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Délais judiciaires: Québec demande un geste concret

Mylène Crête, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Québec continuera de faire pression sur le gouvernement fédéral pour la nomination de nouveaux juges alors que d’autres provinces demanderont d’éliminer les enquêtes préliminaires pour accélérer le processus judiciaire.

Les ministres de la Justice fédéral et provinciaux se réuniront à Gatineau vendredi pour discuter des façons de régler le problème des délais judiciaires.

«Nous avons besoin du gouvernement fédéral comme partenaire», a plaidé la porte-parole de la ministre de la Justice du Québec, Isabelle Marier-St-Onge.

L’Ontario et le Manitoba vont demander à la ministre fédérale Wilson-Raybould de limiter, voire d’éliminer, l’usage d’enquêtes préliminaires lors des procès. Cette étape qui précède parfois celle du procès sert à valider si la preuve est suffisante.

Le Québec convient que cette mesure fait partie de la solution. La ministre Stéphanie Vallée souhaite qu’Ottawa pose un geste concret après de longs mois d’attente en déposant un projet de loi pour modifier le Code criminel.

Ottawa devrait aussi envisager, selon Québec, de reclassifier certaines infractions, donner plus de flexibilité aux juges pour la détermination de la peine, réformer la communication de la preuve, ajouter des présomptions légales et adopter des mesures pour réduire le nombre d’ajournements.

Un électrochoc

Les arrêts de procédures se multiplient depuis l’arrêt Jordan émis par la Cour suprême l’été dernier et les provinces en subissent les contrecoups.

Certains de ces arrêts de procédures ont soulevé l’indignation, comme celui de Sivaloganathan Thanabalasingam qui était accusé d’avoir tué son épouse.

L’arrêt Jordan fixe le délai pour les procès criminels à 18 mois en Cour du Québec et 30 mois en Cour supérieure.

La Cour suprême voulait ainsi s’attaquer à la «culture de complaisance à l’égard des délais» qui s’est installée au fil des ans dans l’appareil judiciaire et qui brime le droit d’un accusé d’être jugé dans un délai raisonnable.

Cet arrêt a eu l’effet d’un électrochoc.

La ministre Wilson-Raybould, critiquée pour sa lenteur à nommer de nouveaux juges, a promis mercredi de pourvoir six postes de juge vacants au Québec «le plus rapidement possible» dans une lettre ouverte au Devoir.

La ministre Vallée soutient plutôt avoir besoin de 14 nouveaux juges en Cour supérieure et deux en Cour d’appel.

Mme Wilson-Raybould a également écrit que l’ajout de juges ne réglera pas entièrement le problème des délais, et qu’il faut un changement de culture au sein système de justice pénal.

La lettre suscite une certaine exaspération au bureau de la ministre Vallée qui estime avoir fait son bout de chemin. Québec a injecté des dizaines de millions de dollars pour désengorger le système et annoncé en octobre un plan d’action pour faire ce changement de culture.

Stéphanie Vallée souhaite qu’Ottawa délie à son tour les cordons de la bourse.

Revoir le système de fond en comble

«C’est véritablement d’une remise en question en profondeur du système de justice pénal dont on a besoin», estime la professeure de droit Marie-Ève Sylvestre, de l’Université d’Ottawa.

Elle espère que la réunion des ministres de la Justice servira à entamer une réflexion sur l’engorgement des tribunaux.

Mme Sylvestre souligne qu’un nombre élevé d’infractions mineures comme le vol à l’étalage, de simples accrochages considérés comme des voies de fait et des bris de conditions congestionnent les salles d’audiences. Du temps précieux qui pourrait être attribué à des causes plus graves de meurtre ou de corruption.

«Imposer une interdiction de consommer à un alcoolique, c’est évidemment une recette pour qu’il revienne devant le tribunal parce qu’il ne sera pas en mesure de se conformer à cette condition-là», explique-t-elle.

Il faut donc arrêter d’utiliser le système de justice pénal comme un système de service social, selon la professeure de droit qui propose de mesures de rechange.

Par exemple, la Cour municipale de Montréal a élaboré une série de programmes sociaux pour répondre aux besoins des personnes les plus vulnérables accusées d’avoir commis une infraction. Des programmes existent, entre autres, pour les itinérants et les personnes souffrant de troubles de santé mentale.

«Il y a beaucoup d’autres avenues que le système de justice criminel qui est souvent vu comme la solution miracle à tous les maux alors qu’il est souvent très mal outillé pour répondre aux problèmes sociaux», conclut-elle.

Une solution à long terme qui, à son avis, devrait aussi être considérée par le gouvernement fédéral et les provinces.

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