Soutenez

Peu d’appelés, peu d’élus au Grand Séminaire

Photo: Vincent Fortier

Curieux de savoir à quoi ressemblaient l’intérieur du Grand Séminaire de Montréal et la formation qu’on y dispense en 2015, Métro est allé visiter l’école des futurs prêtres.

Plus que jamais, on entre au Grand Séminaire de Montréal par choix. À la fin des années 1950, on comptait 300 candidats à la prêtrise dans le bâtiment de la rue Sherbrooke Ouest. Aujourd’hui, le lieu est bien grand pour les 24 séminaristes.

«Avant, c’était une vocation prestigieuse, fait remarquer Jaroslaw Kauffman, recteur du Grand Séminaire, une propriété des sulpiciens, depuis quatre ans. Aujourd’hui, quand quelqu’un annonce à ses pro­ches qu’il veut devenir prêtre, la réaction est négative, poursuit ce Polonais qui a mis les pieds au séminaire il y a 25 ans pour y suivre sa propre formation. Nous devons préparer les séminaristes afin qu’ils sachent comment gérer ce monde parfois hostile à la religion.»

La chose est surtout vraie au Québec où, depuis la Révolution tranquille, la population s’est détachée de la religion. Dans des séminaires plus conservateurs, comme à Edmonton, en Alberta, la carrière de prêtre conserve une meilleure image.

«Nous sommes demeurés accrochés aux vieux clichés des années 1940 et 1950 parce que nous avons encore une dent contre la religion, souligne Guy Guindon, directeur du Département de pastorale, qui est au séminaire depuis 1978. Nous pensons immédiatement que celui qui désire entrer au séminaire est gai, qu’il est un agresseur…»

Aujourd’hui, les séminaristes viennent de milieux très variés. Beaucoup possèdent déjà un diplôme universitaire et certains ont même plusieurs années d’expérience dans le milieu du travail, comme en fait foi l’âge des apprentis prêtres, qui varie de 20 à 61 ans. Les hommes d’origine africaine ou sud-américaine forment plus de la moitié des séminaristes.

Bien que le ratio entre les prêtres et les croyants – qui sont beaucoup moins nombreux qu’avant – soit sensible­ment le même que durant l’âge d’or du catholicisme au Québec, les 24 candidats seront loin de pouvoir combler la demande. Aujourd’hui, les prêtres doivent desservir de 5 à 10 lieux de culte pour rejoindre leurs fidèles. Une tâche difficile pour les plus âgés. «Il y a un grand décalage entre les jeunes et les anciens, reconnaît le recteur Kauffman. On ne peut pas demander aux plus âgés de revitaliser l’Église. Le défi, c’est de rajeunir l’Église.»

Durant leurs sept ans de formation, les séminaristes suivront des cours de théologie et de philosophie, mais aussi des ateliers plus humanitaires sur la gestion de conflits ou le leadership, et goûteront au terrain, en paroisse et dans la rue, avec des cafés-trottoirs pour les populations marginalisées. En classe, ils entendront parler de toutes les religions et discuteront, par exemple, d’abstinence sexuelle.

En chiffres

  • 24 séminaristes âgés de 20 à 61 ans
  • 10 sont des Québécois «pure laine»
  • 7 ans de formation
  • 50 % de «décrochage»

Escalier

Une riche histoire

Après avoir passé les deux tours du fort de la Mission de la Montagne, vieille de 330 ans, on arrive au bâtiment principal du Grand Séminaire, construit en 1857. Un lieu riche en histoire. À l’intérieur, l’escalier central n’a connu que très peu de rénovations et, à côté de la chapelle, la sacristie semble sortie d’une autre époque. Les sulpiciens ont un lourd héritage à protéger. «Ça coûte cher de garder vivant un tel patrimoine», reconnaît Guy Guindon, directeur du Département de pastorale. Pour l’heure, les sulpiciens touchent des revenus grâce au stationnement situé sur leur terrain et songent à louer à des organismes des parties de leur bâtiment principal, devenu bien trop grand pour la simple vocation éducative.

Bibliothèque

Des archives précieuses

La bibliothèque du Grand Séminaire est remarquable, et pas seulement parce qu’on y a tourné le vidéoclip de C’est zéro, de Julie Masse! La structure de métal suspendue de trois étages, datant de 1907, est la plus vieille du genre à Montréal. C’est là que sont rangés une bonne partie des 157 000 volumes. Les sulpiciens possèdent la plus grande collection de livres anciens en Amérique – quelque 20 000 ouvrages –, qui rendrait jaloux n’importe quel archiviste. Le plus vieux spécimen? Un exemplaire du Livre de Job – qu’il a été impossible de voir – datant de 1514!

Chambre

Une vie modeste

Les troisième et quatrième étages du Grand Séminaire logent les étudiants et les membres du personnel.

Un imposant trousseau à la main, Guy Guindon essaie de trouver la clé de la chambre 73, présentement inoccupée. Il devra s’y reprendre plusieurs fois avant de finalement pous­ser la porte du minuscule appartement.

Une fenêtre, un lavabo, un petit lit… Heureusement, les séminaristes ne s’y prélas­sent pas trop longtemps, étant donné qu’ils doivent être à la chapelle à 6 h 45 tous les matins.

chapelle

Une chapelle devenue trop grande

Rénovée au début du 20e siècle, la magnifique chapelle du Grand Séminaire a une configuration étonnante. Les bancs, sis le long des murs, se font face. Le tout a été pensé pour les prières dialoguées. Mais les séminaristes, aujourd’hui peu nombreux, se rassemblent le plus souvent dans la petite chapelle attenante. On se sert toutefois de la grande chapelle pour des célébrations ou des spectacles d’orgue.

Cimetière

La course au cimetière

Juste sous la chapelle, plusieurs prêtres sulpiciens sont enterrés. «C’est prestigieux pour plusieurs de reposer sous la chapelle, là où les croyants continuent de célébrer», explique le recteur Jaroslaw Kauffman. Mais il ne sera bientôt plus permis d’utiliser l’endroit comme lieu de sépulture, une étude ayant démontré un danger pour la structure du bâtiment. Il ne reste ainsi qu’une seule place vacante…

Gymnase

Prêtres et… ceintures noires

Dans le sous-sol du Grand Séminaire, on trouve un gymnase, quelque peu défraîchi, où un sac de frappe jouxte un crucifix. Le dojo, juste à côté, sert sans doute plus souvent puisque quatre séminaristes et membres du personnel possèdent des ceintures noires de différents arts martiaux. Juste au-dessus, un salon permet aux séminaristes de se rassembler et de célébrer. Lors de notre passage, un chandail du Canadien était accroché au mur bleu ciel. Plus de doute, le hockey est une religion!

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.