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Un vétéran de l’Afghanistan mène une bataille pour son identité sexuelle

Ryan Remiorz Photo: Ryan Remiorz / La Presse Canadienne
Mike Blanchfield, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

Avec son 1,65 mètre et ses 63,5 kg, elle était surnommée «Ti-Gars» pour ses 41 camarades masculins des Forces armées canadiennes. Mais pour leurs alliés afghans, elle était la jolie fille avec qui il était si agréable de flirter.

Le caporal Vincent Lamarre réalise aujourd’hui que les soldats de son contingent se rapprochaient bien plus de la réalité que ce qu’elle pouvait imaginer à l’époque. Elle est depuis devenue un homme.

Le caporal Lamarre se rappelle d’un air amusé les sentiments amoureux qu’elle semblait susciter chez les membres de l’armée afghane.

«Ils étaient vraiment surpris de voir une femme effectuer un travail masculin, explique Vincent Lamarre dans une entrevue à La Presse canadienne. Je trouvais ça drôle au début, mais des fois, je devais leur faire comprendre que je n’étais pas un objet», se souvient-il.

Vincent Lamarre était une femme lorsqu’il a été déployé en 2010 dans la région de Panjwai dans le sud de l’Afghanistan. Tous les deux jours, il conduisait un camion rempli d’essence, de munitions et de nourriture sur une autoroute des plus risquées qui traversait un secteur contrôlé par des combattants islamistes.

Survivre au coeur de l’insurrection talibane offrait à Vincent Lamarre un bref répit de la guerre émotionnelle qui le tenaillait depuis qu’il était âgée de 3 ans. En Afghanistan, il n’avait qu’une étiquette, celle de soldat.

Six ans plus tard, Vincent Lamarre arrive au bout d’une autre longue et difficile route: il a changé de genre pour devenir un homme tout en demeurant au sein des Forces armées canadiennes.

Jeudi, le Sénat a adopté le projet de loi C-16 qui rend illégale toute discrimination fondée sur l’identité et l’expression de genre.

Les planificateurs de politiques pour l’armée espèrent être en mesure de pondre prochainement leur propre politique sur les transgenres pour permettre à des soldats comme Vincent Lamarre d’être bien intégrés dans leurs rangs.

«Nous sommes passés d’une armée qui n’était aucunement tolérante à l’égard de « tout ce qui n’est pas hétérosexuel » à des Forces armées qui sont tolérantes», a déclaré le lieutenant-colonel Pierre Sasseville, directeur — Droits de la personne et diversité, au sein des Forces armées.

«Si vous ne l’acceptez pas, le message est clair: sortez des Forces ou nous allons nous assurer que vous sortiez.»

Vincent Lamarre, âgé de 31 ans, a grandi à Saint-Jean-sur-Richelieu avec son frère et sa soeur. Son père est décédé alors qu’il était âgé de 2 ans. Un an plus tard, lorsque son frère aîné s’est fait circoncire, il demandait à sa mère quand il pourra avoir un pénis, pour qu’il puisse subir la même intervention.

Adolescent, il utilisait le masculin pour se désigner et se faisait reprendre par son entourage. Sa mère lui a alors proposé d’entamer un processus de transition, mais il a toujours répondu par la négative.

Lorsque Vincent Lamarre a annoncé à sa mère, une décennie plus tard, sa décision de changer de sexe, nul besoin de spécifier qu’elle n’était pas surprise.

À son retour d’Afghanistan, le jeune homme a souffert d’un stress lié à son déploiement en plus d’être livré à une bataille intérieure concernant son identité sexuelle.

Le tournant est survenu lors d’un voyage à Cayo Coco à Cuba. Alors qu’il faisait de la plongée, il a été submergé par une vague et n’arrivait plus à respirer. «J’ai eu tellement peur de mourir. Lorsque je suis revenu à la plage, j’ai réalisé que je voulais vivre ma vie et me sentir bien. Alors il fallait que je fasse des gestes immédiatement», se souvient-il.

À la recherche de sa nouvelle identité, Vincent Lamarre a amorcé une thérapie, pris des hormones et subi une mastectomie.

Après avoir rompu avec sa compagne qui ne comprenait pas sa démarche et annoncé la nouvelle à sa famille, le jeune soldat a averti la chaîne de commandement militaire de son changement de sexe.

Il a alors été agréablement surpris: il n’était pas le premier soldat transgenre dans les Forces armées canadiennes.

Pierre Sasseville soutient qu’il n’y a pas de données officielles sur le nombre de transgenres qui travaillent dans l’armée, mais il ajoute que ce nombre doit osciller autour de 200.

L’armée se dit consciente du travail d’éducation et de cohésion qu’elle doit effectuer au sein de ses troupes.

«Ce n’est pas tous les soldats que nous embauchons qui détiennent des doctorats et qui ont voyagé à travers le monde, soutient M. Sasseville. Alors lorsque nous parlons de cohésion, parlons d’éducation de nos soldats, de les rassurer en leur expliquant qu’il n’y a rien de mal là-dedans… la vie continue.»

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