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Le sort de C-44 entre les mains du Sénat

Mylène Crête, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Le sort d’une mesure phare et controversée du gouvernement Trudeau repose entre les mains d’un Sénat désormais plus indépendant.

Le président de la Chambre haute devra décider si les sénateurs peuvent diviser le projet de loi budgétaire C-44 pour étudier la portion sur la Banque de l’infrastructure séparément.

George Furey a pris l’appel au règlement en délibéré, mercredi soir.

Le sénateur indépendant André Pratte a présenté une motion en ce sens plus tôt mercredi, une procédure rare qui pourrait retarder la création de ce nouvel organisme.

Il estime que ses collègues doivent faire preuve de prudence et éviter d’adopter les dispositions sur la Banque de l’infrastructure de façon précipitée.

«La partie sur la Banque de l’infrastructure soulève de nombreuses questions et inquiétudes auxquelles nous n’avons pas eu de réponses», a-t-il expliqué en entrevue.

Il s’agit d’un nouvel obstacle pour le gouvernement Trudeau qui souhaite adopter ce projet de loi omnibus dans son entièreté avant l’ajournement des travaux le 23 juin.

Le gouvernement veut que la Banque de l’infrastructure soit en activité d’ici la fin de l’année. Il a même déjà affiché le poste de président avant d’obtenir l’aval des parlementaires. Les intéressés ont jusqu’à la fin du mois pour soumettre leur candidature.

«La banque fait partie de notre vaste plan sur les infrastructures pour soutenir les municipalités et les provinces, qui attendent depuis une décennie», a souligné le ministre de l’Infrastructure et des Collectivités, Amarjeet Sohi.

Le gouvernement prévoit injecter 15 milliards $ comptant dans la Banque de l’infrastructure et consentir 20 milliards $ en prêts remboursables dans l’espoir d’attirer les investissements du secteur privé et des grands régimes de retraite dans de grands projets d’infrastructures qui généreront des recettes.

«Je suis pour la Banque de l’infrastructure, mais cependant il y a plusieurs questions relatives au risque pour les fonds publics, sur l’accès à l’information possible sur les projets dans lesquels la banque va investir, sur la protection des juridictions des provinces et sur le modèle de gouvernance aussi», a détaillé le sénateur Pratte.

La division de C-44 permettrait aux sénateurs de résoudre ces questions puisqu’ils pourraient examiner plus longuement la portion du projet de loi sur la Banque de l’infrastructure l’automne prochain et adopter celle sur le budget avant l’ajournement des travaux, le 23 juin.

Sénateurs divisés

Le Sénat est divisé sur C-44.

Dès la présentation de la motion d’André Pratte mercredi soir, le sénateur non affilié Perter Harder a initié un appel au règlement parce qu’il juge que la Chambre haute ne peut pas scinder un projet de loi budgétaire.

Le sénateur indépendant Yuen Pau Woo abonde dans le même sens. «Il y a des questions non résolues, a-t-il reconnu. Mais ce sera à la banque de les régler lors de la mise en oeuvre.»

Plusieurs autres sénateurs ont affirmé ne pas avoir encore décidé s’ils voulaient diviser C-44 ou non ou même s’ils croient que le Sénat a l’autorité pour le faire.

Le sénateur conservateur David Wells compte appuyer la motion d’André Pratte si elle est soumise au vote. «C’est tellement différent de ce qui a été déjà fait que ça exige un examen minutieux de la part du Sénat, mais aussi de la Chambre des communes», a-t-il dit.

Son collègue Claude Carignan est du même avis. «C’est la création d’une institution distincte, nouvelle, qui n’a pas nécessairement un lien avec le budget et qui va gérer 35 milliards $ au minimum, a-t-il précisé. On doit donc s’assurer que les règles qui la gouvernent soient bien établies.»

Le NPD fait pression

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) et le Bloc québécois tentent chacun à leur façon de faire pression sur les sénateurs.

Le NPD incite ses militants à envoyer des courriels aux sénateurs de leur région même si ces sénateurs ne sont pas élus.

«On n’a jamais fait ça en six ans», a reconnu le député Alexandre Boulerice.

«La banque est un changement dramatique dans la façon dont on fait nos infrastructures publiques au Canada, ce n’est pas seulement un élément dans le budget parmi les autres», a-t-il expliqué.

Le Bloc québécois a quant à lui fait parvenir une lettre aux sénateurs québécois pour leur rappeler la motion adoptée récemment à l’unanimité par l’Assemblée nationale exigeant des amendements à C-44 pour s’assurer que la Banque de l’infrastructure soit soumise aux lois du Québec.

«Le projet n’est pas encore adopté, alors qu’ils colmatent la brèche au plus vite parce que c’est un recul important pour nous, avec ça on n’est plus maître chez nous», a soutenu le député bloquiste Gabriel Ste-Marie.

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