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Grant: les dispositions anti-scabs s'essoufflent

Lia Lévesque, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Les dispositions anti-briseurs de grève s’essoufflent; leur effet se dilue parce qu’elles ne correspondent plus guère à la réalité du marché du travail d’aujourd’hui, estime le réputé professeur Michel Grant.

À la demande de La Presse canadienne, le Tribunal administratif du travail a fait un relevé des demandes d’ordonnances qu’il a reçues invoquant les dispositions anti-briseurs de grève du Code du travail.

On compte 14 cas pour l’exercice 2016-2017, 15 pour 2015-2016 et neuf pour 2014-2015.

Le nombre a déjà été plus élevé, par exemple 25 en 2003-2004 et 27 en 2004-2005.

Dans les 15 dernières années, le nombre de demandes d’ordonnances reçues concernant les dispositions anti-briseurs de grève a varié de six à 27 par exercice.

Au cours d’une entrevue, le professeur associé en relations du travail à l’Université du Québec à Montréal a confirmé qu’il sentait cet essoufflement. Il l’attribue à trois facteurs.

Il cite d’abord la transformation de la production du travail — le fait qu’on soit de plus en plus appelé à travailler à l’ordinateur, sur la route ou depuis la maison.

Les dispositions anti-briseurs de grève du Code du travail supposent en effet qu’un travailleur de remplacement soit employé dans «l’établissement» de l’employeur. Cette notion avait été invoquée dans la célèbre cause du Journal de Montréal, qui était parvenu à continuer la publication du journal même après que ses employés eurent été mis en lock-out.

«On ne peut pas dire que le Journal de Montréal a contourné les dispositions anti-briseurs de grève pendant le conflit. Les dispositions du Code du travail, au fond, parlent d’un établissement. Mais l’établissement, c’est quoi quand vous ne travaillez plus dans les bureaux?» a illustré le professeur Grant.

«Si on veut retrouver l’esprit et l’intention du législateur en 1977-1978, c’est sûr qu’il faudrait l’amender (le Code du travail). Mais le courant ne va vraiment pas dans ce sens-là. Et le pouvoir, l’influence syndicale a beaucoup diminué par rapport aux années 1970. Malheureusement, on dirait qu’il faut qu’il y ait beaucoup de grèves et beaucoup de mobilisation syndicale pour que le gouvernement bouge», a opiné M. Grant.

Comme deuxième facteur, il rappelle aussi que le recours à des briseurs de grève requiert qu’il y ait conflit de travail. Or, il y a beaucoup moins de conflits aujourd’hui que dans les années 1970, lorsque la loi a été adoptée.

Finalement, il invoque un troisième motif: la transformation du monde du travail, qui veut que la syndicalisation soit en baisse dans le secteur privé.

La «loi anti-scabs» avait été adoptée par le premier gouvernement péquiste de René Lévesque pour calmer un climat de travail tumultueux. Certains conflits ont fait l’histoire, comme ceux de la United Aircraft et de la Robin Hood, marqués par la violence et le vandalisme.

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Quelques cas récents où les dispositions anti-briseurs de grève ont été invoquées:

– Bérubé Chevrolet Cadillac Buick GMC contre le Syndicat national des employés du garage du Québec.

– Zinc Électrolytique du Canada contre la section locale 6486 du Syndicat des métallos (FTQ).

– Le gouvernement du Québec contre Les Avocats et notaires de l’État québécois (LANEQ).

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