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Cuba: la visite de Trudeau risque d’être assombrie

Prime Minister Justin Trudeau speaks at the official reopening of the Veterans Affairs office in Sydney, N.S. on Thursday, November 10, 2016. Closed under the previous government as a cost-saving measure, the Veterans Affairs office will employ 15 people and serve approximately 2200 veterans in the region. THE CANADIAN PRESS/Darren Calabrese Photo: THE CANADIAN PRESS
Jordan Press, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Des relents de la guerre froide hanteront le passage du premier ministre canadien Justin Trudeau à Cuba, la semaine prochaine

Le réchauffement des relations entre Cuba et les États-Unis pourrait prendre fin abruptement l’année prochaine, lorsque Donald Trump deviendra officiellement président avec un Congrès entièrement contrôlé par le Parti républicain, qui s’est engagé à renouveler les sanctions contre l’île communiste et à annuler le rétablissement des liens diplomatiques entre les deux pays.

Le premier ministre envisageait de se rendre à Cuba pour aider les entreprises canadiennes à faire leur place en présence du géant américain. Mais M. Trudeau fera maintenant face à un pays hésitant à l’idée de resserrer ses liens avec les États-Unis, selon des experts.

L’armée cubaine amorce cinq jours d’entraînement militaire seulement quelques heures avant l’arrivée du premier ministre à La Havane. L’armée a averti les citoyens qu’ils verraient et entendraient des soldats, des avions et même des explosions «où ce sera requis» partout au pays.

C’est la première fois en trois ans que ces exercices, instaurés lors de la présidence de Ronald Reagan en 1980, se dérouleront.

L’annonce publiée dans le quotidien communiste Granma explique que l’armée a besoin de «répondre à différentes actions des ennemis» — faisant référence aux États-Unis.

«L’élection pourrait potentiellement donner du poids à ceux qui n’étaient pas nécessairement ouverts, dans le gouvernement cubain, à ce rapprochement», a analysé Karen Dubinsky, une spécialiste des relations canado-cubaines à l’Université Queen’s, à Kingston, en Ontario.

«Tout le monde retombe dans les ornières de la guerre froide qui existaient là-bas depuis 50 ans. C’est vraiment une possibilité des deux côtés», a-t-elle ajouté.

Le court séjour de M.Trudeau à Cuba est le premier arrêt d’une semaine occupée, alors que le premier ministre se rendra en Argentine, avant de se diriger vers le Pérou pour le sommet de la Coopération économique de la zone Asie-Pacifique (APEC).

La visite du dirigeant canadien donnera probablement une impression de stabilité à Cuba, sachant que son plus grand partenaire de l’Amérique veut maintenir des relations normales, selon John Kirk professeur au département d’études espagnoles et latino-américaines à l’Université Dalhousie de Halifax.

Le nom «Trudeau» devrait susciter en soi une réaction chaleureuse à Cuba. Les Cubains se souviennent encore de la visite du père de Justin Trudeau, Pierre Eliott, il y a 40 ans. L’ancien dirigeant cubain, Fidel Castro, était porteur honoraire aux funérailles de Pierre Eliott Trudeau, en 2000.

Le Canada et le Mexique ont été les seuls pays de l’Occident à maintenir leurs liens diplomatiques avec Cuba lorsque les États-Unis ont rompu toutes leurs relations en 1961.

La décision de l’ex-premier ministre John Diefenbacker de se tenir à l’écart de la crise des missiles cubains en 1962, et celle de son successeur, Pierre Eliott Trudeau, de visiter l’île en 1976, a consolidé l’indépendance politique du Canada face aux États-Unis sur la scène mondiale. Pierre Eliott Trudeau était à l’époque le seul dirigeant membre de l’OTAN à visiter Cuba.

Tout a changé lorsque le président américain Barack Obama a annoncé en décembre 2014 le réchauffement des relations entre les deux pays, après des mois de rencontres secrètes avec des représentants cubains — des réunions qui se sont tenues discrètement au Canada.

Carlo Dade, un expert de l’Amérique latine à la Canada West Foundation, estime que la décision de M. Obama constituait une légitimation de la politique étrangère du Canada.

Mais alors que Donald Trump prendra officiellement le relais de Barack Obama en janvier, son héritage est en danger.

M. Trump s’était distingué de ses adversaires dans la course aux primaires lorsqu’il s’était dit en faveur du réchauffement des relations avec Cuba, mais il avait ajouté qu’il aurait négocié une meilleure entente. Or, alors que le jour de l’élection approchait, M. Trump a raffermi sa position.

Quelques jours avant le 8 novembre, il a déclaré lors d’un rassemblement en Floride — qui abrite des centaines de réfugiés cubains — qu’il déchirerait l’accord avec Cuba, sauf s’il obtenait une meilleure entente avec La Havane. Il a dit essentiellement la même chose sur l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

Les républicains qui appuyaient la position de leur candidat devraient approuver ce recul sur les relations avec Cuba, mais on ne sait pas encore si c’est une priorité pour le président désigné. Cuba n’était pas mentionné dans les engagements des 100 premiers jours de Donald Trump.

«Sans une démarche définitive de la part de M. Trump sur Cuba, c’est mieux de continuer comme c’est là, mais d’être préparé à tout», a soutenu Carlo Dade.

Justin Trudeau rencontrera le président cubain Raul Castro, qui a pris les rênes du pays après son frère, Fidel, le dirigeant du pays depuis la révolution communiste de 1959.

Selon l’ambassadeur de Cuba au Canada, il est possible que M. Trudeau s’entretienne également avec Fidel Castro.

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