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Des commissions scolaires modifient leur gestion

MONTRÉAL — Accablées par les compressions grandissantes dans leurs budgets, certaines commissions scolaires se sont tournées vers une nouvelle approche de gestion pour éviter le gaspillage et profiter au maximum des ressources à leur disposition.

Depuis 2014, cinq commissions scolaires au Québec, dont celles de la Région-de-Sherbrooke et de la Capitale, ont commencé à implanter la méthode «Lean» — aussi appelée «méthode Toyota» — une philosophie de gestion qui est beaucoup utilisée dans le milieu manufacturier depuis une cinquantaine d’années.

Pascal Forget, directeur du Laboratoire d’efficacité et d’efficience en éducation et en culture et professeur en génie industriel à l’Université du Québec à Trois-Rivières, accompagne les commissions scolaires dans cette transition et il est «persuadé» que cette méthode de gestion gagnera en popularité dans les prochaines années.

L’approche Lean consiste à trouver les sources de gaspillage et à y remédier. Ce sont les employés eux-mêmes qui identifient les problèmes, qui trouvent des solutions et qui implantent celles-ci dans leur milieu de travail. Cette méthode a notamment été utilisée dans le réseau de la santé sous la gouverne de l’ancien ministre Yves Bolduc.

Alexandre Beaupré-Lavallée, professeur adjoint à la faculté d’éducation de l’Université de Montréal, demeure sceptique face à cette méthode de gestion, qui selon lui ne peut pas s’appliquer dans les commissions scolaires de tous les milieux sociodémographiques. Ce qui pourrait constituer une dépense superflue dans une commission scolaire ne l’est peut-être pas dans une autre, a-t-il soutenu.

«Si vous avez une population blanche, catholique, francophone, vous allez l’avoir beaucoup plus facile que si vous avez une commission scolaire qui a beaucoup de nouveaux arrivants, qui a beaucoup de non-francophones, qui est dans une ville où les infrastructures sont très vieilles», a-t-il indiqué.

«La méthode Lean de Toyota qui a d’abord été développée pour faire des voitures ne tient pas compte du fait que le client peut demander une voiture différente», a-t-il ajouté.

La méthode Lean suppose qu’il y a du gaspillage à quelque part dans la gestion, mais il se peut qu’il n’y en ait pas, a suggéré M. Beaupré-Lavallée.

La Commission scolaire de Montréal a été récemment soumise deux fois de suite à des évaluations externes de firmes comptables. Pour le même sujet — le financement des services pour les élèves en difficulté — une des évaluations a conclu qu’elle était sous-financée de 10 millions $ alors que l’autre, au contraire, a constaté qu’elle offrait des services en trop.

«La méthode Lean aurait tendance à dire que les services offerts sont hors-normes, que ça constitue un gaspillage. Or, la méthode Lean ne tient pas compte des décisions de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, ne tient pas compte du fait qu’il y a une politique d’adaptation scolaire», a indiqué M. Beaupré-Lavallée.

«Est-ce qu’on est rendu à l’os? Oui, on est rendu dans certains cas à l’os, notamment pour les ressources aux élèves en difficulté, et le transport. (…) L’idée d’avoir un financement très différencié (entre chaque commission scolaire) circule actuellement», a-t-il ajouté.

Pascal Forget admet que l’origine manufacturière du Lean peut susciter de la résistance chez certains intervenants qui craignent une «standardisation» des pratiques en éducation. Mais cette méthode de gestion peut bénéficier à tous les milieux et elle a déjà fait ses preuves ailleurs, selon M. Forget.

«Le Lean trouve des solutions à des problèmes de communication et d’échange d’information entre les humains. Et ça, on retrouve ça dans toutes les organisations, autant manufacturières que publiques ou parapubliques», a-t-il soutenu en entrevue téléphonique.

La Commission scolaire de la Capitale a commencé à mettre en place ce mode de gestion en 2012 et les résultats sont satisfaisants, selon la directrice des services éducatifs des jeunes, Mireille Dion. Mais la commission scolaire n’a pas appliqué «religieusement» tous les principes de l’approche.

«Quand on rentre mur à mur dans le Lean management, il y a des choses qui ne s’appliquent pas toujours au domaine scolaire», a-t-elle affirmé.

«C’est sûr qu’au début, on avait des petites réticences, parce que ce sont des mots d’usine, et nous dans une commission scolaire, on travaille avec des humains», a-t-elle ajouté.

Mme Dion affirme que la commission scolaire a pu identifier plusieurs activités superflues, notamment sur la formation et les comités en place.

«À chaque fois qu’on peut optimiser le processus, avoir le moins d’erreur possible, puis que chaque acteur comprenne bien ce qu’il fait avec le moins de bris dans la chaîne d’opération, il y a un gain pour tout le monde», a-t-elle résumé.

Bien que ce ne soit pas étayé par des chiffres, Pascal Forget trace lui aussi un bilan positif des projets-pilotes implantés dans les commissions scolaires jusqu’ici. «En général, elles (les commissions scolaires) sont très contentes. (…) Et elles ne voudraient surtout pas revenir en arrière», a-t-il souligné.

«L’un des gains du Lean, c’est d’améliorer la satisfaction de travail des gens. Puis ça, c’est atteint tout le temps. Si ce n’est pas atteint, ce n’est pas du Lean», a-t-il tranché.

Commissions scolaires qui ont lancé des projets-pilotes

– La Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke (Estrie)

– La Commission scolaire de l’Énergie (Mauricie)

– La Commission scolaire des Premières-Seigneuries (Capitale-Nationale)

– La Commission scolaire de la Capitale (Capitale-Nationale)

– La Commission scolaire Riverside (Montérégie)

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