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Explosion mortelle: Bombardier pointé du doigt

Photo: Archives | Josie Desmarais/TC Media
Pierre Saint-Arnaud, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — L’entretien déficient d’un camion-citerne de Bombardier aéronautique a été l’élément déclencheur de la catastrophe qui s’était soldée par la mort d’un homme dans la spectaculaire explosion d’un deuxième camion-citerne sur l’autoroute métropolitaine à Montréal, le 9 août dernier.

Le camion de Bombardier s’était immobilisé en plein centre de la voie rapide surélevée lorsque les freins d’urgence s’étaient activés parce qu’une petite porte verticale s’était entrouverte; les vibrations de la route avaient délogé son verrou qui était usé et dont les boulons étaient mal serrés.

«Si le dispositif avait été adéquatement serré, on n’a pas de déclenchement intempestif, le camion se rend à sa destination finale. Il ne subit pas un arrêt intempestif sur l’autoroute», a expliqué l’inspecteur Alain Lajoie, mercredi, en présentant le rapport d’enquête de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

L’arrêt sur la voie rapide avait provoqué un carambolage impliquant trois autres camions et une voiture. Le dernier de ces véhicules était le camion-citerne de la victime qui avait embouti le camion plate-forme le précédant, entraînant une fuite de sa cargaison de mazout qui s’était enflammée avant que ne survienne la déflagration qui avait envoyé une colonne de flammes et de fumée bien au-dessus des édifices vers le ciel.

Cependant, le camion-citerne de la compagnie Entreprise Gestion Georges et Robert (EGGR), conduit par la victime Gilbert Prince, suivait de beaucoup trop près le poids lourd qu’il a embouti et la CNESST y voit une autre cause expliquant l’accident mortel.

«Notre expertise nous a permis de démontrer qu’on ne pouvait pas immobiliser le camion de la compagnie EGGR avant l’impact. Il n’y avait pas assez de distance. Ça prenait au moins 76 mètres on avait seulement 31 mètres», a expliqué l’autre enquêteur au dossier, Simon Boily.

Quoi qu’il en soit, le rapport d’enquête est dévastateur pour Bombardier puisque son camion-citerne avait subi quatre fois le même problème d’arrêt intempestif les deux seules fois où il avait pris la route dans les mois précédant la tragédie.

Chacun de ces incidents a été causé par le même problème, soit une porte verticale abritant des équipements qui s’ouvrait légèrement avec la vibration de la route parce que le verrou était usé et mal serré, provoquant le déclenchement des freins d’urgence. Pour faire une analogie avec une voiture ordinaire, c’est un peu comme si un frein d’urgence s’actionnait si le coffre de la voiture s’ouvre en cours de route.

De plus, le camion n’était pas muni d’un dispositif de sécurité qui avertit le chauffeur du déclenchement des freins d’urgence et lui permet d’empêcher le frein d’urgence de fonctionner, le temps de trouver la source du problème.

Le camion en question est utilisé pour ravitailler des avions sur la piste. Il ne prenait que très rarement la route pour des réparations ou des inspections.

Mais le 26 janvier 2016, le véhicule s’était arrêté, encore une fois sur l’autoroute métropolitaine, et avait dû être remorqué. Trois jours plus tard, le 29 janvier, il s’était arrêté à trois reprises dont une fois sur la Métropolitaine, mais le chauffeur avait réussi à fermer la porte, dégageant ainsi le frein d’urgence à chaque occasion pour repartir.

Or, Bombardier n’a jamais remédié au problème, disant ne pas avoir été mis au courant de son existence.

«Le chauffeur a remis les clés à quelqu’un chez Bombardier en disant: je viens d’avoir trois pannes, c’est dangereux», a raconté l’inspecteur Lajoie.

«Mais Bombardier nous disent qu’ils ne sont pas capables de retracer cet employé qui a reçu les clés et qu’ils n’étaient pas au courant de ce qui s’était passé.»

L’entreprise avait pourtant reçu une facture pour le remorquage du 26 janvier, mais s’en était remise au rapport du sous-traitant qui faisait l’inspection et l’entretien du véhicule, bien que celui-ci était responsable des composantes touchant la citerne.

Cependant, le rapport de la CNESST note clairement le manque de suivi de Bombardier comme une des causes de l’accident.

Bombardier se défend

Dans les minutes suivant la publication du rapport, Bombardier a diffusé un communiqué, disant avoir «pris la question très au sérieux» et «mis en œuvre des mesures afin d’éviter des incidents de ce genre».

La multinationale affirme qu’«après une première évaluation, il semble que des faits importants liés aux troisième et quatrième causes sont incomplets». Les troisième et quatrième causes sont celles où la CNESST pointe du doigt «l’arrêt intempestif» du camion et «le manque de suivi» de Bombardier.

L’entreprise poursuit en disant qu’elle travaille «en collaboration» avec la CNESST afin «d’obtenir ou de fournir des explications pour assurer la plus grande exactitude des conclusions trouvées».

Les deux inspecteurs se sont toutefois montrés un peu surpris de ces affirmations. «Nous, on a fait avec les informations que Bombardier nous ont données. Pour nous c’était complet. (…) Si Bombardier ont des faits qu’ils ne nous ont pas rapportés, on ne le sait pas», a déclaré Simon Boily.

Son collègue Alain Lajoie est allé plus loin. «Nous avons des témoignages de deux chauffeurs qui nous ont confirmé d’une part avoir informé les gens. On a des reçus qui confirment qu’il y a eu une problématique et on a un témoignage d’un travailleur qui dit avoir remis les clés à un employé de Bombardier», a-t-il tranché.

La Commission n’a pas encore décidé si elle imposera des sanctions dans ce dossier, mais l’avionneur québécois s’expose à une amende pouvant atteindre 65 000 $.

De plus, la Sûreté du Québec a également mené une enquête dans cette affaire et a remis son dossier au Directeur des poursuites criminelles et pénales. Aucune décision n’a encore été prise de ce côté non plus.

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