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Les analystes politiques avaient sous-estimé Trump

U.S. President-elect Donald Trump smiles as he arrives to speak at an election night rally, early Wednesday, Nov. 9, 2016, in New York. Trump's election has small business advocates expecting changes in government policy on issues like health care and the environment. But they’re concerned that gridlock will continue in Washington even though there will be a Republican president and a Congress that looks to be GOP-dominated. (AP Photo/ Evan Vucci) Photo: AP
Vicky Fragasso-Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Les sondeurs n’ont pas été les seuls à se tromper dans leurs pronostics sur la campagne aux États-Unis. Les analystes politiques dans les médias n’avaient aussi pas vu venir ce vent favorable à l’égard du candidat républicain Donald Trump, qui a été élu président mardi dernier.

En consultant les analyses des experts dans les différents médias, la victoire de Hillary Clinton était assurée depuis belle lurette. Le fameux enregistrement audio dans lequel on entendait Donald Trump proférer des propos vulgaires et misogynes semblait avoir sonné le glas du clan républicain. D’autant plus que lors des débats, Mme Clinton avait assuré une performance jugée satisfaisante par les analystes.

Ainsi, pourquoi une bonne partie des experts n’avaient-ils pas vu venir la victoire de Donald Trump malgré tous ces déboires? Plusieurs hypothèses sont évoquées.

Jean-François Godbout, professeur de science politique à l’Université de Montréal, avance que Donald Trump n’a pas fait une campagne traditionnelle sur le ton et sur la stratégie, ce qui peut avoir «brouillé les cartes».

M. Trump ne s’adressait pas à «l’électeur médian» — une théorie en science politique qui consiste à se placer au centre de l’échiquier politique pour rejoindre le plus d’électeurs possible.

Donald Trump a multiplié les déclarations incendiaires pendant la campagne à la présidence et loin de se placer au centre après la course aux primaires comme c’est la tradition, le milliardaire a raffermi ses positions aux extrêmes qui lui attiraient tant de critiques. En fait, c’est Hillary Clinton qui était la candidate du centre.

«C’est une campagne que je n’aurais recommandée à personne en mille ans pour devenir président. Mais la campagne a été un succès. Trouvez l’erreur. L’erreur, c’est l’idée préconçue des politologues et des théories existantes de l’électeur-médian», a-t-il indiqué.

«On fait campagne à dose extrême pendant les primaires, on se rapproche du centre pour les élections générales, ç’a toujours été comme ça depuis les années 1950. Lui, il a réussi à remporter la majorité en s’éloignant du centre», a-t-il poursuivi.

Par ailleurs, habituellement, les candidats font campagne dans des États clés et ils ne perdent pas leur temps dans d’autres régions qui sont acquises à leur adversaire.

«Il est allé faire campagne au Michigan, au Minnesota; des États du ‘rust belt’. Je ne sais pas si c’était son plan à lui…mais il s’est dit: ‘il y a des électeurs qui sont aliénés économiquement que je peux aller mobiliser’», a-t-il soutenu.

Les analystes avaient donc probablement sous-estimé le succès de M. Trump dans ces États, dont le Wisconsin, où Mme Clinton n’a pas mis les pieds lors de la campagne.

Thierry Giasson, professeur de communication politique à l’Université Laval, croit aussi que la couverture médiatique elle-même laissait croire que Mme Clinton était en avance et que M.Trump était condamné à perdre.

Selon les compilations de l’American Presidency Project, organisme sans but lucratif chapeauté par l’université de la Californie, la démocrate avait reçu l’appui de 55 des 100 plus grands journaux au pays, contre seulement deux pour le républicain.

«Il y a eu cette impression, je pense, dans les médias que la campagne d’Hillary Clinton allait bien. L’élite intellectuelle médiatique appuyait cette candidate-là», a-t-il expliqué.

M. Giasson dit avoir eu des «appréhensions» sur une possible victoire de M. Trump qui ont peut-être été sous-estimées chez certains experts, notamment en ce qui a trait aux enjeux qu’il abordait et sur la façon dont il parlait aux électeurs.

«Ils ont martelé ces enjeux-là de façon hyper-simpliste. Ils n’ont pas du tout été dans la nuance, ils n’ont pas été dans les explications. M. Trump ne chiffrait jamais rien, il utilisait les adverbes pour quantifier ou qualifier les problématiques», a-t-il précisé.

«Ce sont des arguments hyper-simplistes que des électeurs qui n’ont pas beaucoup d’intérêt pour la politique, qui n’ont pas beaucoup de connaissances pour la politique vont utiliser afin de prendre des décisions. Ça leur sert de raccourci décisionnel», a-t-il ajouté.

Les sondages pointés du doigt

Thierry Giasson croit aussi que les analystes se sont beaucoup trop fiés aux sondages, qui couronnaient presque tous Hillary Clinton.

«Un moment donné, il va falloir que les médias et la population comprennent que les sondages qu’on nous présente ne sont pas fiables. C’est une mesure ponctuelle d’une tendance à un moment donné. Et une tendance dans une population qui n’est pas représentative du reste», a-t-il affirmé.

«C’est la même chose chez nous. On s’est surpris du fait que l’élection (provinciale) de 2012 soit si serrée; que le Parti québécois finisse avec un gouvernement minoritaire. Tout ça, c’est lié à des problèmes de sondage», a-t-il suggéré.

Claire Durand, une experte des sondages, avait pourtant prédit une possible victoire de M. Trump…à l’aide de son analyse des sondages. «Moi, j’attribuais 67 pour cent des indécis à M.Trump et en faisant ça, j’arrivais pile-poil; Mme Clinton à un point devant M. Trump», a-t-elle dit.

La professeur de sociologie à l’Université de Montréal a expliqué que selon ses calculs, à chaque point que perdaient les autres candidats des tiers partis, c’est le candidat républicain qui empochait.

«En novembre, l’estimation était encore que les petits candidats auraient huit pour cent. Ils ont eu cinq pour cent au final. Ces trois points-là sont allés à M. Trump», a-t-elle dit.

«Tout le long du mois d’octobre, Mme Clinton a complètement plafonné, et M.Trump continuait à monter, mais il montait au fur et à mesure que les autres candidats descendaient», a-t-elle conclu.

Quoi qu’il en soit, tous les experts interrogés s’entendent sur le fait que les sondages se sont trompés cette fois-ci, surtout sur l’échantillonnage.

«Ça fait quatre, cinq ans que les sondeurs se fient sur des échantillons pas très sérieux. Dans les sondages par internet il y a des échantillons de volontaires, dans les sondages téléphoniques, les taux de réponse sont en bas de 10 pour cent, on fait des sondages à la grandeur de 1000 personnes, ce n’est pas énorme», a souligné Mme Durand.

D’ailleurs, Jean-François Godbout estime que les sites de projection tels que «FiveThirtyEight» devraient ouvrir leurs livres. «Ce sont des algorithmes un peu secrets, on ne sait pas trop comment ils font la sauce et on arrive avec des prédictions», a-t-il affirmé.

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