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Bois d'oeuvre: vers un nouveau conflit Canada-ÉU

Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — À quelques heures de l’échéance de l’entente canado-américaine sur le bois d’oeuvre, Ottawa et Washington se dirigent tout droit vers un nouveau conflit commercial.

Les deux gouvernements sont néanmoins déterminés à poursuivre les négociations «malgré l’échéance du moratoire», selon une déclaration commune transmise mercredi par Affaires mondiales Canada.

Le Canada et les États-Unis sont «déterminés à poursuivre les négociations afin d’en arriver à une solution durable et équitable», ont assuré la ministre canadienne du Commerce international, Chrystia Freeland, et son homologue américain, Michael Froman.

Le gouvernement de Justin Trudeau répète depuis des semaines que l’objectif, pour le Canada, est d’obtenir un bon accord, et pas n’importe lequel.

Mais les discours protectionnistes qui sont véhiculés ces jours-ci par les deux candidats à la présidence des États-Unis rendent une tâche déjà difficile encore plus complexe, a souvent fait remarquer la ministre Freeland au cours des dernières semaines.

«Le climat protectionniste chez nos voisins américains complique toute négociation commerciale incluant celle-ci», et par conséquent, «à l’heure actuelle, l’industrie américaine n’est pas au rendez-vous», a précisé mercredi Alex Lawrence, l’attaché de presse de la ministre.

L’accord sur le bois d’oeuvre résineux vient à échéance mercredi, à 23 h 59.

Selon le ministère du Commerce international, l’expiration de l’accord ne signifie pas une imposition instantanée de pénalités — cela ne surviendrait pas avant plusieurs mois, a-t-on indiqué.

Et si des droits finissaient par être imposés, le Canada serait prêt à se défendre devant les tribunaux. «À travers leurs décisions, les instances internationales ont toujours donné raison à nos producteurs et travailleurs forestiers», a précisé mercredi Alex Lawrence dans un courriel.

À la suite de l’expiration de l’entente précédente, en 1996, le département américain du Commerce avait imposé un droit de 32 pour cent sur le bois canadien, qui avait été ensuite réduit à environ 27 pour cent en 2002.

Il était resté à ce niveau jusqu’à la conclusion d’une nouvelle entente, en 2006.

La confirmation de ce nouveau blocage, une décennie plus tard, n’étonne guère le président et directeur général du Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ), André Tremblay.

Et si la situation est particulièrement corsée cette fois-ci, c’est parce que le rapport de force de l’industrie forestière américaine est amplifié par le «vent protectionniste» qui souffle au sud de la frontière, selon lui.

«Ils veulent aller chercher des concessions importantes de l’industrie canadienne, a-t-il résumé en entrevue téléphonique. Ils ont le gros bout du bâton, et ils l’utilisent.»

Le lobby américain du bois d’oeuvre a confirmé dès mercredi son intention d’entamer des procédures qui pourraient mener à l’imposition de droits compensateurs.

La Coalition américaine du bois a prévenu que de telles mesures s’imposaient face aux «importations déloyales» de bois d’oeuvre résineux en provenance du Canada.

Les avocats du CIFQ s’attendent à l’imposition d’une taxe «de 20 à 25 pour cent à compter du mois de mars 2017», a indiqué André Tremblay.

Cela serait insoutenable pour l’industrie forestière canadienne — et Ottawa devra voler à son secours pour éviter des fermetures de scieries.

«On évalue que pour le Québec seulement, c’est à peu près 250 millions $ sur une base annuelle que ces taxes-là pourraient représenter», a soutenu André Tremblay.

Cet «échec» du gouvernement libéral à conclure une entente avec son partenaire américain pourrait mettre en péril 22 000 emplois au pays, selon le Nouveau Parti démocratique (NPD).

La députée néo-démocrate Tracey Ramsey a exhorté les libéraux à lever le voile sur les mesures qu’il prévoit prendre afin de soutenir l’industrie canadienne.

De leur côté, les conservateurs ont soutenu que «la négociation d’un nouvel accord sur le bois d’oeuvre n’a jamais été une priorité pour ce gouvernement».

«Dire que c’était un accord difficile à négocier est une pauvre excuse à offrir aux familles qui vont perdre leur gagne-pain», a déclaré dans un communiqué le député Randy Hoback.

Les libéraux refusent de porter le blâme, et le retournent à l’expéditeur.

«Le gouvernement précédent a laissé expirer l’entente sur le bois d’œuvre sans avoir amorcé des négociations pour la renouveler», a regretté Mme Freeland par voie de communiqué.

Les représentants canadiens et américains poursuivront leurs rencontres à Washington cette semaine, a précisé Affaires mondiales Canada.

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