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Violence conjugale: Wilson-Raybould interpellée

MONTRÉAL — Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale dénonce «l’incohérence» du gouvernement Trudeau qui, d’une part, élabore une stratégie sur la violence basée sur le sexe et qui, d’autre part, a accepté l’extradition d’une Canado-Américaine qui tentait de fuir son mari violent.

«Nous étions très confiantes que Mme Wilson Raybould (Jody, la ministre fédérale de la Justice) allait analyser cette demande d’extradition en tenant compte de la violence conjugale et familiale. Sa décision de maintenir l’extradition est tombée le 2 août. Dire que nous étions consternées, c’est peu dire», a déploré Sylvie Langlais, présidente du regroupement en conférence de presse mercredi matin.

Le groupe demande à la ministre de réviser sa décision pour tenter de convaincre ses homologues américains d’annuler l’extradition ordonnée contre la femme, qui est native de l’Estrie.

La femme, surnommée «Mme M.», est établie à Lac-Mégantic depuis 2010 avec ses trois enfants, qui voulaient fuir leur père. Toutefois, en 2011, le gouvernement américain a réclamé l’extradition de la dame parce qu’elle aurait violé l’ordonnance de garde exclusive du père. Elle est maintenant assignée à résidence 22 heures sur 24 et elle doit parfois retourner en prison lorsque son cas revient devant les tribunaux.

«Toute la famille vit en quelque sorte dans une autre prison puisque Mme M. effectue des allers-retours en prison à chaque fois qu’il y a un procès et à chaque fois les enfants doivent retourner en famille d’accueil», a soutenu Sylvie Morin, de la maison d’aide et d’hébergement La Bouée régionale à Lac-Mégantic.

Le précédent gouvernement conservateur avait accepté l’extradition, qui a été contestée en cour. La Cour suprême a finalement statué, dans un jugement à quatre contre trois, que son extradition était «raisonnable». Au début du mois d’août, la ministre Jody Wilson-Raybould a maintenu cette décision, mais l’avocate de la femme a demandé une révision judiciaire qui devrait être traitée dans un délai de six à neuf mois.

Le Regroupement estime que la ministre Wilson-Raybould a évalué cette affaire dans une «perspective strictement légale», sans tenir compte de la violence conjugale subie par la femme et ses enfants.

Les intervenantes ont fait remarquer que le président américain actuel, Barack Obama, a signé une loi contre la violence envers les femmes et qu’il se dit ouvertement féministe, tout comme le premier ministre canadien Justin Trudeau.

Si le président refuse la demande du gouvernement canadien, le Regroupement incite la ministre à utiliser son pouvoir discrétionnaire pour mettre fin au processus d’extradition.

En vertu de la Loi canadienne sur l’extradition, le ministre de la Justice peut refuser l’extradition si «elle serait injuste ou tyrannique compte tenu de toutes les circonstances».

Il peut aussi refuser si la demande «est présentée dans le but de poursuivre ou de punir l’intéressé pour des motifs fondés sur la race, la nationalité, l’origine ethnique, la langue, la couleur, la religion, les convictions politiques, le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge, le handicap physique ou mental ou le statut de l’intéressé, ou il pourrait être porté atteinte à sa situation pour l’un de ces motifs».

L’attachée de presse de Jody Wilson-Raybould a affirmé par courriel que la ministre avait révisé le dossier de la femme, et qu’elle avait maintenu l’ordre d’extradition au début août, sans fournir plus d’explications. Joanne Ghiz n’a toutefois pas répondu à savoir si la ministre avait l’intention de reconsidérer le dossier de la dame.

Mme Ghiz a conclu en disant que les détails de cette décision étaient confidentiels.

Présentes à la conférence de presse, deux des filles de la femme — qui ne peuvent être identifiées — ont fait un appel à la clémence. «C’est vraiment difficile, on essaie de vivre une vie normale comme les jeunes de notre âge. On ne peut pas. C’est toujours au-dessus de notre tête, qu’elle (leur mère) pourrait s’en aller à n’importe quel moment», a dit la première jeune fille de 15 ans.

«C’est vraiment un stress de tous les jours. Ça pourrait être demain que ma mère va se faire appeler pour aller en prison à Montréal. (…) Ça nous force à être beaucoup plus matures que notre âge», a soutenu sa soeur de 16 ans.

Les jeunes soeurs ont témoigné que leur père les violentait psychologiquement et physiquement, elles et leur frère âgé de 19 ans.

C’est pour cette raison que les trois enfants ont finalement décidé de s’enfuir pour éventuellement rejoindre leur mère. «Il fallait qu’on sorte de là, on ne pouvait plus continuer comme ça», ont-elles expliqué.

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