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La sauvegarde d’une grenouille compromettrait plusieurs projets économiques

Photo: Benny Mazur/Wikimedia Commons

Le gouvernement fédéral vient d’émettre un décret d’urgence interdisant toute activité menaçant la rainette faux-grillon de l’ouest dans une zone de 2km2 couvrant trois municipalités de la rive-sud de Montréal. C’est notamment là que se trouvent les dernières métapopulations de cette minuscule espèce de grenouille faisant partie des espèces menacées.

Le décret, qui entrera en vigueur le 17 juillet, met notamment en veilleuse une partie de Symbiocité, un projet situé dans le boisé de La Commune à La Prairie qui est déjà développé aux deux tiers. Le promoteur Quintap,  a déploré que les phases 5 et 6 totalisant 187 unités d’habitation qui sont hypothéquées par le décret ne fassent pas l’objet d’une compensation financière. Les deux autres municipalités concernées dans une moindre mesure par le décret sont celles de Candiac et Saint-Philippe.

Les interdictions inscrites dans le décret d’urgence visent notamment la construction de toute infrastructure, et va jusqu’à l’interdiction de circuler sur le territoire en véhicule tout-terrain ou en motoneige. Les amendes peuvent atteindre jusqu’à 250 000$ et 5 ans d’emprisonnement.

Pour le gouvernement québécois, il s’agirait d’un camouflet puisque le ministère de l’Environnement du Québec avait donné toutes les autorisations environnementales nécessaires, et ce malgré les craintes des écologistes. En journée le ministre québécois de l’Environnement David Heurtel a déclaré que le décision d’Ottawa empiétait que les champs de compétence du Québec.

Cette décision du gouvernement fédéral a pour origine les procédures judiciaires entamée par des groupes écologistes, en partenariat avec le Centre québécois du droit de l’environnement. Le 22 juin 2015, la Cour fédérale avait blâmé l’ancienne ministre conservatrice de l’Environnement du Canada, Leona Aglukkaq pour ne pas avoir tenu compte des avis de ses fonctionnaires qui la pressaient d’agir.

Cette décision marque une avancée importante pour la protection des espèces en péril au Canada puisqu’il s’agit du premier décret à cibler un habitat en terres privées, souligne la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP). «Le message qu’envoie cette décision historique est à l’effet que la Loi sur les espèces en péril peut être utilisée lorsqu’une province n’assume pas adéquatement son rôle de fiduciaire de la biodiversité», a déclaré Alain Branchaud, directeur général du chapitre québécois de la SNAP.

Le gouvernement fédéral avait jusqu’au 1er juin 2016 pour annoncer son plan de protection. Ce dernier pourrait avoir un impact sur le tracé du futur train électrique de la Caisse de dépôt, de même que sur le développement du port de Montréal sur le site de Contrecoeur, note Radio-Canada qui souligne que des colonies de rainette faux-grillon ont aussi été recensés sur ces sites. La Snap souligne d’ailleurs que le gouvernement fédéral n’a pas rempli toutes ses obligations mercredi en ne rendant pas public pas les mesures prises pour protéger la petite grenouille dans ces secteurs.

Une grenouille de 3cm devrait-elle avoir le pouvoir de freiner tout développement? Pour M. Branchaud, il s’agit d’une question de responsabilité collective dans un contexte de crise de la biodiversité. «Délimitons maintenant ce qui doit être protégé et ceci aura un impact positif pour les développeurs, car ils sauront exactement où investir et construire», conclut-il.

Cette dernière proposition rejoint celle de la Communauté métropolitaine de Montréal qui a demandé par la voix de Denis Coderre la création d’un guichet unique d’autorisation environnementale «afin d’harmoniser le processus d’autorisation environnementale découlant des diverses réglementations actuellement en vigueur».

La ville de La Prairie s’est déclarée soulagée d’avoir pu conserver les phases 1 à 4 du projet mais déplore du même coup le manque à gagner occasionné par l’abandon des phases 5 et 6 du projet qui occasionneront un manque à gagner récurrent de 7,5M$ en taxes foncières qui ne sera pas compensé. Elle rappelle que 50% de la superficie du projet est composé d’un parc de conservation équivalent à 120 terrains de football et qu’elle a fait aménager des bassins artificiel pour aider à la sauvegarde des grenouilles.

L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) a dénoncé une décision qui «freinerait le développement économique de La Prairie» et qui «rendrait, le financement des projets sera dorénavant plus difficile, fragilisant notre industrie».

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