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Délais du système judiciaire: rapport sénatorial

OTTAWA — Au tour du Sénat d’exhorter le gouvernement à combler les nombreux postes de juges vacants à travers le pays afin de réduire les délais qui plombent le système de justice pénale.

Le comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles a brossé un sombre portrait de l’état du système judiciaire dans un rapport provisoire déposé vendredi.

«Le système craque à plusieurs endroits, pour ne pas dire de partout. Et il doit y avoir des interventions à plusieurs niveaux», a résumé le sénateur conservateur Claude Carignan.

À ses côtés, son collègue libéral indépendant George Baker a prévenu que les délais qui entravent le système mettent en péril la sécurité des Canadiens.

«Nous vivons une crise dans ce pays, une situation qui mènera à la libération de dizaines de milliers de personnes condamnées pour des crimes graves», s’est-il insurgé en conférence de presse à Ottawa.

«Elles ne seront pas emprisonnées pour les crimes dont elles ont été reconnues coupables simplement parce que nous n’aurons pas apporté les changements aux procédures liées à la gestion des tribunaux», a dénoncé le sénateur Baker.

Le rapport cite en exemple le fiasco du mégaprocès découlant de l’opération antimotard SharQc, au Québec, où 31 personnes accusées ont recouvré la liberté en raison des délais déraisonnables dans les procédures.

Nommer des juges ne réglera pas tout, ont prévenu les membres du comité qui ont présenté le rapport en marge de la conférence juridique de l’Association du Barreau canadien (ABC), qui se tenait ces jours-ci dans un hôtel du centre-ville de la capitale fédérale.

Mais il s’agirait d’un important premier pas à franchir afin d’amorcer le vaste travail de rénovation d’un système sérieusement amoché, où le délai de traitement médian dans les cours supérieures canadiennes atteignait 514 jours en 2013-2014.

Le sénateur Carignan a dit ne pas comprendre pourquoi le gouvernement met autant de temps à désigner des juges aux 44 postes qui sont actuellement vacants à travers le pays.

«Il y a présentement une banque de personnes aptes à être nommées juges (…) mais les postes demeurent vacants. Qu’est-ce que le gouvernement attend pour choisir des personnes dans cette banque-là?», a laissé tomber le leader de l’opposition officielle à la chambre haute.

L’importance de nommer rapidement des juges avait été soulignée jeudi par la juge en chef de la Cour suprême du Canada.

«La crise perpétuelle de vacances de postes judiciaires au Canada est un problème évitable auquel on doit s’attaquer et qui doit être résolu», avait tranché Beverley McLachlin dans un discours livré à l’invitation de l’ABC, jeudi matin.

La ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a assuré vendredi qu’elle était «très sensible» à la réalité à laquelle le système judiciaire est confronté avec ces dizaines de sièges vides.

«Nous prenons des mesures à la fois pour renforcer le processus (de nomination) et combler les postes de juges vacants», a-t-elle plaidé dans une allocution prononcée devant les membres de l’ABC.

Peines minimales obligatoires

Le rapport sénatorial provisoire est muet sur la question des peines minimales obligatoires instaurées sous le précédent gouvernement conservateur de Stephen Harper.

À cette étape des travaux, le comité «n’a pas senti que ça avait un impact majeur sur les procédures judiciaires», a exposé le sénateur Carignan.

Au contraire, a soutenu l’ancien bâtonnier du Québec et ex-député libéral à l’Assemblée nationale Gilles Ouimet.

«Ça a eu clairement un impact sur la capacité du système de gérer et de faire face au lot de dossiers», a-t-il tranché en entrevue téléphonique.

«Si on fait abstraction de l’impact de l’approche loi et ordre du gouvernement conservateur, on manque une partie de la problématique qui a engendré l’augmentation significative des délais», a exposé M. Ouimet.

La ministre Wilson-Raybould travaille actuellement à une vaste révision des réformes de la détermination des peines apportées au cours de la dernière décennie.

Elle a déclaré vendredi par voie de communiqué qu’elle avait «hâte de prendre connaissance» du rapport provisoire du comité sénatorial.

«Assurer un système de justice équitable, pertinent et accessible qui reflète les valeurs canadiennes demeure une priorité première de notre gouvernement», a dit la ministre de la Justice.

Nouveaux plafonds

Le rapport du comité rappelle par ailleurs que le système judiciaire devra s’adapter à une importante décision rendue le 8 juillet dernier par la Cour suprême concernant les délais déraisonnables.

Dans l’arrêt R. c. Jordan, les juges ont fixé le nouveau plafond au-delà duquel le délai entre le dépôt des accusations et la conclusion du procès est présumé déraisonnable et contraire aux droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.

«Toutes les parties travaillaient dans une culture de complaisance à l’égard des délais qui s’est répandue dans le système de justice criminelle ces dernières années», est-il écrit dans la décision.

Les nouveaux plafonds sont de 18 mois pour les procédures en cour provinciale et 30 mois pour celles devant une cour supérieure.

Les quatre recommandations du comité sénatorial:

– Collaborer avec les provinces, les territoires et le système judiciaire afin d’améliorer les pratiques de gestion des dossiers et réduire le nombre de comparutions inutiles;

– Prendre des mesures immédiates pour assurer la mise en place d’un système de nominations plus efficace qui permettra de combler rapidement les postes judiciaires vacants;

– Travailler avec les provinces et les territoires afin d’envisager la mise en oeuvre de programmes de justice réparatrice, de cours alternatives et de «tribunaux fantômes»;

– Investir dans la technologie pour moderniser et accroître l’efficacité des procédures pénales et ainsi réduire le nombre de personnes incarcérées dans les centres de détention provisoire.

Source: «Justice différée, justice refusée: L’urgence de réduire les longs délais dans le système judiciaire au Canada», Sénat du Canada

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