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Françoise David: «Les gens ne sont pas dans la rue, mais ça viendra»

Photo: Yves provencher/Métro

Françoise David était prête à collaborer avec le gouvernement minoritaire péquiste au lendemain des élections du 4 septembre. Mais la nouvelle députée de Québec solidaire ne digère toujours pas le budget que le PQ a servi au Québec. Métro l’a rencontrée à son bureau de circonscription.

Aimez-vous ça l’Assemblée nationale?

[Rires] Oui, mais pas toujours. Il y a des moments de la période de questions que j’exècre. Quand une question est bête, hargneuse, totalement partisane, j’ai juste envie de dire : «Écoutez, guys. La population est en train d’écouter ça, et elle est vraiment découragée.» Par contre, j’aime beaucoup travailler en commission parlementaire, là où se passe l’essentiel de notre travail. Voilà un exercice intelligent et intéressant où tout le monde cherche des solutions ensemble.

Croyez-vous que votre présence peut amener plus de calme?
Depuis le débat des chefs, les gens me disent : «Vous allez nous changer ça, hein?» Avant que les travaux commencent, j’essayais de diminuer les attentes en disant qu’on était que 2 députés sur 125. Imaginez-vous qu’à deux on va changer du jour au lendemain la culture politique? Pour le moment, les libéraux ne semblent pas du tout admettre la défaite. À la période de questions, ils se comportent un peu comme les maîtres des lieux. De son côté, le PQ, qui nous avait promis de vraiment répondre aux questions, ne le fait pas toujours.

Vous étiez très enthousiaste au lendemain des élections et vous donniez votre confiance au gouvernement. Trois mois plus tard, vous êtes plus dure…
Dure? J’ai dit que j’étais déçue. Je ne les ai pas envoyé en enfer, quand même! Le gouvernement avait bien commencé. Puis, il y a eu un mois d’improvisation qui m’a fait plus sourire qu’autre chose. Je me disais que ça allait se placer. Ça s’est gâché avec le budget. Quand on l’a vu, on était découragés. Le PQ a tout fait pour aller chercher des votes à Québec solidaire en disant «La gauche, c’est nous» et en faisant tout une série de promesses à caractère social et écologiste. Tout d’un coup, au nom de l’atteinte de l’équilibre budgétaire le plus vite possible, ce n’est plus ça. Le gouvernement se refuse d’aller chercher l’argent là où il est. Je n’en reviens pas de l’entendre dire, sur les redevances minières, qu’il souhaite consulter les minières… Qu’est-ce que vous pensez que les minières vont dire? Si, d’un côté, vous refusez d’aller chercher l’argent où il se trouve et que, de l’autre, vous voulez atteindre le déficit zéro, qu’est-ce que vous faites? Vous coupez. Quand on dit que les coupes ne toucheront pas les services à la population, c’est une méchante menterie. Rendus là, je suis fâchée. Au moins, dites la vérité.

Minoritaire, le PQ a-t-il la légitimité pour pousser de l’avant des politiques plus progressistes?
Absolument. Quand les libéraux étaient minoritaires, pensez-vous que ça les empêchait d’agir? Pourquoi le PQ est-il si frileux?

Mais les libéraux ont été critiqués pour avoir agi ainsi…
Oui. Mais c’est parce qu’ils prenaient des mesures tellement antipopulation que tout le monde hurlait. Si le PQ prenait des décisions plus audacieuses, écologiquement et socialement, qui monterait aux barricades? L’Institut économique de Montréal, le Conseil du Patronat, la Fédération des chambres de commerces et les grandes entreprises. Est-ce que ces gens-là votent pour le PQ? Jamais. Il y a toute une partie de la population qui s’attendait à ne plus payer de taxe santé, qui souhaitait ne pas voir une hausse des tarifs d’Hydro… Ils découvrent que ce gouvernement, qui se prétend social-démocrate, coupe comme tous les gouvernements qui veulent à tout prix atteindre l’équilibre budgétaire très vite et qui ne veulent pas aller chercher l’argent chez les riches. Je sens de la morosité. Les gens ne sont pas encore dans les rues, mais ça viendra.

Vous dites que le PQ prétend être social-démocrate. Comment décrivez-vous ce gouvernement?
C’est un gouvernement de centre-droit qui, à certains moments, a de bonnes idées : projet de loi 1, projet de loi 2. Je veux accorder certains mérites à ce gouvernement. Il n’a pas tout faux tout le temps.

Vous y trouvez un peu votre compte, la droite y trouve un peu son compte. Ce n’est pas là le propre du gouvernement minoritaire que de séduire les autres partis?
Un gouvernement minoritaire qui sait très bien que personne ne veut aller en élections pourrait aller plus loin. Madame Marois a dit au Soleil que, minoritaire ou pas, elle aurait présenté le même budget. Elle fait ce qu’elle croit bon et juste. Elle a le droit d’y croire, mais je pense qu’elle se trompe.

Quel a été le meilleur coup du gouvernement?
Le projet de loi 2 sur le financement des partis politiques. C’est aussi le meilleur coup de l’Assemblée nationale. Les députés ont travaillé ensemble, dans le respect.

Et le moins bon coup?
C’est le budget.

Et quelque chose en particulier dans le budget?
[Hésitation] Quand j’ai lu qu’ils allaient couper des millions de dollars dans le transport adapté pour les personnes handicapés, je me suis dit qu’on était rendu très bas. On est rendu à couper dans des budgets déjà petits et qui touchent une partie de la population qui n’a pas beaucoup de haut-parleur pour se faire entendre. Ce n’est pas le geste le plus grave du gouvernement, mais, à mes yeux, ça symbolise la dérive.

Vous avez pris la place d’Amir Khadir comme porte-parole parlementaire du parti. M. Khadir a été très silencieux cet automne. Que prépare-t-il?
[Rires] C’est très drôle de voir la perception des médias. M. Khadir n’est pas silencieux. On a fait 90 % des points de presse à Québec ensemble. Comme je suis nouvelle, on est peut-être plus intéressé à savoir ce que je pense. Il faut aussi comprendre que le paysage politique a changé. Quand Amir était seul, le gouvernement en place était libéral. Ce gouvernement avait une attitude tellement cassante – que le PQ a moins. C’est sûr qu’Amir se fâchait souvent.

André Frappier est le nouveau porte-parole extra parlementaire et président du parti jusqu’à une élection en mai 2013. C’est enfin l’occasion de montrer d’autres visages à Québec solidaire?
Oui. C’est bien que les gens connaissent d’autres personnes qu’Amir et moi. Il y a des militants de tous les milieux. C’est ça Québec solidaire : c’est la diversité.

Vous êtes déjà en mode préélectoral?
Dès janvier. On mettra sur pied un comité électoral national pour prévoir la stratégie du parti. Il faut commencer à chercher les candidatures qui, dans un certain nombre de cas, seront les mêmes qu’en septembre. Il ne faut pas perdre de temps.

Vous suivrez avec attention les travaux de la Commission Charbonneau.
Les révélations à la commission vont tranquillement monter du municipal au provincial. On verra quelles seront nos actions. La commission fait son travail, on ne la fera pas à sa place. Ce qui sera important, toutefois, c’est de trouver ce qu’il faut faire pour éradiquer le système de collusion et de corruption. Je ne doute pas une seconde que la juge Charbonneau aura des solutions, mais rien ne nous empêche d’en proposer aussi.

Bill Clennett, une figure importante de QS a choisi de laisser sa place en Outaouais. On ne peut pas dire que ça va super bien pour Québec solidaire en région…
C’est plus lent. On a quelques résultats intéressants dans des villes centres. Là où on a le plus de difficultés, ce n’est pas dans les régions éloignées, mais dans les couronnes nord et sud de Montréal. On y est plus attiré par le PQ et la CAQ. Il faut continuer le travail. Il faut démontrer à ces familles de classe moyenne que Québec solidaire est là pour elles.

On a beaucoup parlé de coalition, de fusion, d’alliance des partis de gauche. Quelle est la position de Françoise David sur la question?

J’ai hâte de rencontrer Option nationale pour discuter. Pour aller jusqu’où? Quand des personnes commencent à se courtiser, elles ne savent jamais jusqu’où elles iront. J’espère qu’on ira le plus loin possible. Pour le reste, je suis très heureuse qu’à notre conseil national, à peu près 80 % des délégués aient décidé de reprendre ce débat sur une entente électorale ponctuelle avec le PQ. Jusqu’au budget du 20 novembre, j’étais de ceux qui étaient favorables à une entente ponctuelle. J’avoue que le budget m’a refroidi. Les prochains mois seront cruciaux. Dans quel sens ira le PQ? Si on veut une entente, ça va prendre des atomes crochus. Sinon, ce n’est pas crédible. Est-ce que ça sera possible? Laissez-moi encore quelques mois…

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