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150 ans d’histoire en six documents

Photo: TC Media | Isabelle Bergeron

OTTAWA — Six documents historiques importants sont présentés publiquement pour une rare fois dans le cadre du 150e anniversaire de la Confédération. Bibliothèque et Archives Canada a accepté de les sortir de ses voûtes où ils sont conservés précieusement, pour une exposition présentée à la Bibliothèque du Parlement. De l’Acte de l’Amérique du Nord britannique à la Loi constitutionnelle de 1982, voici six moments-clés de l’histoire canadienne.

Acte de l’Amérique du Nord britannique – 1867
Il s’agit de la copie personnelle de Sir John A. MacDonald, la première personne à occuper le poste de premier ministre fédéral. La copie originale de cette loi qui établit les principes fondateurs du Canada se trouve à Londres. On peut voir une petite note manuscrite en deuxième page du document où MacDonald a écrit en anglais «meaning of union – Canada» qui peut être traduit par «signification d’union – Canada», mais c’est plutôt le contenu qui frappe le bibliothécaire et archiviste du Canada Guy Berthiaume.

«C’était de concrétiser la volonté de respecter et de trouver un compromis entre les deux peuples fondateurs, explique-t-il. C’est un exercice de compromis assez unique parce qu’on aurait pu imaginer une autre façon complètement de concevoir le Canada, comme un pays unitaire avec une langue, et on a soigneusement évité ça.»

Le document crée le Parlement, stipule que les lois canadiennes devront être bilingues et partage les pouvoirs entre le fédéral et les nouvelles provinces du Québec, de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, qu’il crée à partir de trois colonies britanniques.

Premier discours du Trône – 1867
Le premier discours du Trône a été lu deux fois, en anglais et en français, par le premier gouverneur général du Canada, Sir Charles Stanley Monck. L’exposition présente les premières pages des copies anglaise et française qui semblent avoir été écrites par deux greffiers différents. «Le premier discours du Trône invite à prendre de l’expansion vers l’Ouest parce qu’en 1867, il n’y avait que quatre provinces, note Guy Berthiaume. Donc, tout le mouvement d’expansion vers l’Ouest est inscrit dans ce discours.»

Proclamation des Territoires du Nord-Ouest – 1869
Ce document a enflammé les Métis de la rivière Rouge menés à l’époque par Louis Riel. Il officialise la vente au Canada par la Compagnie de la Baie d’Hudson de l’immense Terre de Rupert. Le territoire comprend le Labrador, une partie du Québec et de l’Ontario actuels, le Manitoba, une partie de la Saskatchewan, de l’Alberta, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut. «C’est quand même fascinant que le tiers du pays a été acheté pour 1 million et demi de dollars, remarque Guy Berthiaume. À l’époque, c’était des gros sous.» La rébellion de la rivière Rouge qui s’en est suivie a mené à la création du Manitoba en 1870.

Statut de Westminster – 1931
L’exposition présente une photo du document original qui est conservé à Londres. Ce texte législatif du Parlement britannique concrétise le désir d’autonomie du Canada et d’autres anciennes colonies qui s’est fait sentir après la Première Guerre mondiale. «Le Canada a obtenu son indépendance législative en 1867, mais en matière de politique étrangère tout était encore mené de Londres, comme le choix d’aller en guerre, note Guy Berthiaume. Le Statut de Westminster a donné la possibilité à ces anciennes colonies d’avoir leur propre politique étrangère.» On peut y lire écrit à la main en français «le Roy le veult», signe que cette loi avait obtenu la sanction royale.

Déclaration canadienne des droits – 1960
Il s’agit de la première loi canadienne à protéger les droits et libertés de la personne. Son architecte: le premier ministre progressiste-conservateur John Diefenbaker. «C’était assez révolutionnaire pour l’époque, affirme Guy Berthiaume. C’était dans la foulée des mouvements des droits civiques aux États-Unis, les années Kennedy. Ce sont toutes des choses que l’on tient pour acquises aujourd’hui — l’égalité, le droit à la religion, le droit d’association, le droit de parole, la liberté de la presse — mais de les enchâsser, c’était assez innovateur pour l’époque.»

La calligraphie et l’enluminure, rares de nos jours, attirent l’oeil. «Il y a encore un certain nombre de documents, par exemple les nominations à la Cour suprême, qui sont encore faits par calligraphie, mais il y en a beaucoup moins», souligne Guy Berthiaume.

Loi constitutionnelle de 1982
De toute l’exposition, c’est le document qui contient probablement le plus d’anomalies. Deux copies existent de ce texte controversé signé par le premier ministre Pierre Elliott Trudeau, par la reine Elizabeth II et, fait inhabituel, par Jean Chrétien qui était ministre à l’époque. «La position qu’occupe la signature de Jean Chrétien et le lettrage qui l’a suivie, on voit très bien que ça ne s’intégrait pas au design original, indique Guy Berthiaume. Il a signé en haut, en dessous du mot Proclamation de la Reine. C’est le premier ministre Trudeau qui aurait dit à M. Chrétien qu’il méritait de le signer étant donné qu’il avait aussi travaillé (au rapatriement de la Constitution).» On peut également apercevoir quelques traces de gouttelettes de pluie.

Le document est maintenu dans le noir sauf lorsque l’on appuie sur un bouton, car une exposition prolongée à la lumière pourrait faire disparaître la signature de la reine! «La reine a utilisé sa propre plume et non pas celle qu’on lui tendait, ce qui fait que l’encre n’est pas de qualité indélébile, raconte Guy Berthiaume. Alors, on peut imaginer l’historien du futur tout fier de son coup qui pourrait découvrir que la Constitution n’a même jamais été signée par la reine si le document n’est pas protégé!»

La deuxième copie de la Loi constitutionnelle de 1982 a été endommagée l’année suivante par un étudiant qui y a déversé de la peinture rouge pour protester contre les essais nucléaires. Un geste qui lui a valu une peine d’emprisonnement. Cette copie qui n’a jamais pu être restaurée ne fait pas partie de l’exposition, mais pourrait éventuellement être montrée au grand public dans le cadre d’une exposition sur la contestation.

L’exposition «Textes fondateurs: Les mots qui ont façonné le Canada» peut être vue jusqu’en décembre dans le cadre des visites guidées du Parlement.

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