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Comment mieux préserver les bâtiments patrimoniaux?

Photo: Josie Desmarais

La Ville de Montréal a entamé ses travaux pour mettre à jour sa Politique du patrimoine. Depuis l’adoption de sa dernière mouture, en 2005, plusieurs immeubles patrimoniaux ou d’intérêt patrimonial ont défrayé les manchettes puisqu’ils étaient menacés de démolition ou de détérioration majeure. La maison Redpath, l’église Très-Saint-Nom-de-Jésus, la Maison Alcan ou même plus récemment, la maison Mount Stephen sont du nombre. Métro a tenté de voir ce que la prochaine politique montréalaise du patrimoine devrait contenir.

Valoriser le passé

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Les règlements touchant la réfection des bâtiments construits depuis plusieurs dizaines d’années, voire un siècle, méritent d’être assouplis. D’après Héritage Mont­réal, ils sont trop rigides, ce qui pousse les promoteurs à proposer le façadisme, soit la conservation de la façade, tout en démolissant l’intérieur. «Il ne faut pas que le patrimoine ait à subir les conséquences des normes actuelles qui sont brutalement appliquées, a dit son directeur des politiques, Dinu Bumbaru. Il faut des règles intelligentes.» Sur la rue De Lorimier, un immeuble centenaire, situé en face du parc des Faubourgs, risque d’être en grande partie démoli, car le promoteur veut construire huit nouveaux étages. «Ça fait un siècle que c’est là. Ça a tenu des charges d’entrepôt. Voilà maintenant que, selon tous les calculs modernes, ça devrait être à terre depuis 75 ans», a ironisé M. Bumbaru.

L’intégration au quartier

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La valeur des projets de revitalisation des bâtiments patrimoniaux et leur intégration dans un quartier doivent être davantage pris en compte par les autorités, d’après le professeur d’urbanisme Gérard Beaudet. Il a donné l’exemple de la Maison Alcan, dont les propriétaires ont proposé d’en démolir une partie pour y ériger une tour commerciale dans le centre-ville. «C’est un ensemble absolument exceptionnel à l’échelle canadienne, et on s’apprêtait à autoriser la construction d’une tour de 33 étages, s’est exclamé M. Beaudet. Il me semble que ce sont des aberrations qui ne devraient pas exister.» Le Conseil du patrimoine de Montréal pourrait être mis à contribution, d’après le professeur. Il pourrait se pencher, non seulement sur des projets qui lui sont soumis, mais aussi des problématiques qui sont anticipées, comme celle de la fermeture des églises.

Plus de ressources

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Davantage de ressources doivent être fournies pour que les bâtiments patrimoniaux ou d’intérêt patrimonial puissent être conservés, d’après Projet Montréal. Sa conseillère, Anne-Marie Sigouin, a indiqué que les arrondissements, qui sont responsables de l’application des règlements relatifs à l’entretien des bâtiments, manquent d’inspecteurs. Dans le Sud-Ouest, où Mme Sigouin a été élue, le nombre d’inspecteurs a chuté de six à trois ces dernières années. «Ils travaillent pour les travaux publics et les permis de construction, a-t-elle dit. C’est insuffisant pour un territoire en transformation comme le nôtre.» Mme Sigouin a par ailleurs souligné que plusieurs questions sont en suspens au sujet de la surveillance qui a été exercée sur la maison Mount Stephen, qui est située dans le Mille carré doré. Ce bâtiment patrimonial a été endommagé pendant des travaux ces derniers mois.

Profiter du temps

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Le temps joue contre les bâtiments patrimoniaux lorsqu’ils sont vacants. «Entre le bâtiment désaffecté et le projet, il peut s’écouler plusieurs années, a dit M. Bumbaru. Ça peut créer une situation où on risque de perdre des bâtiments tout simplement parce qu’ils sont squattés et qu’ils deviennent des fantômes urbains. Psychologiquement, la population en fait son deuil.» L’ancien Institut des sourdes-muettes, sur la rue Saint-Denis, dans le Plateau–Mont-royal, en est un exemple. Libéré par la défunte Agence de la santé et des services sociaux l’an passé, il a déjà été la cible de graffiteurs. Pour remédier à la situation, Dinu Bumbaru propose de trouver des usages transitoires à ces bâtiments précieux, le temps de leur trouver une nouvelle vocation. Le bâtiment serait habité et, du même coup, surveillé. M. Bumbaru évoque la possibilité que des ateliers d’artistes puissent y être installés, ou même des services sociaux.

Plus de volonté politique

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Pour le professeur d’urbanisme de l’Université de Mont­réal Gérard Beaudet, les outils destinés à protéger les immeubles patrimoniaux sont en place, mais les élus doivent en faire bon usage. «Les décisions vont rester fon­damentalement politiques, a-t-il expliqué. Il faut juste s’assurer qu’il y ait des balises qui fassent en sorte qu’un moment donné, le politique soit appelé à la prudence et qu’il n’improvise pas en catastrophe pour toute sorte de raison, bonne ou mauvaise.» La maison Redpath, qui se trouvait dans le Mille carré doré, en est un exemple. L’ancien maire Gérald Tremblay a été accusé de laxisme et, à son arrivée au pouvoir, le maire Denis Coderre a décidé d’autoriser sa démolition pour des raisons de sécurité.

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