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Mort par jeûne: la faute du fédéral, dit Barrette

Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Le ministre québécois de la Santé, Gaétan Barrette, se désole que la loi fédérale sur l’aide médicale à mourir pousse des patients atteints de maladies incurables à s’affamer jusqu’à ce que mort s’ensuive.

C’est parce que le gouvernement fédéral «a choisi de faire une loi qui ne répondait pas entièrement à l’arrêt Carter» que l’on se retrouve face à cette situation, a-t-il tranché en entrevue téléphonique avec La Presse canadienne, mardi.

Et tant que la loi, dans sa mouture actuelle, demeurera en place, les gens n’auront d’autre choix que d’avoir recours à cette option, selon lui.

«Il va y en avoir d’autres. Et oui, c’est cruel et inhumain. Mais nul ne peut ignorer la loi», a laissé tomber M. Barrette.

«À chaque discussion qu’on aura là-dessus, ce sera une pression supplémentaire sur le fédéral, qui peut-être, à un moment donné, va se rendre compte de ce qu’il a fait», a-t-il laissé tomber.

Le ministre Barrette a ainsi réagi à l’histoire de cette patiente de 70 ans, Hélène L., atteinte de sclérose en plaques, qui s’est laissée mourir de faim et de soif car sa mort n’était pas raisonnablement prévisible.

Ce critère controversé est contenu dans la loi élaborée par le gouvernement libéral en réaction à un jugement de la Cour suprême du Canada, l’arrêt Carter c. Canada.

De l’avis de plusieurs juristes, cette loi était inconstitutionnelle, car trop restrictive.

Environ une semaine à peine après son entrée en vigueur, elle faisait déjà l’objet d’une contestation judiciaire de l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique.

«Je pense qu’ils ont raison. Je pense qu’ils vont gagner, je serais très surpris qu’ils perdent», a prédit Gaétan Barrette.

«S’ils gagnent, ça va se finir en Cour suprême (du Canada). Et j’espère que les cours vont traiter ça avec célérité, parce que malheureusement, il va y en avoir d’autres (patients qui vont se laisser mourir de faim)», a-t-il enchaîné.

Mais entre-temps, puisque le législateur provincial ne peut se substituer au législateur fédéral, dont relève le Code criminel, le ministre Barrette se console du fait que la mort par jeûne sera éventuellement encadrée par un guide pratique du Collège des médecins du Québec (CMQ).

La ministre fédérale de la Santé, Jane Philpott, n’était pas disponible pour une entrevue. Son cabinet a réagi par voie de communiqué, mardi, en début de soirée.

«Nous reconnaissons les circonstances et les décisions difficiles auxquelles plusieurs Canadiens font face tous les jours, particulièrement au moment de considérer des options de soins de fin de vie», a écrit son cabinet.

Le gouvernement demeure convaincu d’avoir atteint «le juste équilibre dans l’accès à l’aide médicale à mourir, tout en assurant la protection des plus vulnérables», a poursuivi le cabinet de Mme Philpott sans faire référence au cas de Hélène L.

La patiente est morte 14 jours après avoir volontairement cessé de boire et de manger après qu’on lui eut refusé l’accès aux soins d’aide médicale à mourir. Son histoire a été racontée par son médecin, Pierre Viens, dans une lettre ouverte.

Elle souhaitait, a-t-il écrit dans cette missive publiée lundi dans La Presse +, servir «la cause de tous ceux et celles qui ne sont pas en fin de vie, mais qui n’en peuvent plus de mourir comme (pire que) des chiens».

Hélène L. avait approché l’avocat spécialisé en défense des droits des patients Jean-Pierre Ménard en vue d’une contestation, mais elle y avait finalement renoncé, faute de temps et de moyens.

S’insurgeant du choix «tout à fait cruel et inhumain» auquel sont confrontés les patients à cause de la loi fédérale «qui les prive de leurs droits», l’avocat a de nouveau prévenu qu’il travaille à de possibles contestations. «J’ai une ligne (de plaignants) devant moi», a-t-il indiqué.

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