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Les moines qui cultivaient des melons

Giuseppe Valiante, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

SAINT-JEAN-DE-MATHA, Qc — Dans le piedmont de chaîne des Laurentides, au nord de Montréal, un groupe de moines cisterciens réapprennent à cultiver un cantaloup créé il y a un siècle par un des leurs.

La renaissance du melon d’Oka, dans le potager de leur abbaye au style contemporain, a été rendue possible par le producteur de semences biologiques Jean-François Lévêque, qui s’est donné pour mission de ramener à la vie l’héritage oublié des agriculteurs québécois.

«Je ne pourrai pas, seul, parvenir à préserver ce patrimoine», a prévenu Jean-François Lévêque sur le terrain où il a fondé Jardins de l’Écoumène, à Saint-Damien, à cinq minutes de l’abbaye de Val-Notre Dame.

Les produits agricoles patrimoniaux se font rares, car la plupart des fruits et légumes en épicerie provienent de fermes à grande échelle. Ces exploitations industrielles cultivent de manière uniforme une pauvre variété d’aliments de sorte à obtenir un plus haut rendement et ainsi approvisionner les grandes villes.

Avant l’apparition de ces exploitations agricoles d’envergure, les tablées en Amérique du Nord jouissaient d’une grande diversité, et les semences de cette époque rendent compte de l’alimentation de nos ancêtres.

Les moines se trouvent au coeur de l’histoire alimentaire du Québec, et le récit de l’ordre religieux d’Oka en est un particulièrement délectable.

Les moines trappistes ont fondé une école d’agronomie en 1893, l’Institut d’agricole d’Oka, lorsqu’ils étaient toujours établis à Oka, non loin de Montréal.

C’est là où ont été créés le fameux fromage d’Oka et le poulet Chantecler — une race élevée pour résister aux rigoureux hivers québécois.

L’école a mis la clé sous la porte dans les années 1960, lorsque les établissements de santé et d’éducation sont passés aux mais de l’État séculier. Le nouveau gouvernement de Jean Lesage a alors décidé de ne garder qu’une seule faculté d’agronomie, à l’Université Laval.

Les années se sont écoulées et les moines ont perdu le melon d’Oka — jusqu’à l’arrivée de Jean-François Lévêque.

Au coeur de l’abbaye de Saint-Jean-de-Matha, où les moines, de moins en moins en moins nombreux, ont dû déménager, se trouve une cour entourée de hautes fenêtres à travers lesquelles ils peuvent observer le fil des saisons.

Le frère Lucien explique doucement qu’il ignore pourquoi le melon d’Oka est disparu tout ce temps.

«Ça fait partie de notre patrimoine, de notre histoire — et aussi, il est quand même délicieux», a-t-il avancé.

Il raconte que le père Athanas Montour a créé ce cantaloup, un croisement entre le melon banane et le melon montréalais.

Le melon de Montréal est un fruit que Jean-François Lévêque juge «décevant» parce que ses graines ne sont pas uniformes. Certaines produisent des mélons format géant, d’autres, de tout petits fruits. «Une fois sur deux, soit on l’a récolté trop tôt, donc les goûts et les saveurs ne sont pas au rendez-vous, soit on l’a récolté trop tard», expose-t-il.

Mais lorsqu’il a découvert le melon d’Oka en fouillant dans les archives d’une banque de semences américaine, il savait qu’il devait ramener ce fruit à la vie.

L’été dernier, les moines de Val-Notre Dame l’ont fait poussé pour la première fois en plusieurs décennies.

Jean-François Lévêque ne s’arrête pas là. Il appelle les fermes communautaires et artisanales à elles aussi donner un nouveau souffle aux semences patrimoniales qui racontent l’histoire des Québécois.

Il compte ajouter le melon d’Oka à l’Arche du goût, un inventaire des produits alimentaires menacés à travers le monde.

«On entend l’inscrire à l’Arche du goût pour lui donner la notoriété qu’il mérite», a précisé M. Lévêque, confiant d’y parvenir.

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