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Salaires de Bombardier: Québec et Ottawa ferment les yeux

Julien Arsenault, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Bien qu’ils aient aidé financièrement Bombardier, les gouvernements Couillard et Trudeau n’ont pas l’intention d’exiger que la multinationale se penche sur sa politique de rémunération.

Plusieurs ont jugé que le montant global de 32,6 millions $ US — en hausse de 50 pour cent sur un an — octroyé aux six plus hauts dirigeants du constructeur d’avions et de trains était indécent, alors que Québec a injecté 1,3 milliard $ dans la CSeries et que le gouvernement Trudeau vient de consentir un prêt de 372,5 millions $.

De plus, d’ici la fin de 2018, Bombardier devrait avoir éliminé quelque 14 500 postes à travers le monde dans le cadre de son plan de redressement.

De passage à Brampton, en Ontario, jeudi, le premier ministre Justin Trudeau ne s’est pas offusqué des augmentations vertigineuses de salaires des dirigeants de la société québécoise.

«Les investissements effectués par le Canada dans Bombardier, ce sont des prêts à long terme pour assurer la réussite de la CSeries et d’autres avions», a-t-il répondu.

À l’Assemblée nationale, le premier ministre Philippe Couillard s’est bien gardé de condamner Bombardier, en affirmant que «fondamentalement, c’est une question qui regarde l’entreprise et ses actionnaires».

Cependant, il a reconnu que du point de vue des travailleurs, on peut se demander si «le moment est bien choisi» et si «le message est bien choisi».

De son côté, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), qui détient 30 pour cent de Bombardier Transport et environ 47,6 millions d’actions de l’entreprise, n’a pas directement commenté les augmentations de salaires, mais a néanmoins souligné l’importance du «lien entre la performance et la rémunération».

«C’est le cas pour toutes les entreprises dans lesquelles nous investissons, dont Bombardier, a affirmé le directeur principal des relations avec les médias de la CDPQ, Maxime Chagnon. Nous analysons en profondeur la circulaire de sollicitation envoyée aux actionnaires.»

Le bas de laine des Québécois n’a pas voulu dire s’il comptait appuyer ou non la politique de rémunération de Bombardier lors de l’assemblée annuelle des actionnaires qui se tiendra le 11 mai à Dorval. L’an dernier, la Caisse s’était toutefois prononcée en faveur de l’approche de l’entreprise dans ce dossier.

D’autres importants investisseurs de Bombardier n’ont pas répondu aux questions de La Presse canadienne envoyées par courriel.

La veille, l’avionneur montréalais avait justifié les augmentations salaires en rappelant que ses dirigeants avaient atteint certains objectifs fixés par le conseil d’administration. De plus, certains patrons avaient été embauchés à des moments différents en 2015, ce qui fait en sorte qu’ils n’ont pas été rémunérés pour l’ensemble de l’année.

D’autres critiques

Si elle s’est montrée plus critique, la ministre québécoise de l’Économie, Dominique Anglade, n’est pas allée jusqu’à s’engager à sévir.

«Si j’étais Bombardier, je réfléchirais au message que j’envoie à la population aujourd’hui, a-t-elle dit à la période de questions à l’Assemblée nationale. Je peux comprendre que les gens soient mécontents et choqués.»

Le Parti québécois et la Coalition avenir Québec (CAQ) ont été beaucoup plus véhéments. Les grands patrons de Bombardier ont peut-être tiré l’entreprise du pétrin, mais c’est grâce aux 1,3 milliard $ investis par Québec et ils ne devraient pas être ainsi récompensés, a conclu le chef péquiste Jean-François Lisée.

«C’est une gifle aux Québécois, a-t-il dit. J’espère qu’un actionnaire important de Bombardier, c’est-à-dire le gouvernement du Québec, va demander le retrait de ces augmentations», a-t-il dit.

Le chef caquiste François Legault n’a pas été plus tendre envers Pierre Beaudoin, le président du conseil, et le chef de la direction Alain Bellemare.

«Sept millions de dollars canadiens pour quelqu’un qui est au conseil d’administration, là, ça n’a pas de bon sens. Maintenant, 13 millions de dollars canadiens pour M. Bellemare, c’est exagéré, très exagéré, a-t-il lancé. Écoutez, ce sont ces dirigeants-là, Pierre Beaudoin et M. Bellemare, qui ont amené Bombardier presque au bord de la faillite.»

Pour sa part, le député Amir Khadir, de Québec solidaire, a qualifié le traitement de la direction de Bombardier d’«absolument scandaleux». Il se désole que personne au gouvernement ne puisse bloquer cette hausse, parce qu’il a investi dans la CSeries et non dans la société-mère.

Finalement, l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale a préféré réserver ses commentaires, affirmant que ces hausses de salaires allaient «nourrir» son «argumentaire qui servira sur les différentes tables de négociations avec Bombardier».

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