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Affaire Lagacé: l’enquêteur croyait que des policiers voulaient nuire au maire

Photo: www.cepcsj.gouv.qc.ca
Lia Lévesque, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — L’enquêteur du SPVM Normand Borduas a rapidement soupçonné que des policiers voulaient «nuire au maire» de Montréal, Denis Coderre, lorsque l’histoire d’un billet de contravention qui lui avait été donné en 2012 s’était retrouvée dans les médias.

Et il y a vu, aussi, un lien possible avec les problèmes de relations de travail entre la Ville de Montréal et la Fraternité des policiers et policières. Les deux parties s’affrontent notamment sur la question du régime de retraite et les policiers ont recours à des moyens de pression à cet effet.

Le policier, qui était alors à la Direction des enquêtes internes du Service de police de la ville de Montréal (SPVM), a commencé son témoignage, lundi, devant la commission d’enquête sur les sources journalistiques, qui reprenait ainsi ses travaux après un ajournement d’un mois.

La Commission Chamberland a donc commencé à analyser dans quelles circonstances les registres des appels entrants et sortants du chroniqueur Patrick Lagacé, de La Presse, ont été obtenus et pourquoi.

L’enquêteur Borduas enquêtait donc à compter de janvier 2015 sur ce qui pouvait être à ses yeux deux infractions: un abus de confiance et un accès non autorisé au système d’un ordinateur.

À l’origine de son enquête, il y avait eu une dénonciation faite par des policiers voulant que «quelqu’un» avait utilisé le système informatique pour retrouver le billet émis contre le maire — d’où l’utilisation à des fins non autorisées d’un ordinateur.

«Dans cet événement-là, la personne a mentionné qu’elle veut aller à la Fraternité des policiers avec ça, pour en faire on ne sait pas trop quoi», a rapporté l’enquêteur Borduas à la Commission d’enquête sur la protection de la confidentialité des sources journalistiques.

De plus, l’enquêteur avait parlé à la policière qui avait émis le constat d’infraction au maire. Elle lui avait révélé qu’elle avait reçu «un appel de quelqu’un qu’elle croit être de l’exécutif de la Fraternité des policiers de Montréal qui cherche à obtenir une copie de ce billet-là». Et elle l’aurait transmis, ne croyant pas mal faire, a rapporté l’enquêteur Borduas.

La policière «nous révèle des faits assez troublants en lien avec des demandes qui lui ont été faites pour obtenir la copie de ce document-là. On sait, rendu à ce moment-là de l’enquête, qu’il y a plusieurs personnes — ou peut-être les mêmes — qui cherchent à obtenir une copie de ce billet-là pour nuire au maire à travers monsieur Lagacé», a résumé l’enquêteur Borduas.

En 2012, l’année avant son accession à la mairie, M. Coderre aurait affirmé à cette policière lui remettant la contravention qu’il serait «son futur boss». C’est ce que révèle par ailleurs le rapport d’enquête dévoilé dans le cadre de la Commission Chamberland.

Le 25 février 2015, M. Borduas a rencontré en entrevue l’émettrice du constat d’infraction à M. Coderre. Celle-ci a relaté les propos du futur maire, disant à ce moment qu’elle ne le connaissait pas.

La policière a informé son patron de l’intervention qui venait de se passer. «Tout le poste a été mis au courant qu’elle avait donné un billet à M. Coderre, parce que la nouvelle a circulé au poste», peut-on lire dans le document.

Le billet du maire s’est donc retrouvé entre les mains d’un tiers — selon lui pour lui nuire ou faire pression sur la négociation entre la Fraternité des policiers et la Ville — d’où le volet abus de confiance de son enquête.

À ses yeux, un tel billet reste un document sérieux, parce qu’il contient des renseignements nominatifs sur un citoyen, en l’occurrence le maire, comme son adresse et son numéro de plaque d’immatriculation.

L’enquêteur a fait état d’échanges qui ont eu lieu à l’époque entre M. Lagacé et l’attachée de presse du maire, Catherine Maurice. Il a soutenu que les allégations à ce sujet de M. Lagacé étaient du «triple, voire du quadruple ouï-dire», parce qu’elles contenaient des «insinuations sur du possible trafic d’influence» concernant ce billet.

Selon le policier Borduas, il ne peut y avoir eu trafic d’influence, puisque le billet a bel et bien été émis contre le maire. La policière n’a donc pas subi de pressions pour s’abstenir de faire quelque chose — ce qui aurait pu être du trafic d’influence, a-t-il témoigné.

C’est par le biais du registre des appels entrants et sortants de M. Lagacé, du 3 au 18 décembre 2014, que l’enquêteur est tombé sur le nom d’un troisième policier, puisque les deux premiers n’avaient pas contacté M. Lagacé.

Et ce troisième policier avait eu des contacts avec un des deux policiers sur lequel l’enquêteur Borduas avait déjà des soupçons, a-t-il indiqué.

Mais finalement, il n’y a eu aucune accusation dans ce dossier, a précisé l’enquêteur.

Une faille

La Commission s’est ensuite penchée sur une autre enquête interne qu’avait menée à l’époque M. Borduas, après qu’un policier, Roger Larivière, eut été aperçu au restaurant avec l’analyste Stéphane Berthomet, que l’on voit souvent dans les médias. Ce sont quatre policiers attablés au même restaurant qui avaient dénoncé la situation, estimant que le policier Larivière paraissait très nerveux.

Il est surtout ressorti de son témoignage que l’enquêteur Borduas s’était fié à des informations provenant d’un informateur soi-disant codé que lui avait transmises son collègue enquêteur Iad Hanna. Or, ces informations se sont ultimement révélées fausses.

Il y avait donc une faille dans le système — qui a été corrigée depuis — qui faisait que les informations qui étaient placées sous scellé n’étaient pas contrevérifiées après coup, si le dossier n’aboutissait pas.

L’enquêteur Borduas poursuivra son témoignage mardi.

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