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Le report de l’ouverture du nouveau pont Champlain confirmé

Photo: Pablo Ortiz/Métro
Pierre Saint-Arnaud, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Sans surprise, l’ouverture du nouveau pont Champlain à la circulation automobile, qui était prévue pour le 21 décembre prochain, est reportée à une date indéterminée du premier semestre de 2019, mais déjà, tout indique que l’échéancier initial était irréaliste.

Le ministre fédéral de l’Infrastructure, François-Philippe Champagne, a confirmé jeudi matin le report de l’ouverture «au plus tard à la fin juin 2019», mais elle pourrait avoir lieu bien avant si les conditions météo permettent de réaliser les travaux de finition plus rapidement.

Ce sont d’ailleurs ces travaux de finition, soit l’application d’une membrane imperméabilisante et l’ajout de deux couches d’asphalte sur le tablier du pont, qui ne peuvent être complétés puisqu’ils ne peuvent être faits que si le mercure est au-dessus de 2 degrés Celsius et qu’il n’y a pas trop d’humidité.

«On vit au Québec; les gens comprennent bien qu’on ne peut pas prédire de façon précise le taux d’humidité durant l’hiver, ni la température», a plaidé le ministre Champagne en conférence de presse.

«Le gros bon sens est là. (…) Il n’y a personne qui asphalte la cour d’entrée en janvier», a-t-il fait valoir.

Or, puisque ce sont les derniers éléments requis avant d’ouvrir le pont, il apparaît maintenant extrêmement ambitieux d’avoir fixé la date d’ouverture à la fin de décembre alors que les conditions requises pour l’imperméabilisation et l’asphaltage en novembre et en décembre sont rarement réunies sur une longue durée.

Un premier essai consistant à poser la membrane imperméabilisante et une couche d’asphalte a démontré qu’il fallait cinq jours pour poser la membrane et les deux couches d’asphalte sur une distance de 500 mètres sur une travée. Puisqu’il y a deux travées de 3,4 kilomètres — soit un total de 6,8 kilomètres — il est déjà acquis qu’il faudra un peu plus de deux mois pour compléter tout le tablier destiné à la circulation automobile.

Il faudra éventuellement faire le même travail sur les 3,4 kilomètres de la travée centrale qui doit accueillir le réseau express métropolitain (REM).

Pénalités salées

Le contrat prévoit des pénalités de 100 000 $ par jour de retard durant les sept premiers jours et de 400 000 $ par jour de retard après une semaine, avec un maximum de 150 millions $, et le ministre Champagne a assuré que le maître d’oeuvre, le consortium Signature sur le Saint-Laurent (SSL), n’y échapperait pas.

«Il y aura des conséquences. Quand il y a un retard, il y a des conséquences», a-t-il averti dans les bureaux mêmes de SSL, ajoutant que ces conséquences seraient d’ordre «contractuel et financier».

Cependant, le ministre a précisé qu’il ne s’agirait pas d’un simple calcul impliquant le nombre de jours de jours entre le 21 décembre et l’éventuelle date d’ouverture.

«En vertu des termes du contrat en vigueur, il y a certains délais qu’on appelle excusables, donc vous comprendrez qu’il y aura une discussion commerciale à savoir la date effective du départ des pénalités.»

Parmi ces délais, le responsable du chantier chez SSL, Daniel Genest, a invoqué le fait que la grue du pylône principal retenant les haubans a été immobilisée durant trois jours après avoir été frappée par la foudre, que les grutiers ont été en grève entre le 14 juin et le 26 juin et, évidemment, la météo.

Pourtant, M. Genest, tout comme le ministre Champagne, affirment avoir cru que l’échéancier de 21 décembre serait respecté, et ce, jusqu’en septembre, soit après les délais mentionnés ci-dessus.

À Ottawa, le gouvernement fédéral a d’ailleurs dû se défendre, par la voix de son ministre des Transports, Marc Garneau, d’avoir induit la population en erreur quant à la date de livraison de l’ouvrage.

«Certainement pas par exprès; il y a eu des petits pépins en route, alors il faut composer avec la réalité», a déclaré M. Garneau en mêlée de presse, demandant du même coup aux usagers «d’être un petit peu plus patients».

Quoi qu’il en soit, l’étendue du dépassement qui sera soumis à des pénalités ne pourra être déterminée avant que l’ouverture ne survienne et que les parties aient déterminé ce qui constitue un «délai excusable» et ce qui n’en est pas un, des questions que tous les intervenants ont qualifiées de «confidentielles».

De son côté, le député néo-démocrate de Rosemont-La Petite-Patrie, Alexandre Boulerice, a qualifié de regrettable ce retard, profitant de l’occasion pour réitérer l’opposition de son parti face à la méthode choisie par le gouvernement de Stephen Harper pour réaliser ce projet: «Au NPD, on a toujours dit que la formule en PPP (partenariat public-privé), ce n’était pas miraculeux et on espère que les pénalités qui étaient prévues au contrat vont être appliquées.»

Ouvrage colossal

Malgré tout, les travaux avancent rapidement; il ne reste plus que 37,5 mètres à faire pour fermer la structure de 3,4 kilomètres, ce qui sera terminé à la mi-novembre.

Par la suite, il faudra terminer la pose des 9638 dalles de tablier en béton (près de 7000 sont déjà installées), ce qui sera fait d’ici la fin de novembre de sorte que la totalité de la structure principale du nouveau pont sera bel et bien achevée au 21 décembre.

Tous les intervenants au dossier ont salué les efforts menés par quelque 1600 travailleurs de la construction dans des conditions souvent difficiles avec des travaux de jour, de nuit et souvent par grand froid. La quasi-totalité de ces travailleurs proviennent du Québec, mais quelques-uns ont aussi été recrutés en Saskatchewan et en Alberta pour combler certains manques.

Plus qu’un pont

Outre le pont lui-même, le projet comprend plusieurs autres éléments liés au corridor entre Brossard et l’échangeur Turcot.

Ainsi, le nouveau pont de l’Île-des-Soeurs doit lui-même être inauguré le 12 novembre prochain.

Le tronçon de l’autoroute 15 entre le pont de l’Île-des-Soeurs et la sortie Atwater, qui passera de quatre voies à six voies, devrait être complété à l’automne 2019.

Le couloir réservé aux piétons et cyclistes sur le nouveau pont, quant à lui, doit être ouvert durant l’été 2019.

Fait à noter, le nouveau pont aura des voies d’accotement de chaque côté, de sorte que le transport en commun ne nécessitera pas l’installation manuelle de cônes orange et la fermeture d’une voie en sens inverse de l’heure de pointe, les autobus ayant l’accès exclusif à cet accotement jusqu’à l’entrée en service du Réseau express métropolitain (REM).

Rapiéçage

Ce délai oblige donc Ottawa à maintenir le vieux pont Champlain en état de recevoir la circulation.

Déjà, 50 millions $ avaient été investis en 2018 pour le maintenir en service jusqu’à l’ouverture de la nouvelle infrastructure.

Avec la prolongation du délai, la Société Les Ponts Jacques-Cartier et Champlain Incorporée (PJCCI) se voit dans l’obligation d’ajouter un autre 10 millions $ pour assurer la sécurité des usagers jusqu’en juin prochain.

Déjà affublé d’une foule de supports et de treillis sur toute la longueur, le vieux pont sera aussi doté de renforts pour 39 chevêtres et des travaux sous-marins sont en cours sur cinq semelles des piliers.

La Société dispose également de treillis modulaires et des diaphragmes de remplacement qui ont été fabriqués pour elle et mis de côté pour être utilisés «si nécessaire».

«Les gens doivent avoir confiance, a affirmé François-Philippe Champagne. C’est un pont sécuritaire, c’est un pont qui est « monitoré » en temps réel.»

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