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Agropur demande à Ottawa de respecter sa parole

Dairy milking cow Photo: Archives Métro
Pierre Saint-Arnaud, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Agropur appelle le gouvernement fédéral à respecter intégralement son engagement à défendre le système de gestion de l’offre dans le cadre de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).

Au lendemain de la demande des États-Unis d’abolir le système canadien de gestion de l’offre d’ici dix ans, le président de la coopérative, René Moreau, a averti mardi que «pour aucune considération» ses membres, les producteurs laitiers et les 120 000 personnes qui oeuvrent dans l’industrie laitière au Canada, «n’accepteront de devenir une monnaie d’échange dans les négociations en vue du renouvellement de l’ALÉNA».

S’adressant à quelque 300 convives réunis à l’invitation du Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), M. Moreau a soutenu que la fin du système de gestion de l’offre, qui régit la production laitière, des oeufs et de la volaille, aurait des conséquences potentiellement catastrophiques pour ses membres.

M. Moreau a rappelé les conclusions d’une étude du Boston Consulting Group, réalisée en 2015, qui estimait que l’élimination de la gestion de l’offre se traduirait notamment par une perte de 2 milliards $ à 3,5 milliards $ pour le produit intérieur brut du Canada et mettrait à risque quelque 24 000 emplois, en plus de placer entre 6 milliards $ et 7 milliards $ de financement bancaire dans le secteur agricole à risque d’être en défaut.

De plus, il affirme qu’il est illusoire de faire miroiter des baisses de prix pour les consommateurs puisque les pays ayant procédé à une forme de déréglementation de leur industrie laitière ont vu les revenus de leurs producteurs agricoles chuter sans que les prix ne connaissent de baisse significative à quelques exceptions près.

L’expérience de l’Australie, dont les réformes de l’industrie agricole sont les plus près d’une véritable déréglementation, est «un échec complet», selon René Moreau.

Malgré un soutien gouvernemental important (2 milliards $ AUS sur 8 ans) «l’expérience australienne s’est soldée par une baisse du nombre de fermes laitières, une baisse de la production de lait et une baisse des exportations de produits laitiers», a-t-il noté, soulignant que l’industrie laitière australienne avait subséquemment encaissé plusieurs pertes d’emplois et que, si le prix du lait était demeuré stable, les prix du beurre et du fromage avaient augmenté à un rythme supérieur à celui de l’inflation.

Le système de gestion de l’offre au Canada, implanté dans les années 1970, «a donné de bons résultats non seulement pour les producteurs laitiers mais pour toute la chaîne de valeur, jusqu’au consommateur, et tout ça en maintenant un prix juste et équitable autant pour les producteurs que pour les consommateurs», a-t-il fait valoir.

M. Moreau a cité le premier ministre Justin Trudeau, qui a affirmé que «tous les pays protègent pour une bonne raison leur industrie agricole» et que le système de gestion de l’offre «fonctionne très bien ici au Canada».

Il a aussi rappelé que les députés fédéraux avaient adopté de façon unanime aux Communes, le 26 septembre dernier, une motion exprimant la volonté du Canada «de maintenir intégralement la gestion de l’offre dans le cadre des négociations de l’ALÉNA».

Agropur, l’américaine

La coopérative Agropur, fondée en 1938 à Granby en Montérégie, comptait 109 membres en 1940 et avait un chiffre d’affaires d’un peu moins de 170 000 $. Elle compte aujourd’hui 3345 producteurs laitiers répartis dans cinq provinces et son chiffre d’affaires dépasse les 6 milliards $.

Sa croissance, qui s’est accélérée au cours des dernières années, en a fait le 20e transformateur mondial dans le secteur laitier. Au fil des ans, la coopérative a réalisé pas moins de 140 fusions et acquisitions et, chose peu connue dans le grand public, près de la moitié de son chiffre d’affaires est désormais réalisé au sud de la frontière.

L’entreprise s’est ainsi montrée extrêmement active aux États-Unis depuis 2008 afin de survivre dans un contexte mondial de consolidation.

«Nous devons le faire si nous voulons demeurer compétitifs face aux grands joueurs mondiaux et ainsi assurer la pérennité de notre entreprise. Ces multinationales ont jusqu’à quatre fois notre taille et sont très présentes sur le marché canadien», a fait valoir M. Moreau.

Aujourd’hui, des 39 usines de transformation détenues par Agropur, 12 sont au Québec, 16 se trouvent ailleurs au Canada et 11 sont aux États-Unis. La coopérative emploie environ 8000 personnes, soit 3300 au Québec, 2200 dans le reste du Canada et 2500 au sud de la frontière.

Avec une telle présence aux États-Unis, il serait tentant de croire qu’elle serait lentement devenue un apôtre du libre-échange sans contraintes.

Un tel raisonnement ferait toutefois abstraction d’une réalité qui lui est propre, soit qu’il s’agit d’une coopérative appartenant à ses membres qui, eux, sont ici au Canada.

Mais Agropur ne voit aucune contradiction ou tension interne entre ses filiales dans le système actuel.

«Nous sommes convaincus que l’ALÉNA a été — et demeure — un accord bénéfique tant pour le Canada que les États-Unis», a fait savoir l’entreprise par voie de courriel à la suite de l’allocution de M. Moreau.

«Le Canada est le deuxième plus important marché d’exportation des produits laitiers des États-Unis. Et les exportations des États-Unis vers le Canada ont connu une croissance stable depuis l’entrée en vigueur de l’ALÉNA», précise-t-on.

Le courriel ajoute qu’«Agropur croit que ce système (ALÉNA et gestion de l’offre) procure une stabilité aux exploitants agricoles et aux transformateurs, et des prix équitables aux consommateurs, en plus de contribuer au développement économique des régions rurales canadiennes».

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