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Netflix: quelle part pour le contenu francophone?

Adrian Wyld / La Presse Canadienne Photo: Adrian Wyld / La Presse Canadienne
Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Netflix est-il contractuellement tenu de réserver une part de son investissement de 500 millions $ aux productions en français? Ni le géant de la diffusion en ligne ni la ministre Mélanie Joly n’ont voulu le dévoiler, jeudi. Mais la ministre du Patrimoine canadien assure que le Québec aura droit à sa juste part.

L’entreprise américaine a été «étonnée par la qualité de l’écosystème (culturel) au Québec», en particulier celle du cinéma et de la télévision, a plaidé la ministre du Patrimoine canadien peu après avoir présenté la vision «pour un Canada créatif» du gouvernement dans un discours à Ottawa.

«Sincèrement, les arguments étaient évidents. Parce que Netflix est très au courant que les meilleurs réalisateurs, présentement, à Hollywood, sont Jean-Marc Vallée, Xavier Dolan et Denis Villeneuve», a exposé Mme Joly en point de presse au Château Laurier.

«Lorsqu’on a commencé nos pourparlers avec Netflix, pour moi, il était fondamental qu’il y ait des investissements en contenu francophone», a-t-elle souligné, se disant «convaincue» que l’entreprise investira «une bonne partie» du 500 millions $ sur cinq ans sur des productions dans la langue de Molière.

Le plan prévoit également l’injection d’une somme de 25 millions $, aussi sur cinq ans, pour le déploiement d’une «stratégie» visant à permettre au géant du divertissement d’«apprendre à connaître davantage le secteur» culturel francophone, a fait remarquer Mme Joly.

Malgré l’insistance des journalistes, tant la ministre que les fonctionnaires du gouvernement n’ont voulu préciser si le contrat comportait un quota pour la production francophone, ni spécifier le montant que Netflix investissait déjà en production de contenu canadien avant que l’entente avec Ottawa n’intervienne.

«L’information soumise par Netflix dans le cadre de l’examen de l’investissement proposé ne peut être divulguée car il s’agit de renseignements protégés en vertu des strictes règles de confidentialité spécifiées dans la Loi sur Investissement Canada», a écrit dans un courriel une porte-parole du ministère du Patrimoine canadien.

Du côté de l’entreprise californienne, on a également refusé de fournir cette information ou même de dire si l’investissement représentait un bond significatif par rapport aux sommes investies dans les années précédentes au Canada.

«Je ne suis pas en mesure d’établir cette comparaison», a dit un porte-parole, Bao-Viet Nguyen, en entrevue avec La Presse canadienne. Il a également refusé de discuter des détails contractuels en matière de contenu francophone.

Mais Netflix est «absolument intéressé à développer du contenu en français», a-t-il insisté à l’autre bout du fil.

Cependant, pour les néo-démocrates et les bloquistes, les libéraux viennent d’abdiquer leurs responsabilités en matière de protection de la culture en concluant cette entente avec le géant américain.

«La ministre du Patrimoine s’en va confier la responsabilité de nos politiques culturelles à une entreprise américaine. On est-tu rendu à sous-traiter la protection de notre culture aux Américains?», a pesté en Chambre le député néo-démocrate Pierre Nantel.

«Notre plan inclut un investissement sans précédent de Netflix au Canada. Une première en son genre à l’échelle mondiale a également été annoncée, qui créera de bons emplois pour les créateurs canadiens», lui a répondu le premier ministre Justin Trudeau.

De son côté, le député bloquiste Xavier Barsalou-Duval a fustigé l’entente et réclamé que 33 pour cent de l’enveloppe de 500 millions $ soit «réservé aux productions francophones». Le secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien, Sean Casey, a esquivé.

Pas de «taxe Netflix»

En dévoilant ce plan, qui a été élaboré après des mois de consultations avec des joueurs de l’industrie d’un bout à l’autre du Canada et ailleurs dans le monde, les libéraux respectent leur promesse de ne pas infliger de «taxe Netflix».

Ils l’avaient formulée à maintes reprises en campagne électorale, puis une fois au pouvoir, après que les conservateurs eurent agité l’épouvantail — l’ex-premier ministre Stephen Harper avait accusé les libéraux d’avoir cette velléité dans une vidéo publiée en campagne électorale.

La ministre Joly a réitéré que la décision était conforme à la promesse libérale de ne pas alourdir le fardeau fiscal de la classe moyenne.

«On sait que les services internet au pays sont parmi les plus dispendieux au monde. Donc, on ne veut pas augmenter le fardeau sur notre classe moyenne», a-t-elle offert lorsqu’on lui a demandé pourquoi Ottawa a décidé de taxer le service Uber, mais que Netflix y a échappé.

Imposer une taxe au service Netflix — comme celle que paient des services canadiens similaires comme Tou.tv Extra ou encore Club illico — aurait pu permettre de regarnir le Fonds des médias canadiens, qui est en difficulté.

«Je reconnais qu’il y a beaucoup d’anxiété liée à la pérennité du financement des productions indépendantes. (…) Nous voulons démontrer notre appui au secteur», a-t-elle souligné dans un discours prononcé devant le Club économique du Canada au Château Laurier, à Ottawa.

Le gouvernement fédéral va «accroître sa contribution» au Fonds des médias canadiens dès 2018 — le montant de cette hausse n’a pas été précisé — pour compenser la baisse du financement privé, dont les revenus sont déclin, a annoncé Mme Joly.

La vision du gouvernement présentée jeudi ne prévoit aucune mesure d’aide pour les médias écrits. Plusieurs patrons d’entreprises de presse écrite avaient demandé un coup de pouce financier au gouvernement fédéral.

«Nous n’avons pas l’intention de soutenir les modèles qui ne sont plus viables pour l’industrie. Nous préférons centrer notre aide sur l’innovation, l’expérimentation et la transition vers le numérique», a signalé Mélanie Joly dans son discours.

Le député Nantel a déploré l’absence d’un fonds d’aide, qui avait été réclamé par une coalition de médias. «Il ne faut pas fermer les yeux! La démocratie a besoin du travail que (les journalistes) font. Partout au Canada, les gens sont inquiets», a-t-il dit en mêlée de presse.

«Le gouvernement a pour absolue mission de répondre à une coalition si unanime d’intervenants», a martelé Pierre Nantel, porte-parole de son parti en matière de patrimoine et de culture.

Au Parti conservateur, où on n’est pas spécialement friand des investissements publics dans les industries culturelle et médiatique, on a plutôt bien accueilli le plan libéral, lui reprochant tout de même une certaine minceur après des mois de «battage publicitaire».

Il est vrai que plusieurs enjeux demeurent en chantier. Parmi ceux cités jeudi par Mélanie Joly figurent la révision Loi sur le droit d’auteur, de la Loi sur les télécommunications et de la Loi sur la radiodiffusion.

La ministre attend aussi du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) qu’il produise «au cours des prochains mois» un rapport sur «la manière dont il conçoit l’évolution du système pour soutenir le contenu canadien».

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