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Les adeptes de jeux vidéo d’action auraient moins de matière grise

Photo: Getty Images/Ingram Publishing
Jean Philippe Angers, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Les personnes qui ont l’habitude de jouer à des jeux vidéo ont moins de matière grise dans leur hippocampe, une partie essentielle du cerveau, laisse croire une nouvelle étude menée à l’Université de Montréal.

En fait, ce sont surtout les adeptes de jeux vidéo de tir à la première personne, tels «Call of Duty», «Killzone» et «Borderlands 2», qui seraient à risque d’une atrophie de l’hippocampe. Les jeux de plateforme en 3D, comme ceux de la série «Super Mario», pourraient même faire augmenter la matière grise dans le système mémoire de l’hippocampe.

Dans l’étude que publie mardi la revue «Molecular Psychiatry», l’auteur principal, Gregory West, professeur agrégé de psychologie à l’Université de Montréal, souligne que plus l’hippocampe est affaibli, plus l’individu risque de souffrir d’une maladie mentale comme la dépression, la schizophrénie, le trouble de stress post-traumatique ou la maladie d’Alzheimer.

Il avait déjà été démontré que les jeux vidéo sont bénéfiques pour certains systèmes cognitifs du cerveau, principalement ceux liés à l’attention visuelle et à la mémoire à court terme.

Toutefois, cette nouvelle étude montre, grâce à certaines preuves comportementales et la neuro-imagerie, qu’il pourrait y avoir des répercussions sur l’hippocampe.

M. West, qui a réalisé l’étude en collaboration avec Véronique Bohbot, professeure agrégée de psychiatrie à l’Université McGill, explique que l’étude par neuro-imagerie a comparé les images des cerveaux de personnes qui jouent régulièrement à des jeux vidéo d’action avec celles de personnes qui n’y jouent pas.

À la lumière des résultats, les chercheurs ont remarqué qu’il y avait moins de matière grise dans l’hippocampe des joueurs, et ont ensuite effectué deux études longitudinales pour établir un lien de causalité avec le fait de jouer à des jeux vidéo.

Pour mener à bien leur enquête, les chercheurs ont recruté 51 hommes et 46 femmes à l’Université de Montréal et leur ont demandé de jouer à des jeux vidéo réputés de tir à la première personne, ainsi qu’à des jeux en 3D pendant environ 90 heures — soit approximativement 12 heures par semaine durant environ deux mois.

«On a pris des non-joueurs, et on a les a entraînés à jouer à des jeux vidéo d’action — donc de tirs à la première personne —, et on les a mesurés avant et après pour mesurer concrètement ce qui se passe dans leur cerveau», a expliqué Mme Bohbot.

Ressemblant à l’animal dont il tire son nom, l’hippocampe est la partie du cerveau qui aide les gens à s’orienter (la mémoire spatiale) et à se souvenir de leurs expériences passées (la mémoire épisodique). Ainsi, il a été démontré que les chauffeurs de taxi londoniens ont un hippocampe très développé, indique-t-on. Plus il y a de matière grise dans l’hippocampe, plus l’ensemble du cerveau est en bonne santé.

Il existe cependant une autre partie d’importance égale à l’hippocampe dans le cerveau, le striatum. Elle est constituée de ce qu’on appelle le noyau caudé, qui agit comme une sorte d’«autopilote» et de «système de récompense» – pour nous indiquer par exemple quand nous devons manger, boire, faire l’amour et accomplir toutes ces autres actions qui nous gardent en vie et nous rendent heureux.

Ainsi, 85 pour cent des joueurs utilisent cette partie du cerveau pour naviguer dans un jeu vidéo. Par conséquent, l’hippocampe est moins sollicité, perd des cellules et s’atrophie, mentionne la nouvelle étude.

«Ce ne sont pas tous les jeux qui ont le même effet, ce sont spécifiquement les jeux de tirs à la première personne, et en plus, ce n’est pas sur 100 pour cent de la population, c’est sur 85 pour cent des personnes qui seront attirées vers ces jeux-là, qui eux, dès le départ, ont tendance à chercher plus de récompenses et qui vont utiliser leur noyau codé», a indiqué Mme Bohbot.

M. West et son équipe ont fait traverser aux participants un labyrinthe virtuel sur leur ordinateur, dans le but de dissocier les participants qui recourent à une stratégie d’apprentissage spatial (où leur hippocampe est stimulé) de ceux qui se servent d’une stratégie de réponse par stimulus (ceux qui apprennent par le système de récompense).

Pour se souvenir des chemins qu’ils avaient pris et ne pas perdre de temps à chercher des objets qu’ils avaient déjà trouvés, les joueurs qui utilisent l’apprentissage spatial se sont repérés grâce aux éléments de l’arrière-plan: un rocher, des montagnes, deux arbres. Ceux qui font appel à une stratégie de réponse par stimulus n’ont pas procédé ainsi: ils ont ignoré les points de repère du décor et se sont plutôt appliqués à retenir la séquence de virages à droite et à gauche qu’ils avaient suivie depuis leur position de départ.

«C’est possible, comme avec Super Mario Brothers, de concevoir des jeux qui sont favorables à un hippocampe en bonne santé. Donc, oui, ce sera le défi des compagnies de jeux vidéo de trouver des jeux qui vont être favorables à une bonne santé cognitive», a soutenu Mme Bohbot.

M. West a indiqué qu’une prochaine étude pourrait déterminer de manière plus précise quels aspects du design d’un jeu vidéo contribuent à l’impact sur le cerveau, et quels mécanismes particuliers entrent en jeu.

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