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Marijuana: un test pour la fédération?

Adrian Wyld / La Presse Canadienne Photo: Adrian Wyld

OTTAWA — Certaines provinces craignent que la légalisation de la marijuana bientôt proposée par Ottawa soit un casse-tête pour les législateurs et les policiers.

Cette initiative complexe, promise par les libéraux de Justin Trudeau lors de la campagne électorale de 2015, risque même de devenir une nouvelle pomme de discorde entre Ottawa et certaines provinces. Le gouvernement canadien devrait déposer son projet de loi pendant la semaine du 10 avril.

Le ministre de la Santé du Québec, Gaétan Barrette, a déploré qu’Ottawa ait choisi une date sans en avertir les provinces.

«Le gouvernement fédéral nous balance comme ça, une date, sans nous avertir. On apprend ça par vous», a-t-il dit aux journalistes réunis à l’Assemblée nationale avant la lecture du budget provincial, mardi.

«Ce n’est pas normal qu’un gouvernement national s’adresse à ses partenaires de cette façon-là (…) C’était la même chose sur les transferts en santé. Au gouvernement fédéral, on impose des choses et je trouve que pour un gouvernement qui a souvent le mot respectueux à la bouche, ça pourrait aussi s’exprimer dans les relations fédérales-provinciales», a-t-il ajouté.

Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, dit qu’il «n’est pas fermé du tout» à l’idée de légaliser la marijuana, mais il veut attendre de savoir «quel fardeau va retomber sur les épaules des provinces».

«Il y a plein d’enjeux qui vont être dans le champ d’action des provinces et on ne voudrait pas se faire pousser une gamme de responsabilités très coûteuses et très lourdes», a-t-il indiqué en point de presse.

«Je pense que ce message-là est entendu à Ottawa, voyons le projet de loi et on y reviendra par la suite», a-t-il ajouté.

Une panoplie de lois et règlements

En Saskatchewan, le gouvernement de centre droit de Brad Wall soutient qu’Ottawa n’a proposé absolument rien jusqu’ici pour la mise en place d’une réglementation nationale. On craint à Regina une panoplie de lois et règlements différents, qui seront ensuite très difficiles à faire respecter.

La Saskatchewan se dit préoccupée par les questions de sécurité publique, mais aussi par une explosion des coûts pour faire appliquer la loi — la province s’attend d’ailleurs à ce qu’Ottawa assume la totalité des frais.

«Il y aura des coûts accrus quant à l’application pour protéger (la population) contre les conducteurs affectés par la marijuana, et nous avons indiqué au gouvernement fédéral qu’on s’attend à ce qu’ils paient pour tous les coûts de ces mesures — que ce soit la technologie ou la présence accrue de policiers — ou les deux», a déclaré le gouvernement par communiqué.

Au Manitoba, le gouvernement progressiste-conservateur de Brian Pallister s’attend à de nombreux défis, mais admet qu’il s’y prépare déjà depuis un certain temps par le biais d’études et de consultations.

«Une préoccupation que nous avons, pour laquelle nous avons adopté une approche proactive, est la sécurité publique», a souligné la ministre manitobaine de la Justice, Heather Stefanson.

Le gouvernement manitobain a adopté sa propre loi pour s’attaquer à la conduite avec facultés affaiblies afin de se préparer à la loi fédérale.

Bruce Linton, président directeur général du plus important producteur de marijuana au pays, Canopy Growth, estime que l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et l’Alberta semblent toutes prêtes à entrer de plain-pied dans cette nouvelle ère.

«Elles redoublent d’efforts. Nous avons rencontré plusieurs représentants des provinces pendant une demi-année», a-t-il relaté en entrevue.

Des systèmes variés seront utilisés dans les provinces pour élaborer leur propre processus de distribution, selon lui.

David Coletto, président et chef de la direction de la firme de sondages Abacus Data, estime que l’un des risques politiques les plus importants pour le gouvernement libéral est que la distribution pourrait se dérouler bien différemment selon les régions du pays.

«Si vous êtes un électeur qui vit en Alberta, où on n’a pas de régie des alcools, est-ce qu’ils vont créer une société de la Couronne pour s’occuper de la marijuana?», a-t-il demandé.

Pour ce qui est du message que le gouvernement veut véhiculer, M. Coletto souligne qu’il doit être clair sur ce qu’il veut dire par «consommation responsable».

«Il y a beaucoup d’inconnus sur la réaction de la société face à cela», a-t-il souligné.

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