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La collusion dans l’industrie du trottoir est terminée, juge le BIG

Le nouveau mini-trottoir sur la rue Bréboeuf aux abords du parc Laurier dans l'arrondissement du Plateau Mont-Royal. Photo: Isabelle Bergeron

Les plus sombres jours de l’industrie du trottoir, qui a été fortement visée par la Commission Charbonneau, sont derrière elle, conclut le Bureau de l’inspecteur général de Montréal (BIG).

Dans son rapport biannuel déposé lundi au conseil municipal, le BIG estime que les mesures prises par la Ville de Montréal après la Commission Charbonneau ont porté leurs fruits pour enrayer la collusion. «Les têtes dirigeantes du système collusoire ont été contraintes d’occuper des rôles secondaires ou de vendre leur entreprise et de prendre leur retraite», souligne le rapport.

Ceci s’est illustré par une augmentation du nombre d’entreprises qui ont réalisé les travaux. En 2009, quatre firmes s’étaient partagé 100% de la valeur totale des contrats. Entre 2015 et 2017, ce nombre a varié entre 14 et 17. Le nombre moyen de soumissionnaires par contrat a lui aussi augmenté.

«C’est une excellente nouvelle pour les Montréalais, mais aussi pour les travailleurs. Ça a été démontré à la Commission Charbonneau, il y a eu beaucoup d’intimidation», s’est réjoui le responsable des infrastructures au comité exécutif, Sylvain Ouellet.

Cette meilleure concurrence dans l’industrie a aussi permis à la Ville de payer ses trottoirs moins chers. «Dans la période où régnait la collusion, les prix variaient entre 150 et 200$ le mètre carré, rappelle le rapport du BIG. Les entrepreneurs parlent d’une forte compétition faisant en sorte que le prix au mètre carré en 2016 variait selon eux entre 100 et 120$.»

Malgré cette amélioration, le bureau, qui est dirigé de façon intérimaire par Brigitte Bishop, considère que l’industrie du trottoir est «toujours vulnérable» et souhaite maintenir une «surveillance accrue».

Le BIG met ainsi en garde l’appareil municipal quant à des entrepreneurs qui développent «une stratégie de soumission dont le résultat ne serait pas nécessairement favorable à la Ville», puisque les firmes ont accès à l’estimation du coût fait par la Ville ainsi que les prix des compétiteurs.

Après avoir rempli leur carnet de commandes en début d’année, pour s’assurer du boulot, «les entrepreneurs ont indiqué ajuster leurs prix, et donc leurs marges de profit, à la hausse en cours d’année», affirme le rapport.

Le responsable des infrastructure dit que la Ville est «très au courant» des prix variant selon la période de l’année et que l’administration souhaite «faire des appels d’offres le plus tôt possible» pour éviter cette hausse de prix.

De plus, les firmes essaient de comprendre la stratégie de leurs compétiteurs en analysant les conclusions des appels d’offres. «Des entrepreneurs peuvent mieux calibrer leur stratégie […] notamment en laissant la compétition remplir son carnet de commandes rapidement en début d’année pour ensuite profiter de leur propre disponibilité pour soumissionner à des prix plus élevés», rapporte le BIG.

Selon une analyse effectuée cet été par les services municipaux, les prix du marché dans la construction ont augmenté de 13% par rapport à 2016, qui fait aussi état d’un nombre moins important de soumissionnaires récemment.

Pour contourner l’analyse de stratégie effectuée par leurs compétiteurs, des entrepreneurs présentent «à l’occasion des soumissions allant à l’encontre de “leur tendance” par l’entremise de prix nettement supérieurs à leurs prix habituels», explique le BIG.

Selon Sylvain Ouellet, la Ville n’a pas le choix de rendre plusieurs informations publiques. «Est-ce que ça peut jouer un peu contre nous? Dans certains cas oui, mais je crois que la transparence doit quand même primer», a-t-il affirmé.

Le chef de l’opposition, Lionel Perez, s’inquiète d’ailleurs pour l’année 2018, qui n’était pas incluse dans l’analyse du BIG. «On a vu au cours de la dernière année moins de concurrence sur les travaux d’infrastructures de manière générale», a-t-il souligné.

Des surveillants qui ne font pas leur travail.
Dans le domaine du resurfaçage de rues et de la réfection de trottoirs, le BIG constate que des contracteurs ont tendance à tourner les coins ronds et que les surveillants de chantier le plus souvent engagés par des firmes de génie-conseil n’arrivent pas à faire respecter les devis. «Certains entrepreneurs tentent de gagner temps et argent en économisant sur les quantités et la qualité du matériel au mépris des normes ou exigences techniques», soutient le BIG.

Ainsi, des défauts de fondations étaient «peu ou pas» réparés avant le resurfaçage des rues, ce qui permet aux entreprise de diminuer leurs coûts.

De l’intimidation envers les surveillants de chantier serait aussi présente. «Quand un problème ou un conflit survient, le technicien et le surveillant doivent affronter seuls l’ensemble des travailleurs sur le chantier. Cette situation peut être difficile à gérer», peut-on lire dans le rapport du BIG.

M. Ouellet s’est dit préoccupé par les révélations du BIG. «Par contre, ce n’est pas vrai qu’on laisse [les entrepreneurs] aller», a-t-il défendu.

Celui-ci a toutefois ajouté que la Ville regarderait si elle ne peut pas «sévir» contre les firmes de génie-conseil qui ne font pas bien leur travail. «Les chantiers et les entrepreneurs ne sont pas mentionnés. Si le BIG est capable de nous fournir les informations, on verra si des bilans de rendement insatisfaisant ne peuvent pas être faits», a déclaré M. Ouellet.

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