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Négos du secteur public: un dernier droit difficile

Pierre Saint-Arnaud, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Le casse-tête des négociations entre l’État québécois et ses employés est presque complet, Québec s’étant maintenant entendu avec 96 pour cent de ses syndiqués, mais certains des derniers morceaux pourraient devoir être entrés de force pour ajuster l’ensemble dans le cadre financier prévu par le gouvernement Couillard.

Le président du Conseil du Trésor, Pierre Moreau, a annoncé lundi matin la conclusion d’ententes de principe avec deux syndicats, soit ceux représentant les quelque 400 constables spéciaux et une soixantaine de gardes du corps, ce qui porte à près de 510 000 les syndiqués des secteurs public et parapublic désormais sous contrat.

Juristes: l’impasse

La situation risque toutefois de s’envenimer dans le dossier des 1100 juristes de l’État, où le bras de fer avec l’employeur arrive au point de non-retour.

Les 105 jours de négociation avec un médiateur prévus par la loi spéciale qui a forcé leur retour au travail après quatre mois de grève, en février dernier, sont maintenant écoulés sans que l’on ait réussi à trancher le noeud gordien que représente le régime de négociation.

«Je pense qu’on est rendu pas mal à la fin de nos discussions», a déploré le ministre Moreau, lundi, en faisant le point sur les négociations globales.

Québec continue de manier la stratégie de la carotte et du bâton avec Les avocats et notaires de l’État québécois (LANEQ), répondant favorablement dans son offre finale à leur demande d’obtenir un rattrapage avec les procureurs de la Couronne. Sur le plan monétaire, c’est donc dire que les juristes de l’État ont obtenu l’augmentation de 5,25 pour cent sur cinq ans accordée à l’ensemble des employés de l’État, en plus du rattrapage avec leurs collègues plaideurs en matière criminelle et pénale.

«Comme c’était publiquement la revendication de LANEQ, je voyais la perspective d’un règlement relativement facile. Or, le débat a dévié sur la façon dont les négociations doivent s’établir entre le gouvernement et ses juristes», a dit le ministre Moreau.

Les juristes souhaitent en effet obtenir le même statut d’indépendance que les procureurs, c’est-à-dire de confier à un comité indépendant le soin de déterminer leurs conditions salariales et, de ce côté, Québec offre une fin de non-recevoir catégorique et sans appel.

«Le caractère d’indépendance dont ils se réclament, le gouvernement n’est pas disposé à le reconnaître et, donc, on estime que le droit de gérance s’applique. (…) Le gouvernement n’a pas à sous-traiter son droit de gérance à un tiers qui est non élu et non imputable», a martelé le ministre Moreau, faisant valoir que, contrairement aux procureurs criminalistes, les notaires et avocats de l’État n’ont pas une indépendance décisionnelle mais que c’est toujours le gouvernement qui prend les décisions.

«C’est le gouvernement qui va décider s’il y a une entente hors cour ou si on met fin à un procès ou si on accepte les conditions d’un règlement proposé par la partie adverse. (…) L’avocat peut émettre une opinion mais, comme dans le privé, le client est libre de la suivre ou pas», a-t-il plaidé.

LANEQ est devant un choix difficile: le refus d’accepter l’offre finale du gouvernement ferait en sorte que la loi spéciale continuerait de s’appliquer, de sorte que le rattrapage salarial consenti ne serait plus accordé puisque la législation forçant le retour au travail impose la poursuite des conditions de la dernière convention collective.

«Je serais malheureux de constater que les juristes de l’État acceptent des conditions de travail qui sont moins bonnes que ce que le gouvernement est disposé à leur offrir», a laissé tomber le président du Conseil du Trésor, qui a par ailleurs refusé de placer une date de péremption sur l’offre de son gouvernement.

«Si un jour les gens de LANEQ voulaient discuter de ça, on s’assoira avec eux et on en discutera.»

Ingénieurs: tous les espoirs sont permis

Les nouvelles sont franchement meilleures du côté des ingénieurs, avec qui une rencontre est prévue dès ce mardi.

Pierre Moreau n’a pas caché qu’il se réjouissait de cette décision alors que les syndiqués étaient en droit de déclencher la grève.

Quant aux propos de leurs représentants syndicaux, qui ont laissé savoir que la poursuite des négociations dépendrait «du ton à la table», le ministre a soutenu que les négociateurs gouvernementaux ont «utilisé exactement le même ton à toutes les tables de négociation», tout en apportant la nuance suivante: «il ne faut pas confondre le ton avec la détermination: la détermination du gouvernement, c’est de conduire des négociations respectueuses, mais qui tiennent compte des paramètres du cadre financier du gouvernement du Québec.»

Pierre Moreau a précisé que, là aussi, le gouvernement avait consenti un rattrapage par rapport aux ingénieurs dans le secteur privé, un mouvement amorcé avant même le début des présentes négociations. Le ministre soutient même que dans certains cas, notamment dans le haut de l’échelle salariale, les conditions offertes aux ingénieurs du gouvernement dépassent celles offertes «à certains de leurs collègues du secteur privé».

Le ministre a de plus affirmé qu’«il n’y a ni problème d’attraction, ni problème de rétention» chez les ingénieurs, une question qui a pourtant longtemps été au coeur des litiges entre les deux parties.

Deux règlements

Les constables spéciaux et les gardes du corps, deux groupes d’employés qui ont le statut d’agents de la paix, ont obtenu des hausses salariales qui s’apparentent à celles consenties aux contrôleurs routiers, aux agents des services correctionnels et aux policiers de la Sûreté du Québec.

Bien que les détails des ententes ne seront pas dévoilés avant que les syndiqués n’en aient pris connaissance — d’ici deux semaines pour les agents de la paix et à la mi-août pour les gardes du corps — certains paramètres sont déjà connus.

Ainsi, les hausses salariales se situent à 5,25 pour cent sur cinq ans pour un contrat de travail rétroactif à 2015 et se terminant en 2020. Comme les autres agents de la paix, ils ont également une majoration salariale de 1,5 pour cent et les gardes du corps recevront une prime additionnelle de 4 pour cent à compter de 2019 en raison des horaires variables et de la grande disponibilité exigée par leurs fonctions.

Ces syndiqués sont soumis au même régime que l’ensemble des agents de la paix et n’ont pas de droit de grève.

Les constables spéciaux, qui assurent la sécurité notamment dans les palais de justice, l’Assemblée nationale et les édifices gouvernementaux, ont reçu samedi la directive de leur syndicat de cesser leurs moyens de pression et de revenir à l’uniforme régulier.

Le président de l’Association professionnelle des gardes du corps du gouvernement du Québec (APGCGQ), Éric Létourneau, a qualifié les négociations de «fermes, parfois coriaces, ardues et complexes, mais toujours respectueuses», ajoutant que «la sacoche du contribuable québécois est excessivement bien gardée dans le bunker de la Grande-Allée».

De son côté, le président du Syndicat des constables spéciaux du gouvernement du Québec, Frank Perales, a également parlé de négociations qui n’étaient «pas faciles», saluant l’intervention du ministre Moreau qui «a fait débloquer les choses; ç’a été un tournant dans les négociations».

Pierre Moreau, pour sa part, s’est félicité de la conclusion de ces ententes qui, selon la formule éprouvée, respectent «le cadre financier que le gouvernement s’est donné: la capacité de payer des Québécois».

Derniers dossiers en suspens

Trois autres groupes restent à être réglés, le plus important étant les 18 000 professionnels membres du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ).

Une rencontre est prévue mercredi entre les parties pour tenter de faire progresser les pourparlers.

Il en va de même pour les quelque 360 membres du Syndicat des agents de protection de la faune du Québec (SAPFQ), qui rencontrent également la partie patronale mercredi. Il s’agit du dernier groupe d’employés ayant le statut d’agents de la paix n’ayant pas fait l’objet d’une entente de principe.

Enfin, un groupe de 185 employés de la Régie des installations olympiques est toujours sans contrat de travail.

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