergeron et notre journaliste (photo Josie Desmarais)

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