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J'pense que j'ai de la peine

Le bon Jack n’est plus là. Soudain, il y a le vide. Le trop grand vide. On avait beau voir venir la triste conclusion, elle demeure dure à encaisser. Comme si on était dans le ring avec un boxeur poids lourd. On sait qu’on va finir par en manger une, mais ça ne nous empêche pas d’avoir mal quand arrive le coup.

Depuis, tout a été dit. Tout le monde, de toutes les tendances politiques, a rendu hommage à Jack Layton dans un concert d’une rare unanimité. Normal, je ne me souviens pas du dernier politicien qui a su rallier autant de supporters en aussi peu de temps. Un homme qui a redonné aux indécis le goût de choisir. En jouant la carte de la transparence. En donnant l’espoir d’un renouveau dans cette arène politique qui nous déçoit si souvent. Dans cet éteignoir où les recrues les plus prometteuses finissent par être bouffées tout rond par une machine qui ne tourne pas rond.

Peut-être que Jack Layton aurait lui aussi fini par nous décevoir un jour. On ne le saura jamais. Tant mieux. Le mythe l’entourant demeurera donc intact. On espère seulement qu’il y en aura un ou une autre qui va s’inspirer du bon Jack pour réinventer la manière de faire les choses.

En attendant, on s’accordera le droit d’avoir de la peine…

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Pour tout vous dire, j’avais déjà écrit une première chronique sur un autre disparu des dernières heures, Gil Courtemanche. Lui aussi aura eu droit à son bouquet de reconnaissance au jour du dernier jour. C’était, également dans son cas, tout à fait mérité. On a souligné ses qualités de journaliste, d’écrivain, d’homme de parole et de principes. On n’a pas manqué non plus de nous rappeler à quel point il pouvait être parfois colérique et difficile à endurer. De ça, je ne doute point, même si je n’ai jamais eu à en subir les conséquences.

Ça faisait un bail que je ne l’avais pas vu. Pour tout dire, je ne me souviens même pas quand ni où je l’ai croisé pour la dernière fois. Ça devait être dans un resto. Courtemanche les adorait. Quand il en adoptait un, il s’y installait – on pourrait même dire s’y incrustait – en résidence. Généralement près du bar. Gil aimait bien boire. C’était connu. Je ne crois pas faire offense à sa mémoire en relevant ce détail. Lui-même l’a souligné à grands coups de rouge au fil des ans.  

Quand on allait s’installer auprès de Gil, on ne savait jamais de quoi on allait jaser. Mais à tout coup, il nous déculottait en étant au courant de tout. L’homme pouvait démolir les thèses politiques les plus compliquées et, cinq minutes plus tard, s’abandonner aux sujets les plus insignifiants. Quand ça arrivait, on était plutôt loin de l’homme sombre dont on a tapissé l’image dans les journaux du week-end.

En apprenant sa mort, y a une histoire qui m’est revenue. C’était en 1988. Sur la télé de la salle de presse du Festival de jazz, Gil regardait le couple formé de Suzanne et André Buist qui triomphait au mini-putt. C’était aux temps où il avait pas mal de difficulté à joindre les deux bouts. À un moment donné, il s’était levé d’un trait en gueulant : «Crisse, je joue mieux que le gars puis j’ai le cul moins large que la bonne femme. Je pourrais les battre tout seul avec les yeux bandés, tabarnac. Leur bourse, j’la veux, c’tu clair? Y m’écœurent, ces deux-là!» Ça, c’était un cri du cœur lâché par l’auteur du livre Un dimanche à la piscine à Kigali et par le journaliste qui nous avait alertés sur la famine en Éthopie…

Salut Gil. Tu m’excuseras, mais parmi toutes tes esclandres, c’est celle-là que je vais me rappeler jusqu’à mon dernier jour.

– Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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