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Fonds secret: la SQ avait les pleins pouvoirs

Pierre Saint-Arnaud, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — C’est en 1975 que le Conseil du Trésor a alloué les premiers fonds secrets à la Sûreté du Québec (SQ), mais elle en a cédé le plein contrôle à son directeur général à compter du mois d’octobre 1995, alors qu’au préalable, toute dépense excédant 5000 $ devait aussi être approuvée par le sous-ministre de la Sécurité publique.

La greffière du Secrétariat du Conseil du Trésor, Me Marie-Claude Rioux, est venue présenter mercredi, au procès de trois ex-hauts dirigeants de la SQ, l’historique des fonds secrets du corps policier.

L’ex-directeur général de la SQ, Richard Deschesnes, de même que Steven Chabot, l’ancien directeur adjoint aux enquêtes criminelles et Alfred Tremblay, ex-inspecteur aux renseignements de sécurité, sont accusés de fraude, vol et abus de confiance.

La poursuite allègue que M. Deschesnes aurait illégalement autorisé le versement aux policiers Chabot et Tremblay d’indemnités de départ de 167 931 $ et de 79 877 $ respectivement, puisées dans un fonds secret dédié aux opérations policières et qui sert notamment à rémunérer des informateurs. Ces policiers n’avaient pas droit à une telle indemnité.

Me Rioux a expliqué que le premier fonds secret, créé en 1975, s’élevait à 250 000 $. Il s’agissait d’une mesure exceptionnelle permettant à la SQ de dépenser de l’argent de manière complètement confidentielle pour des opérations policières sensibles.

Les pièces justificatives devaient être conservées dans la voûte de la SQ et ainsi échapper au contrôleur des finances afin de ne pas être rendues publiques. À cette époque, toute dépense excédant 3000 $ devait être approuvée par le directeur général et le sous-ministre de la Sécurité publique, un plafond qui avait été porté à 5000 $ une quinzaine d’années plus tard.

Le fonds secret de la SQ a connu une croissance progressive pour atteindre un peu plus de 740 000 $ en 1990, mais la SQ a demandé et obtenu, cette même année, un autre fonds secret de 6 millions $ consacré celui-là spécifiquement à la lutte au crime organisé.

Cependant, en octobre 1995, le directeur général de la Sûreté avait obtenu les pleins pouvoirs pour autoriser les dépenses à partir des fonds secrets et la signature du sous-ministre n’était plus requise.

«C’est une marque de confiance», a déclaré Me Rioux à la Cour. «On lui donne l’autorité, mais avec l’imputabilité qui vient avec», a-t-elle précisé.

Cette confiance s’est élargie au point où on a finalement laissé à la SQ le soin de déterminer elle-même le montant qui serait consacré au fonds secret à partir de ses propres budgets.

Une directive datant du 15 août 2000 présentée en preuve démontre en effet que le montant alloué par le Conseil du Trésor avait été ramené à 5,7 millions $, mais que ce montant pouvait être bonifié au besoin. Les sommes puisées dans ces fonds demeuraient secrètes et leur administration était entièrement gérée à l’interne sans possibilité de vérification de la part du contrôleur des finances.

Après cette date, la SQ n’a plus eu besoin de refaire la demande annuelle pour les fonds secrets auprès du Conseil du Trésor.

«La Sûreté du Québec bénéficiait d’un régime bien spécial pour gérer ses activités d’enquête», a déclaré Me Rioux.

«Au fil du temps, le Conseil du Trésor a lâché de plus en plus de lest pour la SQ (…) On leur octroie un régime vraiment particulier où ils ont plein pouvoir et on s’en remet à eux pour le gérer selon les règles qui avaient été établies», a-t-elle fait valoir, répétant une phrase qui lui est revenue en bouche à quelques reprises: «Qui dit autonomie, dit imputabilité.»

En contre-interrogatoire, la défense a tenté de faire valoir que le directeur général jouissait de la pleine autonomie pour gérer les fonds secrets, mais la haute fonctionnaire a rétorqué que si un directeur général «prend le fonds secret pour des dépenses qui ne relèvent pas des questions de sécurité, il étire son autonomie au point où il ne respecte plus les directives du Conseil du Trésor.»

L’avocate d’Alfred Tremblay, Me Cynthia Lacombe, a tenté de faire dire à Me Rioux qu’un directeur général pouvait ne pas être au courant de ces directives puisque la SQ n’avait plus besoin de faire une demande depuis 2000, mais celle-ci a répondu que le Conseil du Trésor n’avait «jamais répudié que les dépenses secrètes étaient pour les enquêtes»

«C’est votre interprétation?» lui a demandé Me Lacombe.

«C’est aussi celle du Conseil du Trésor», a tranché sa représentante.

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