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Décès d'un enfant signalé à la DPJ: des lacunes

Photo: Archives/Métro
Stéphanie Marin, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — «Des lacunes à toutes les étapes», tranche la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse au terme de son enquête sur le décès d’un bébé, mort moins d’un mois après qu’il eut fait l’objet d’un signalement auprès de la DPJ du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Ces manquements ont eu lieu dans les cabinets des médecins qui l’ont vu, au niveau de la priorisation du dossier par la DPJ quand le signalement a été fait et après, dans la gestion du cas.

«Un mois. Et tout a été manqué», a déclaré en entrevue Camil Picard, vice-président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, responsable du mandat jeunesse.

Il s’agit de l’un des pires dossiers que l’homme ait vu dans sa carrière, en ce qui concerne le traitement d’un cas signalé.

«C’est extrêmement douloureux et triste», a-t-il dit.

La petite victime est décédée en juin 2016, moins d’un mois après avoir fait l’objet d’un signalement à la DPJ (Direction de la protection de la jeunesse).

Le bébé avait à peine plus de 20 mois. La cause de son décès n’est pas encore connue officiellement, le coroner n’ayant pas encore déposé son rapport.

La Commission a reçu le mandat de faire enquête sur ce cas en juillet 2016 à la demande de la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse, Lucie Charlebois.

Plusieurs constats se dégagent de l’enquête effectuée à la suite de cette triste affaire.

D’abord, plusieurs professionnels de la santé ont vu l’enfant, à plus d’une occasion, mais ont omis de le signaler à la DPJ immédiatement, malgré que le fait que «sa situation était préoccupante». On parle ici entre autres de lacérations à une oreille et à la langue. Après le signalement, l’enfant a été vu aussi pour une fracture au fémur: il avait de la difficulté à marcher.

«C’est comme si le réflexe (de signaler) n’avait pas été là», a dit M. Picard.

Pourtant, les médecins ont l’obligation légale de le faire, souligne-t-il. Et puis, ce ne sont pas des blessures légères, commente l’homme. «Il me semble qu’il y a une lumière qui allume.»

Puis, quand le signalement de cet enfant arrive sur le bureau de la DPJ, il n’est pas mis en haut de la pile. Le dossier est alors ouvert pour «négligence éducative» alors que le bébé portait des marques de nombreuses blessures et qu’il aurait dû, selon la Commission, l’être pour «abus physique».

Cela prendra 23 jours avant qu’un premier contact soit fait par la DPJ, a noté la Commission, «malgré la vulnérabilité de l’enfant et la gravité des faits indiqués au signalement».

«Nous sommes certains à la Commission que ça aurait demandé une intervention immédiate (de la DPJ)», quitte à conclure après enquête que les parents n’avaient rien à se reprocher et que l’enfant n’était pas en danger.

Quant à la procédure d’enquête «sur le terrain» qui doit être effectuée par la DPJ dans le milieu de vie de l’enfant, cette dernière a plutôt choisi de donner un rendez-vous aux parents dans son bureau. La mère est venue sans son enfant.

«On a vu une série de mauvaises pratiques», juge M. Picard, qui indique que l’enquête a créé un malaise au sein de ce bureau de la DPJ. Selon lui, la DPJ concernée ne s’est pas défendue en prétendant manquer de personnel ou de ressources.

«Notre système n’a pas été à la hauteur de ce qu’il doit être», a admis en point de presse Martine Couture, présidente et directrice générale du CIUSSS du Saguenay-Lac-Saint-Jean, duquel relève la DPJ.

La Commission a formulé une série de recommandations, notamment la révision des pratiques, la formation du personnel ainsi que le respect des normes et l’obligation d’agir dans les délais prescrits lors d’un code de priorisation 1, particulièrement dans les situations d’enfants de 0 à 5 ans.

La DPJ devra faire rapport à la Commission au plus tard le 1er octobre 2017.

De son côté, la ministre Charlebois a annoncé mardi que toutes les recommandations de la Commission seront mises en application.

«En matière de protection de la jeunesse, nous avons le devoir de nous assurer que toutes les mesures de protection possibles pour assurer la sécurité des enfants sont prises. Malheureusement, nous devons constater que cela ne fut pas le cas, et il s’agit d’une situation très grave et tout à fait inacceptable. C’est pourquoi j’entends m’assurer de la mise en oeuvre de toutes les recommandations formulées», a-t-elle indiqué dans un communiqué.

Il y est aussi précisé que le CIUSSS du Saguenay – Lac-Saint-Jean a mentionné que des changements ont déjà été apportés au cours de la dernière année et que d’autres sont à venir.

La Commission mène également une enquête générale sur l’ensemble des interventions de la DPJ dans la région. Des dizaines de dossiers ont été sélectionnés au hasard et un rapport sera produit à l’automne.

Selon M. Picard, les parents de la victime sont visés par une enquête policière, toujours en cours.

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