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Ottawa encadre les infos obtenues sous la torture

GRC
Photo: Archives Métro
Jim Bronskill, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — De nouvelles directives fédérales limitent l’utilisation, par les services de sécurité canadiens, d’informations susceptibles d’avoir été obtenues par la torture, sans toutefois l’interdire complètement.

Pour empêcher un éventuel attentat terroriste, la Gendarmerie royale du Canada, le Service canadien du renseignement de sécurité et l’Agence des services frontaliers du Canada pourraient ainsi utiliser des renseignements en sachant qu’ils ont été soutirés par la torture.

Toutefois, les directives annoncées lundi interdisent de dévoiler ou de demander des informations à des agences étrangères lorsqu’il y a un risque important que ce geste entraîne la torture d’un individu.

Par exemple, le Canadien d’origine syrienne Maher Arar a été détenu à New York en septembre 2002 et renvoyé en Syrie par les autorités américaines — se retrouvant dans une prison aux allures de donjon à Damas. Soumis à la torture, il a fait de fausses confessions à propos d’une supposée implication au sein d’Al-Qaïda.

Une commission d’enquête fédérale, menée par le juge Dennis O’Connor, a conclu que des informations erronées fournies par la GRC aux Américains après les attentats du 11 septembre 2001 ont fort probablement causé le terrible cauchemar vécu par le résident d’Ottawa.

Les nouvelles règles interdisent aussi l’utilisation d’informations obtenues par la torture si celles-ci ne visent qu’à prévenir des dommages envers des biens matériels.

Cependant, la porte demeure ouverte à l’utilisation d’informations soutirées par la torture qui pourraient permettre de «prévenir la perte de vies humaines ou que des gens soient blessés».

Dans un tel cas, les renseignements doivent être précisément décrits et il doit être clair qu’ils sont utilisés dans l’unique objectif d’essayer d’éviter un attentat.

Ces directives sont une version modifiée des consignes établies par le précédent gouvernement conservateur qui permettaient l’échange d’information avec des pays étrangers même s’il existait des risques connus de torture.

Plusieurs groupes de défense des droits de la personne et le Nouveau Parti démocratique (NPD) ont appelé le gouvernement libéral à abroger ces directives, estimant qu’elles reviennent à cautionner la torture et à enfreindre les obligations internationales du Canada.

Ils ajoutent que les victimes de torture vont déclarer n’importe quoi pour que l’on cesse de les faire souffrir, ce qui enlève toute valeur à l’information.

Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, avait déclaré l’an dernier que ces mesures soulevaient des questions troublantes.

Pour le porte-parole du NPD en matière de sécurité publique, Matthew Dubé, il ne s’agit que de «modifications sémantiques».

«Bien qu’elle dise les bonnes choses, cette directive continue de permettre l’utilisation d’informations obtenues sous la torture dans certains cas avec une très faible obligation de rendre des comptes», a déclaré M. Dubé.

Amnistie internationale Canada a qualifié les nouvelles consignes «d’amélioration significative» par rapport aux précédentes. «Toutefois, des failles et un manque de précision sur certains points pourraient maintenir la porte ouverte à des cas de complicité de torture et à l’encouragement tacite de la torture aux mains d’autorités étrangères.»

«Utiliser toute information obtenue sous de mauvais traitements encourage certainement les tortionnaires à continuer à perpétrer leurs crimes, sachant qu’il y a des agences de renseignement prêtes à la recevoir et à s’en servir», a commenté Alex Neve, le secrétaire général d’Amnistie internationale Canada.

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