Soutenez

Québec interdit les frais accessoires

Jacques Boissinot / La Presse Canadienne Photo: Jacques Boissinot
Patrice Bergeron, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

Québec met fin à un commerce «extrêmement lucratif» des médecins: le gouvernement Couillard interdira tous les frais accessoires pour les soins de santé couverts par le régime d’assurance maladie.

Il privera ainsi les médecins de plus de 80 millions $ de revenus par année, qu’ils devront absorber à même leur enveloppe de rémunération existante. La Fédération des médecins spécialistes (FMSQ) a accepté la décision, mais elle est encore débattue à l’interne à la Fédération des médecins omnipraticiens (FMOQ).

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, en a fait l’annonce mercredi après-midi en sortant de la séance du conseil des ministres à Québec, au cours de laquelle un projet de règlement a été entériné sur cet enjeu. L’interdiction entrera en vigueur au plus tard au début de 2017.

En résumé, lorsqu’un Québécois présentera sa carte d’assurance maladie, aucuns frais ne pourra être facturé, a-t-il illustré, mercredi, en conférence de presse.

Ces frais accessoires étaient encaissés pour une grande variété de produits et de services, notamment des produits d’anesthésie, de l’azote, des gouttes ophtalmologiques, des gelées et des médicaments pour coloscopie. Ils étaient facturés à bien des endroits et les prix variaient grandement.

Il n’y aura qu’une seule exception, qui concerne le transport d’échantillons biologiques prélevés dans un cabinet privé ou un centre médical spécialisé: un montant maximal de 15 $ pourra être facturé au patient pour un prélèvement sanguin. Pour tout autre échantillon biologique, cette somme ne pourra excéder 5 $.

Cela ne vise pas les soins esthétiques ou la chirurgie réfractaire au laser pour les yeux, qui ne sont pas des soins requis sur le plan médical au sens de la loi.

Selon le ministre de la Santé, les médecins doivent assumer les coûts des frais accessoires parce que le rattrapage salarial avec les autres provinces a été réalisé, et parce que leurs collègues ailleurs au Canada ne facturent pas ces frais.

«Il est tout à fait légitime que la rémunération (des médecins) permette de couvrir les faibles coûts associés à ces actes-là», a-t-il déclaré, en assurant qu’aucune compensation financière ne leur sera versée.

La FMSQ a évalué à 65 millions $ les frais accessoires facturés par ses membres chaque année, la FMOQ à 18 millions $, alors que le prix coûtant de ces produits et services est estimé à 10-13 millions $ au total par la Régie de l’assurance maladie (RAMQ), a affirmé M. Barrette.

«Il est clair qu’il y avait un côté extrêmement lucratif. Je vois mal un médecin nous dire que ce n’était pas lucratif. Ça ne se peut pas. C’est une marge de profit que bien des industriels voudraient avoir. Si Bombardier pouvait vendre ses avions 10 fois le prix, le Québec avec les taxes et impôts qu’il recevrait serait très riche.»

Il lui apparaît donc «très raisonnable» de demander aux médecins d’absorber les 10-13 millions $ dans leur enveloppe globale de 7 milliards $ de rémunération.

Selon lui, les médecins feraient preuve de «mauvaise foi» en refusant d’obtempérer, et qui plus est, ils s’exposeraient aux sanctions de la RAMQ.

En entrevue à Radio-Canada, le président de la FMOQ, Louis Godin, a dit que ses membres allaient tenter de «trouver des aménagements», mais il a contesté la prétention selon laquelle le rattrapage salarial a été effectué.

Pour sa part, l’opposition officielle crie victoire. La porte-parole du Parti québécois en matière de santé, Diane Lamarre, a soutenu que le ministre avait été contraint de reculer par la pression des partis et de nombreux groupes puisque, à l’origine, il ne souhaitait qu’encadrer les frais accessoires avec son projet de loi 20.

«Pour ce qui est de garantir l’équité de notre assurance maladie, je pense que je peux dire mission accomplie», a-t-elle déclaré dans un point de presse. Elle redoute toutefois que le ministre indemnise les médecins dans les prochaines négociations sur leur rémunération et exige la mise sur pied d’un comité indépendant pour surveiller les pourparlers.

Le député de Québec solidaire Amir Khadir a réagi en disant que M. Barrette n’avait pas eu d’autre choix que d’agir ainsi.

«C’est une bonne annonce, c’est une bonne nouvelle. Mais je dirais, enfin, M. Barrette s’est rendu à la raison», a-t-il dit en entrevue.

M. Khadir a qualifié les coûts additionnels de «proprement scandaleux».

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.