Soutenez

«Personne n'était au courant des abus», plaide Canada Alpin

Ryan Remiorz / La Presse Canadienne Photo: Ryan Remiorz
Stéphanie Marin, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Canada Alpin avait un code d’éthique lorsqu’il avait à son emploi l’ex-entraîneur Bertrand Charest, accusé notamment d’agressions sexuelles sur des skieuses, dont des mineures sous sa responsabilité, mais «ce n’était apparemment pas assez», a déclaré la vice-présidente du conseil d’administration de l’organisme national en entrevue avec La Presse canadienne.

Martha Hall Findlay a confié, jeudi, que d’écouter les témoignages des anciennes skieuses au procès criminel de l’homme maintenant âgé de 51 ans «a été très difficile».

Elle s’est dite «perturbée» que les jeunes athlètes n’aient pas rapporté à l’époque à des responsables de Canada Alpin ce qu’elles ont allégué au procès actuel, soit d’avoir été victimes ou ce dont elles ont été témoin, a déclaré la vice-présidente, une ex-députée fédérale du Parti libéral. Elle est aussi une ancienne skieuse de haut niveau et entraîneure, dont les trois enfants ont aussi fait du sport de compétition.

Elle a souligné à plusieurs reprises avoir de l’admiration pour ces femmes et loue leur courage d’avoir depuis dénoncé.

«Ça nous touche, tout le monde, a-t-elle dit après un long soupir, au sujet des versions des femmes rapportées au procès. Et on a besoin de dire, qu’au moins, que Canada Alpin, à ma connaissance, il n’y a personne qui savait qu’il y avait des abus.»

Mme Hall Findlay l’a répété à plusieurs reprises lors de l’entrevue: personne n’était au courant d’agressions ou de comportements inappropriés de la part de Bertrand Charest avant 1998, lorsque l’organisme en a eu vent et a suspendu l’entraîneur, qui a ensuite démissionné. C’est cette version qui est maintenue par l’organisation depuis le début de l’affaire: elle a ensuite refusé les entrevues, soulignant toutefois collaborer avec la GRC qui menait alors une enquête.

Cette semaine, l’organisme qui gère le ski de compétition a offert des entrevues à quelques médias, alors que le procès criminel tire à sa fin. Bertrand Charest n’y a pas témoigné et aucun jugement n’a encore été rendu. L’homme a été arrêté en 2015.

Mme Hall Findlay n’était toutefois pas au conseil d’administration lorsque les faits se sont produits. Elle en est devenue membre en 2013, puis vice-présidente en 2015. Ceux qui étaient à Canada Alpin en 1998 n’y sont plus, dit-elle. Rien de nouveau n’a ainsi été dévoilé sur la connaissance que pouvaient avoir des dirigeants des gestes de l’ex-entraîneur par des responsables de Canada Alpin à l’époque.

L’organisation a procédé à de nombreux changements depuis 20 ans, a fait valoir la vice-présidente: son code d’éthique — qu’elle qualifie de strict et dont elle est très fière — a été revu à plusieurs reprises, allant même jusqu’à interdire complètement les relations entre les entraîneurs et les athlètes, peu importe leur âge, et même s’ils sont adultes — une interdiction peu commune, où Canada Alpin fait figure de proue. L’organisation est un leader maintenant sur ce plan, dit-elle: «C’est vraiment zéro tolérance».

«Est-ce que le Code d’éthique qu’on avait il y a 20 ans était bon? Apparemment pas assez», ajoute-t-elle.

L’interdiction de relations entraîneurs-athlètes n’est en place que depuis deux ou trois ans, dit Mme Hall Findlay. Les allégations concernant Bertrand Charest sont toutefois connues depuis 1998.

Les contrats et le code d’éthique établissent aussi que tous — entraîneurs, employés, athlètes — ont l’obligation de parler s’ils voient des situations répréhensibles. «Il n’y avait pas ça avant», souligne-t-elle.

Des enquêtes préembauche sont effectuées et des formations sont offertes pour le personnel, les athlètes et leurs familles, pour établir des lignes de communication pour tout le monde. Si les jeunes ne sont pas prêts à parler, il faut que d’autres le fassent.

«On continue à s’assurer maintenant que les athlètes sont protégés et appuyés, dit-elle. C’est ça qui est important.»

«Il est important que tous les sports s’améliorent, ajoute-t-elle. Et on peut toujours s’améliorer.»

Personne n’a rien vu?

Mais comment est-il possible que les nombreuses agressions alléguées — 12 plaignantes ont témoigné et d’autres comportements répréhensibles se sont déroulés devant des témoins — aient pu se produire sans que Canada Alpin n’en ait eu vent?

«Quand ils (les responsables) ont appris, ils ont a agi», a-t-elle répondu.

Quant à savoir pourquoi l’entraîneur n’a pas été renvoyé — au lieu de cela, il a démissionné — Mme Hall Findlay a dit qu’elle ne sait pas pourquoi cela s’est passé de cette façon. Elle a évoqué la possibilité que l’entraîneur ait été suspendu le temps d’une enquête et qu’il ait démissionné quelques jours avant qu’une décision formelle ne soit prise. L’important était «qu’il soit dehors», loin des jeunes, a-t-elle souligné.

Interrogée à savoir si l’organisation était au courant, mais a fermé les yeux parce que Bertrand Charest obtenait d’excellents résultats, elle a répondu: «Je ne peux pas répondre à ça. Je n’ai pas connaissance de ça.»

Canada Alpin a-t-il tenté de décourager les jeunes de porter plainte contre l’entraîneur en faisant valoir la perte possible de commanditaires, comme l’a rapporté une plaignante? «Je ne sais pas si ça a été dit», a-t-elle répondu.

Mme Hall Findlay a aussi semblé vouloir mettre les choses en contexte, parlant d’un environnement compétitif complexe, et d’une culture du sport à l’époque qui faisait en sorte que les gens ne parlaient pas de ces situations et ne dénonçaient pas.

Et ce qu’on a vu avec M. Charest, «cela n’arrive pas seulement dans le ski», a-t-elle aussi dit, en mentionnant le hockey et la natation.

Elle a aussi parlé d’une société où les agressions contre les femmes étaient moins dénoncées à l’époque, se disant heureuse que les femmes le fassent plus maintenant, malgré les difficultés.

——————-

De quoi est accusé Bertrand Charest?

Bertrand Charest n’a pas nié avoir eu des relations sexuelles avec certaines des jeunes skieuses qu’il entraînait, mais soutient que tout était consensuel.

Il fait face à 57 chefs d’accusation, notamment d’agressions sexuelles, envers 12 plaignantes âgées de 12 à 19 ans au moment des faits allégués, durant les années 1990.

L’ex-entraîneur de ski est aussi accusé d’abus de confiance puisqu’il était alors en situation d’autorité face à ses présumées victimes.

Les plaignantes soutiennent que l’accusé les a agressées sexuellement alors qu’il était leur entraîneur avant et pendant son passage au programme de développement de l’équipe féminine de ski au sein de l’organisme national Canada Alpin, de 1996 à 1998.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.