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Mario Lefebvre: «Il faut se doter d’un Plan Sud»

Photo: Yves Provencher/Métro

Arrivé depuis peu à la tête de l’Institut de développement urbain du Québec, l’économiste Mario Lefebvre sent qu’un vent d’optimisme souffle sur Montréal. Mais la métropole a encore fort à faire pour assumer pleinement son rôle de moteur économique et devenir un pôle d’attraction pour les travailleurs d’ici et d’ailleurs.

Si vous aviez à dresser le bilan de santé de l’économie immobilière montréalaise, quel serait-il?
On ne peut pas faire un bilan de santé de l’économie immobilière sans faire celui de l’économie en général. L’économie de Montréal a eu sa large part d’ennuis depuis une vingtaine d’années et est à la traîne par rapport aux autres villes canadiennes. Il ne s’est pas construit un million de choses à Montréal dans les dernières années. Cependant, on sent un vent d’optimisme depuis l’arrivée de Denis Coderre. L’économie de Montréal n’a pas décollé, mais les investisseurs y jettent à nouveau un coup d’œil sérieux.

Vous avez interpellé les chefs pendant la campagne pour leur dire que Montréal était laissée pour compte depuis quelques années. Vous proposez même un Plan Sud…
Quand le Plan Nord a été présenté, j’étais au Conference Board, et nous avons applaudi. Toutefois, il faut garder en tête que le moteur économique du Québec, c’est Montréal. On ne déménagera pas ce moteur dans le Nord. Il ne faut pas abandonner le Nord, mais on attend encore le Plan Sud. Montréal doit avoir les moyens de ses ambitions. Nos villes sont encore beaucoup trop dépendantes de l’impôt foncier, qui constitue 70 % de leurs revenus.

De grands chantiers (Centre Bell, recouvrement de l’autoroute Ville-Marie, pont Champlain, revitalisation de la rue Sainte-Catherine) changeront le visage de Montréal. Comment doit-on penser les choses?
Ce qu’on souhaite, c’est qu’il y ait des discussions sérieuses afin d’accoucher de grands projets réfléchis. Prenons le pont Champlain, par exemple. On me demande souvent si ça va relancer l’économie de Mont­réal. La réponse est non… si on démolit le pont actuel pour en construire un pareil à côté! Pendant la phase de construction, il y aura des impacts économiques positifs, mais ils seront temporaires. Il faut des retombées permanentes. En d’autres mots, il faut que les gens et les biens et services circulent plus efficacement grâce au nouveau pont. Trop souvent, on prend des décisions sans penser qu’on passera de 3 à 4 millions de personnes à Montréal dans 15 ans.

Le pouvoir d’attraction de Montréal est-il solide quand on le compare à celui d’autres grandes villes?
Le vent d’optimisme qui vient de l’Hôtel de Ville et le ménage qu’on fait en ce qui concerne la corruption commencent à porter leurs fruits. La ville a gagné en crédibilité. Hors Québec, les gens voient que le ménage se fait véritablement. Mont­réal a toujours été une ville attrayante compte tenu de sa position géographique. Mais on a toujours eu peur de s’y installer, de peur que le 500 M$ investi vaille moins dans 10 ans. Si on peut enfin enlever cette épée de Damoclès au-dessus de notre tête, on va être plus compétitif.

Il y a encore un tel travail de persuasion à faire?
Absolument. Toutes les villes ont un travail de persuasion à faire pour attirer des entreprises, mais Montréal doit en plus s’occuper de changer la perception qu’on a d’elle.

Le pouvoir d’attraction, il se dispute aussi avec les banlieues…
Oui. Les écarts en termes de taxation et la congestion routière ont joué des tours à Montréal. Des entreprises ont choisi d’aller là où leurs employés ont choisi de s’établir. Aujourd’hui toutefois – et c’est une tendance mondiale –, on remarque un retour au centre-ville de la part de gens qui n’ont pas de voiture, qui désirent marcher pour aller travailler, qui ont une famille, mais qui n’ont pas besoin d’un terrain à n’en plus finir. Je crois que le maire l’a bien saisi et qu’il tentera d’attirer les familles autant que possible. À partir du moment où tu rapatries les gens, ce n’est pas long que les entreprises suivent.

À ce sujet, croyez-vous qu’il faille miser sur l’immigration?
L’immigration va être primordiale. Ce qui est triste, c’est qu’on attire énormément d’étudiants dans nos universités, mais ils ne restent pas. Il faut les garder. Il y a aussi un travail important à faire concernant la reconnaissance des diplômes. Ensuite, il faut cesser de se demander si on accueille trop d’immigrants. Le problème, ce n’est pas le nombre d’immigrants, ce sont les programmes d’intégration. Il faut saisir notre chance avant que les États-Unis, qui commencent à se réveiller, se lancent dans l’aventure et cherchent à attirer les immigrants. La croissance économique de Montréal en dépend.

Les Nordiques avant les Expos
Coauteur du livre Power Play, une analyse économique du sport professionnel, Mario Lefebvre rappelle que le marché montréalais pourrait très bien accueillir à nouveau une franchise du baseball majeur.

  • La facture de 1,2 G$ (achat de la franchise et construction d’un nouveau stade) est toutefois trop salée, selon lui.
  • «Sans plafond salarial, qui va investir ce montant alors que les chances de gagner ne seront pas égales à celles des autres équipes?» se demande-t-il.
  • M. Lefebvre est toutefois beaucoup plus optimiste à l’idée de voir les Nordiques revenir à Québec. «Ils ont le pied dans la porte, indique l’économiste. Au hockey, le plafond salarial fait que même les petits marchés peuvent être compétitifs. Et l’aréna est déjà en chantier.»

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