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Musique: un expert recommande de taxer les fournisseurs de télécommunications

Closeup od woman setting the music playlist for the workout Photo: Getty Images/iStockphoto
Vicky Fragasso-Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Alors que l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) s’inquiète de l’impact des sites d’écoute en ligne sur les producteurs et les artistes québécois, un expert suggère au gouvernement fédéral d’imposer une taxe aux fournisseurs de services de télécommunications, où repose un «gisement d’argent».

Comme partout dans le monde, les Québécois semblent se tourner de plus en plus vers les sites d’écoute de musique en ligne, dont les frais d’abonnement sont relativement bas pour l’accès à une imposante bibliothèque de chansons.

Il n’existe pas de données pour évaluer le nombre d’abonnés à ces plateformes sur le territoire québécois, mais selon les derniers chiffres du Conseil de radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, 20 pour cent des Canadiens écoutaient de la musique sur ces plateformes en 2015, ce qui représente une augmentation de 2 pour cent par rapport à l’année précédente.

En revanche, les Québécois sont de moins en moins enclins à acheter des albums et encore moins ceux des artistes québécois. Dans un rapport publié en mars dernier, l’ADISQ rapportait une 11e baisse consécutive de la vente d’albums physiques dans la province en 2015. La vente d’albums numériques avait également diminué.

Selon Claude Martin, professeur honoraire à l’Université de Montréal spécialisé dans les industries culturelles, les consommateurs paient volontiers pour le «tuyau» — les services de télécommunications — mais ils n’ont plus d’argent pour le contenu lui-même.

M. Martin rappelle que plus de 50 pour cent des produits consommés sur le web sont des produits culturels — «et de loin».

Avec une nouvelle taxe, Ottawa pourrait se constituer un fonds pour aider les producteurs et les artistes «comme c’est le cas dans tous les autres domaines». Il cite en exemple les émissions de télévision qui sont conçues avec l’aide de montants prélevés aux câblodistributeurs, aux distributeurs par protocole internet et aux distributeurs par satellite — ils versent environ 5 pour cent de leurs revenus annuels découlant de la radiodiffusion à la création et à la production d’émissions canadiennes.

Selon lui, l’imposition de cette taxe est «la seule voie de sortie», à court terme du moins.

La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, qui était en visite à Montréal vendredi pour mener des consultations en vue d’élaborer une nouvelle politique sur le numérique, semblait peu enthousiaste à l’idée d’imposer une taxe aux fournisseurs ou aux entreprises étrangères exploitant ces sites.

Elle a toutefois précisé que toutes les options étaient sur la table.

«On est en train d’étudier tous les scénarios. En même temps, je vous rappelle que comme gouvernement, on a un impact sur le territoire. Les entreprises ont un siège social. Mon grand défi, c’est comment développer une politique culturelle pertinente, en tenant compte des enjeux d’extraterritorialité des lois», a-t-elle expliqué.

Mme Joly n’a pas voulu s’avancer sur les solutions précises qui pourraient être envisagées par le gouvernement, qui devrait «bouger» sur la question dès 2017, a-t-elle indiqué.

L’option de la taxe a été également critiquée par Michael Gest, de la Chaire de recherche du Canada en droit d’internet et du commerce électronique, qui a récemment témoigné devant le comité permanent du Patrimoine canadien.

«Cela équivaudrait à (imposer) une taxe numérique sur tout, ce qui rendrait plus dispendieux l’accès à internet pour les Canadiens et ce qui accroîtrait les inégalités sur le numérique», a-t-il expliqué lors de son témoignage en anglais.

Selon le professeur Claude Martin, le CRTC devrait aussi s’impliquer: «Il pourrait admettre idéologiquement que de réglementer l’internet, ce n’est pas une horreur».

En vertu de l’Ordonnance d’exemption relative aux entreprises de radiodiffusion de médias numériques, les nouveaux médias ne sont pas soumis aux règles du CRTC.

«Pour certains romantiques, on ne doit pas réglementer ça, parce que c’est la liberté absolue. Mais pensez donc à l’argent qui circule là-dedans», a soutenu M. Martin.

Les Canadiens semblent réfractaires à cette idée, mais les Québécois le sont moins. Selon un récent sondage mené par la firme Angus Reid, 56 pour cent des Canadiens s’opposeraient à réglementer les médias en ligne, mais 58 pour cent des Québécois seraient en faveur d’imposer les mêmes mesures qui touchent les médias traditionnels.

L’ADISQ dresse toutefois une conclusion sans équivoque quant à la rentabilité de ces services en ligne pour les producteurs et les artistes du Québec. «Les services étrangers de musique en diffusion continue disponibles au Canada mettent très peu en valeur le contenu canadien, ne laissant entrevoir que de faibles retombées pour les artistes canadiens», est-il écrit dans son rapport.

«En conséquence, pour l’instant, ces bouleversements ont engendré des pertes pour l’industrie, malgré l’innovation et l’audace dont font preuve les producteurs d’ici», ajoute l’ADISQ.

Claude Martin ne recommande pas nécessairement aux artistes de se retirer de ces sites, qui peuvent leur offrir une certaine visibilité. «Mais il faut qu’ils développent des stratégies qui ne dépendent pas (des albums): les spectacles, par exemple», a-t-il conclu.

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