Soutenez

Le cannabis, une denrée agricole au Québec?

Quebec Transport Minister Laurent Lessard responds to reporters' questions as he heads to a cabinet meeting, at the legislature in Quebec City on Wednesday, October 5, 2016. THE CANADIAN PRESS/Jacques Boissinot Photo: Jacques Boissinot/La Presse canadienne

QUÉBEC — Le gouvernement Couillard n’est toujours pas en mesure de dire s’il considère le cannabis comme étant un produit agricole, à quelques mois de sa légalisation, tandis que le milieu agricole commence à s’impatienter.

Pourtant, la classification du produit — à savoir s’il est une denrée agricole, un produit médicinal ou un mélange des deux — est d’une importance capitale pour les agriculteurs québécois, qui attendent d’acheter leurs semences, de construire des serres et d’ériger des systèmes de sécurité pour prévenir le vol.

À partir du moment où le cannabis est reconnu comme denrée agricole, les producteurs du Québec pourraient se regrouper, demander un plan conjoint et ainsi être assujettis à la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec, le chien de garde du milieu agricole.

Mais le gouvernement envoie le signal qu’il pourrait aussi aller dans une toute autre direction. La présidente de la régie, Ginette Bureau, a témoigné en commission parlementaire, mardi, que le gouvernement ne l’avait jamais consultée au sujet du cannabis.

«Actuellement, avec l’évolution du projet de loi, comme c’est là, je ne sais pas si ça va être une production soumise à la régie, a déclaré le ministre de l’Agriculture, Laurent Lessard, en entrevue avec La Presse canadienne. Donc on va voir de quel niveau de production, qui va la faire, etc. Vous savez tous les plans conjoints, etc. On n’en est pas là pour l’instant, à préciser le mode (de production).

«Il y a beaucoup de pourparlers là-dessus», a-t-il ajouté, sans donner davantage de détails.

Le ministre entretient le flou, s’inquiète le porte-parole de la Coalition avenir Québec (CAQ) en matière d’agriculture, Donald Martel.

«Honnêtement, ça sent l’improvisation à plein nez, a-t-il dit. C’est comme s’il s’imagine que le pot va être produit dans la nuit du 30 juin au 1er juillet.

«Ça prend un certain temps à produire le cannabis, là. Il est légal le 1er juillet l’année prochaine. La saison de la culture est terminée. Il reste quelques mois. Qui va le produire, où et quand est-ce que ça va être légal de commencer à le produire?» s’est questionné le député Martel.

Des questions que se pose aussi l’Union des producteurs agricoles (UPA). Dans son mémoire présenté à la ministre de la Santé publique, Lucie Charlebois, lors des récentes consultations sur le cannabis, l’organisme recommande d’impliquer la Régie des marchés agricoles.

«La régie peut s’assurer que les standards (de qualité) sont respectés», a affirmé le président de l’UPA, Marcel Groleau, en entrevue téléphonique.

Le secteur agricole pourra d’ailleurs répondre aux impératifs de qualité recherchés par les autorités, assure l’UPA dans son mémoire. La qualité des produits exige, d’une part, que les taux de THC et de cannabidiol (CBD) soient contrôlés et d’autre part, que la présence des contaminants que l’on peut retrouver dans les produits soit dosée.

«Minuit moins une»
Chose certaine, il est «minuit moins une», ajoute M. Groleau. «Si on veut être dans le marché, ça commence à urger que l’on sache à quoi s’en tenir, a-t-il dit. On pourrait être dépassé par nos concurrents si on ne bouge pas rapidement.»

Le président de l’UPA ajoute qu’une prise de contrôle de la production par une poignée de multinationales pourrait faire mal au Québec.

«Les retombées économiques, oui il y en a tout le temps, mais les bénéfices ou les profits ne sont pas toujours réinvestis dans les régions d’où ils proviennent», s’est-il inquiété.

Or, la canado-américaine MYM Nutraceuticals inc. a déjà promis de créer 400 emplois directs et 800 emplois indirects à Weedon, dans les Cantons-de-l’Est.

L’entreprise pharmaceutique, qui produit du pot médicinal, investira 200 millions $ dans le «Projet Weedon» d’ici un an: 15 serres de production et un bâtiment multifonctionnel de plus de 100 000 pieds carrés comprenant un centre de recherche, une école, un restaurant, un hôtel-spa, un musée, un centre d’interprétation, une boutique et un centre de recherche sur le chanvre à des fins industrielles.

De plus, la compagnie ontarienne The Green Organic Dutchman vient d’acquérir des terrains de 3,2 millions de pieds carrés à Salaberry-de-Valleyfield pour y produire du cannabis médicinal.

«Soyons clairs, notre projet à Weedon n’est pas un projet pour produire du cannabis à des fins récréatives, mais un projet pour produire du cannabis médicinal à des fins médicales et du chanvre à des fins industrielles», a indiqué Yann Lafleur, président de Canna Canada, qui fait le lien entre Weedon et MYM Nutraceuticals Inc., au quotidien La Tribune le mois dernier.

Pour ceux qui souhaitent se placer sur la ligne de départ, il ne reste pas beaucoup de temps, selon l’économiste Maurice Doyon, du département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation à l’Université Laval.

À son avis, deux visions de la production du cannabis s’opposent.

«Est-ce que j’en veux 200 (producteurs de cannabis) ou moins de dix? a-t-il résumé. Ce projet-là (le projet Weedon) suscite énormément d’espoir dans ce coin-là. Si vous opposez un discours de producteurs agricoles de l’UPA qui dit: «Non, nous on préfère peut-être que ce soit à la grandeur du territoire», vous allez créer beaucoup de déception dans cette région-là, vous comprenez.

«Là, il y a une pression politique qui est en train de se construire», a affirmé M. Doyon, en ajoutant que les emplois promis à Weedon équivalent à environ 26 000 emplois dans la région de Montréal.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.