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Un Somalien désespéré traverse la frontière à pied

Jonathan Hayward / La Presse Canadienne Photo: Jonathan Hayward
Lauren Krugel, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MINNEAPOLIS — Saciido Shaie a confié que son ami Mohamed Badal semblait particulièrement préoccupé dans les jours ayant précédé sa disparition, et sa traversée de la frontière des États-Unis vers le Canada.

M. Badal, un Somalien ayant parcouru quatre continents en l’espace de quelques mois avant de débarquer aux États-Unis, se préparait à faire appel d’une demande d’asile rejetée lorsque Donald Trump a accédé à la présidence.

«Pendant une semaine entière, il était anxieux, il avait peur», a affirmé Mme Shaie en buvant son thé au Daalo Grill, un restaurant de spécialités de l’est de l’Afrique à Minneapolis, où M. Badal, elle-même et un grand groupe d’amis se tenaient régulièrement.

«Vous pouviez le lire sur son visage.»

La ligne dure de l’administration Trump sur l’immigration a ébranlé bon nombre de gens au sein de la vaste communauté somalienne de la ville du Midwest américain, indépendamment de leur statut, a indiqué Mme Shaie, une militante dans sa communauté.

M. Trump s’en est pris aux nouveaux arrivants somaliens lors d’un rassemblement de campagne à Minneapolis deux jours avant l’élection en novembre, disant que la ville avait «suffisamment souffert» de leur présence. La Somalie figure aussi parmi les sept pays à majorité musulmane ayant fait l’objet d’un décret migratoire imposé soudainement le mois dernier, puis suspendu par les tribunaux.

Mme Shaie a affirmé que son ami, qui avait obtenu l’autorisation de travailler des quarts de travail de nuit dans un entrepôt, craignait d’être arrêté et déporté à tout moment. Selon elle, M. Badal s’inquiétait à l’idée de devoir retourner dans son pays natal aux prises avec un conflit violent.

«On ne peut pas souhaiter retourner en Somalie en ce moment. Il n’y a pas d’opportunités. Il n’y a rien, là, a-t-elle fait valoir. Vous avez des gens dans la vingtaine qui ne sont même jamais allés à l’école», a ajouté Mme Shaie.

Un jour, elle s’est inquiétée de ne pas avoir vu son ami au Daalo Grill depuis un bon moment, et lorsqu’elle a tenté de le joindre au téléphone, elle a constaté que son appareil était déconnecté. Personne dans leur cercle d’amis ne semblait savoir où il pouvait se trouver.

Lorsque M. Badal a finalement renoué contact avec elle, il était rendu à Winnipeg.

«C’est une blague ou quoi? Comment t’es-tu retrouvé là?», s’est-elle rappelé lui avoir dit.

Selon ce qu’il lui a relaté, il a marché pendant des heures dans le froid dans un champ enneigé afin de traverser la frontière du Dakota du Nord jusqu’au Manitoba.

Il a abandonné sa voiture à Minneapolis. Mme Shaie estime que quelqu’un doit l’avoir amené jusqu’à une ville près de la frontière.

Lorsque les autorités canadiennes ont trouvé M. Badal, l’une de ses jambes était enflée par le froid et il n’arrivait pratiquement plus à parler.

«Il m’a dit qu’il avait cru mourir», a dit Mme Shaie, faisant état de leur entretien quelques jours après son entrée au Canada.

M. Badal figure parmi des dizaines de demandeurs d’asile retrouvés dans les prairies enneigées le long de la frontière près de la ville d’Emerson, au Manitoba, ces dernières semaines. La plupart sont originaires de Somalie, du Ghana et d’autres pays africains.

Ce genre de traversées pour éviter les postes frontaliers ne date pas de l’arrivée au pouvoir de M. Trump, mais la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a affirmé que leur nombre avait grimpé ces derniers mois.

Étant donné que M. Badal a été repéré par la police en sol canadien, il peut demeurer au Canada pendant que son statut est évalué.

Mme Shaie a dit que son ami était en bonne santé, et qu’il s’était rendu à Toronto, où il compte de la famille.

Elle aurait souhaité savoir ce qu’il planifiait.

«Je lui aurais dit « tu es fou ». Je ne l’aurais pas laissé partir», a-t-elle soutenu.

«Je lui aurais dit « nous allons trouver une (solution), nous allons défendre ta cause, te trouver quelque chose ». Mais partir pour le Canada, vraiment?»

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