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Statistique Canada a dû se réinventer

Jordan Press, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Pendant que les politiciens fédéraux débattaient âprement du retrait du questionnaire long du recensement, Statistique Canada gardait un profil bas, attendant le jour qu’elle pourra le réactiver.

Le Canada récolte aujourd’hui le fruit de cette prévoyance. L’agence dévoilera mercredi sa plus récente tranche de données provenant du recensement de 2016, les premières issues du questionnaire long obligatoire qui avait été jeté aux oubliettes pendant 10 ans.

Statistique Canada a déjà publié une série de données depuis le début de l’année. On a appris que la population dans l’Ouest avait connu une croissance fulgurante, que le nombre de ménages avait progressé, que le nombre des personnes âgées avait atteint un plateau historique ou que les enfants vivaient plus longtemps dans la maison familiale.

On s’attend à ce que les données qui seront dévoilées mercredi indiquent la part de plus en plus importante des immigrants au sein de la population.

Le recensement doit aussi donner des précisions sur les conditions de vie des Autochtones, dont la croissance démographique est plus rapide que celles de leurs compatriotes non autochtones. Leur nombre devrait s’approcher de 1,7 million de personnes; le quart d’entre elles étant âgées de moins de 15 ans, a dit Doug Norris, démographe principal chez Environics Analytics.

Après que le précédent gouvernement conservateur eut annulé le long questionnaire obligatoire lors du recensement de 2010, Wayne Smith, alors statisticien en chef de Statistique Canada, demanda à des employés de préparer un questionnaire obligatoire au cas où Ottawa changeait d’avis — ou si un nouveau gouvernement était porté au pouvoir.

On ignore si l’agence tentera de comparer les présentes données avec celles de 2011. À l’époque, elle avait élaboré un questionnaire de remplacement auquel les Canadiens pouvaient répondre sur une base volontaire. L’idée a rapidement été abandonnée car les données ainsi récoltées n’étaient pas sûres. On s’attend plutôt que Statistique Canada comparent les dernières données avec celles de 2006 — un signe qu’elle veut tirer un trait sur une période que Wayne Smith avait qualifiée de «difficile».

Après l’abandon du long questionnaire, Statistique Canada a investi des efforts dans la création d’un portrait statistique de la population en obtenant des données administratives. Michael Wolfson, un ancien adjoint du statisticien en chef, se rappelle que cette enquête a donné à l’agence «sa raison d’être en poussant plus ardemment à la recherche de sources de données administratives».

Les dirigeants étaient mal à l’aide dans un premier temps, craignant qu’une fuite de données entraîne un «Armageddon contre la vie privée», se rappelle M. Smith.

Avec zèle, les responsables du recensement se sont mis à la recherche de données provenant des certificats de naissance, des dossiers de l’immigration, des permis de conduire et des déclarations d’impôt. Ils avaient l’espoir de dresser un portrait de presque tous les Canadiens. Cette récolte pourrait permettre éventuellement d’éliminer des questions du long formulaire.

Par exemple, en 2016, la section sur les revenus s’est inspirée de l’Agence du revenu du Canada, ce qui a permis d’éliminer une question.

Dans un rapport publié en août, Statistique Canada mentionnait qu’elle avait élaboré une base de données statistiques sur la population à l’aide des données administratives provenant de l’Agence du revenu du Canada, d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ainsi que des statistiques de l’état civil des provinces et des territoires. Les résultats obtenus «se sont bien comparés à l’échelle nationale, provinciale et territoriale, ainsi que selon l’âge et le sexe». L’agence reconnaissait toutefois que le modèle avait des limites. Pour obtenir une même qualité de données que le recensement, «il fallait un travail plus approfondi aux niveaux géographiques inférieurs et une analyse plus poussée des sous-populations».

Statistique Canada espère utiliser en partie le modèle pour le recensement de 2021 et s’en servir pour remplacer le questionnaire abrégé à compter de 2026.

Les données pourront éventuellement être mises à jour en temps réel plutôt qu’à tous les cinq ans.

Un tel modèle pourrait libérer des ressources pour permettre des enquêtes sur des sujets abordés dans le recensement dont les données ne sont pas disponibles dans les sources administratives comme l’ethnicité, l’identité autochtone ou le statut de minorité visible, estime Michael Haan, un professeur associé à la faculté de sociologie de l’Université Western à London, en Ontario.

Des pays qui ont créé des bases de données statistiques ont pu envoyer annuellement des questionnaires plus courts sur plusieurs sujets, a-t-il relevé.

«On ne sera pas obligé d’obtenir un grand nombre de renseignements sur la composition des ménages car on pourra obtenir ces données auprès d’autres sources, a dit M. Haan. Mais les bases de données devront être alimentées par des enquêtes plus courtes pour des choses qu’on ne retrouve pas dans les dossiers administratifs.»

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