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Le cercle vicieux de l’itinérance

L'organisme communautaire a effectué 126 interventions liées à l'itinérance entre le 1er avril 2014 et le 31 mars 2015. Photo: Archives TC Media

Non seulement, le phénomène de l’itinérance est en croissance à Montréal, mais il a tendance à sortir de plus en plus des limites du centre-ville, témoigne un rapport du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) publié jeudi. Intitulé, L’itinérance à Montréal – au delà des chiffres, le rapport donne un aperçu global d’un phénomène complexe. État de lieux en cinq enjeux étroitement imbriqués.

1-Santé précaire. Dans certaines ressources, les problèmes de santé mentale touchent de 30% à 50% de la clientèle. Être dans la rue c’est aussi risquer d’avoir certains problèmes de santé tel que des pertes cognitives ou un diabète grave, dix ans plus tôt que normal. Ces situations nécessitent des équipements spécialisés qu’on retrouverait habituellement dans des résidences où la moyenne d’âge est de 80 ans, souligne dans le rapport Martin Raymond, coordonnateur de la résidence JA de Sève. «Face à cette situation, les coupes gouvernementales en santé mentale, en employabilité et dans le logement social rendent le travail des groupes de terrain plus difficile», souligne France Labelle, DG du Refuge des jeunes de Montréal.

2-Gentrification. À Montréal, plus de 70 000 ménages consacraient plus de 80% de leurs revenus dans le loyer. Dans d’anciens quartiers ouvriers faisant actuellement l’objet d’une revitalisation immobilière, les loyers ont augmenté de 27% en dix ans, selon des données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Résultat, les banques alimentaires sont en demande: l’organisme Partageons l’espoir a vu sa fréquentation augmenter de 40% dans Pointe-Saint-Charles. Le problème, note les organismes du Sud-Ouest dans une étude, c’est que les locataires qui doivent déménager faute de pouvoir suivre les hausses de loyer, se retrouvent dans des quartiers plus excentrés qui ne disposent pas forcément des ressources appropriées. «À Verdun, par exemple, il n’y a pas de centre de jour et peu de ressources d’aide alimentaire», note le rapport du RAPSIM.

3-Logement social. «Cette année, on ne construira que 550 nouveaux logements sociaux à Montréal. On n’a jamais vu aussi peu en 20 ans», déplore Pierre Gaudreau, coordonnateur du RAPSIM. À quelques jours du dévoilement des budgets provincial et fédéral, l’organisme demande à Québec de revenir aux cibles des précédents budgets et à Ottawa de tenir ses promesses électorales en réinvestissement dans un domaine qu’il avait abandonné depuis plus de 20 ans. Les organismes de terrain soulignent en outre que le dénombrement du printemps dernier à Montréal, qui avait abouti au chiffre de 3016 itinérants, n’est qu’une partie de la réalité. C’est 5 à 10 fois plus, clame M. Gaudreau. Il souligne que si les autorités se basent sur ce «polaroïd» au lieu de voir le portrait global, ils risquent de minimiser les ressources nécessaires pour prévenir l’itinérance.

4-Judiciarisation. Passer plus de temps dans la rue, c’est aussi risquer de recevoir plus de contraventions. Heureusement, depuis 10 ans, Montréal n’emprisonne plus ceux qui cumulent les contraventions impayées. «Oui, il y a une baisse des contraventions, ainsi qu’une diminution du profilage et une meilleure formation des policiers, mais il reste du travail à faire», souligne France Labelle. Lors d’un questionnaire réalisé en 2015 auprès d’une trentaine de groupes d’aide aux itinérants, 90% des répondants ont indiqué que les relations entre les itinérants et la police étaient faibles ou mauvaises, le plus mauvais score enregistré depuis 2012. Si l’implantation d’équipes policières spécialisées en itinérance est une mesure efficace, le rapport souligne que les policiers les plus problématiques devraient être sanctionnés.

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