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La Cour suprême n'est pas souvent divisée

Bruce Cheadle, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — En élisant leur président, les Américains sont aussi très conscients qu’ils choisissent la personne qui nommera de nouveaux juges au sein d’une Cour suprême très polarisée aux États-Unis — un enjeu à peu près absent des élections générales au Canada.

Une analyse récente de tous les arrêts prononcés par la Cour suprême du Canada depuis 16 ans offre des pistes de solution pour expliquer cette différence dans les moeurs politiques: malgré les changements successifs de gouvernements à Ottawa, 60 pour cent des décisions du plus haut tribunal du pays sont prises à une majorité d’au moins sept juges.

Cette étude, menée par le Centre Manning, s’est penchée sur près de 1200 arrêts rendus par la Cour suprême du Canada de janvier 2000 — lorsque Beverley McLachlin a été nommée juge en chef — à juin 2016. Les résultats de l’étude ont été publiés lundi, au 16e anniversaire de la nomination historique de la première femme à ce poste. Ces résultats semblent accréditer la thèse voulant que la Cour suprême canadienne soit moins polarisée que l’américaine.

Depuis la mort du juge conservateur Antonin Scalia, en février, le mécanisme pour lui trouver un remplaçant à la Cour suprême des États-Unis a été miné par la partisanerie. Le Sénat, contrôlé par les républicains, a même refusé de convoquer en audience d’approbation le candidat choisi par le président Barack Obama, le juge fédéral Merrick Garland, laissant plutôt les mains libres au futur président, Donald Trump.

En septembre, au coeur de la campagne électorale présidentielle, M. Trump a publié une «liste définitive» de ses candidats potentiels à la Cour suprême, en prenant soin de préciser que «les libertés que nous chérissons, les valeurs et les principes sur lesquels notre pays a été fondé, sont en péril». Un discours rarement utilisé dans les campagnes électorales canadiennes.

«Au Canada, les juges ne semblent pas s’identifier à des causes en particulier», soutient Carissima Mathen, professeure de droit constitutionnel à l’Université d’Ottawa. «Ils ont plutôt tendance à éviter les étiquettes politiques, contrairement à ce que l’on voit aux États-Unis.»

L’auteure de l’étude du Centre Manning, Portia Proctor, une étudiante de premier cycle à l’Université McGill, a analysé les arrêts, parfois dissidents, des 22 juges qui ont siégé à la Cour suprême au fil des 16 dernières années. Elle n’a pu, par ailleurs, identifier un magistrat particulièrement anticonformiste ou dissident.

Claire L’Heureux-Dubé, qui a pris sa retraite en 2002, et la «nouvelle venue» Suzanne Côté, nommée en décembre 2014, ont été les plus dissidentes de tous — leur nom respectif apparaît dans 13 pour cent des jugements dissidents; le juge Morris Fish, qui a pris sa retraite en 2013, suit derrière avec 12 pour cent de «présence dissidente».

Des 1184 causes examinées, seulement 10 pour cent des arrêts de la Cour suprême du Canada ont été rendus par une majorité d’une seule voix. Par contre, environ 83 pour cent des arrêts ont été prononcés par une marge d’au moins cinq juges; un peu plus du quart des arrêts ont été rendus à l’unanimité des neuf juges.

En comparaison, la proportion de décisions partagées 5-4 en Cour suprême des États-Unis oscille entre 15 et 30 pour cent, selon les époques. Mais paradoxalement, le plus haut tribunal américain, réputé «polarisé», rend davantage de décisions unanimes que la Cour suprême du Canada — environ 40 pour cent d’arrêts en cinq ans, selon une étude récente, contre 27,4 pour cent au Canada.

L’étude du Centre Manning révèle aussi que:

— 35,5 pour cent de toutes les causes examinées par la Cour suprême étaient de nature criminelle, et 26,1 de nature constitutionnelle;

— la Cour a autorisé un appel dans 39,6 pour cent des requêtes, et l’a rejeté dans 53,7 pour cent des cas;

— 87,2 pour cent des demandes d’appel provenaient de cours d’appel provinciales, contre 11,8 pour cent de la Cour d’appel fédérale.

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